ACTUS
CLU : pourquoi professionnels et représentants de bailleurs n'en veulent pas?
Le
11/2/2002
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Couverture logement universelle, fin de la 'caution' à la location d'un logement : Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement n'a pas raté son effet médiatique ! Toute la presse en a parlé, sans avoir d'ailleurs forcément bien compris ou donné à comprendre de quoi il s'agissait : suppression du dépôt de garantie ou de la nécessité de fournir un garant, ou des deux ? Elle a aussi rapporté les réactions une fois de plus frileuses - le Figaro parle même de tollé - de ceux qu'on interroge traditionnellement : l'UNPI (union nationale des propriétaires immobiliers et - plus curieusement - les fédérations d'agents immobiliers administrateurs de biens, portes-parole spontanés d'une population de bailleurs beaucoup plus diverse qu'on ne le croit généralement et qui ne pense pas nécessairement comme ces représentants auto-proclamés...
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Certes, la secrétaire d'Etat aurait pu faire mieux en termes de concertation - on nous dit qu'en fait il s'agit plus d'un pavé dans la mare, annonçant les propositions socialistes pour les prochaines échéances électorales, que d'un véritable projet gouvernemental - mais on aurait pu s'attendre qu'à cheval donné, on ne regarde pas trop les dents...
Car telle qu'annoncée, la mesure prenait en compte le souci - légitime - de sécurisation des propriétaires !
Las ! Les critiques ont fusé dès le premier communiqué, sans même attendre les précisions qui ont suivi !
De quoi s'agit-il au juste ? Marie-Noëlle Lienemann, dans un entretien accordé à La Tribune lève un coin du voile et indique deux pistes : première solution "la généralisation du système du Loca-pass, financé sur les fonds du 1 % logement, qui apporte déjà aux salariés du privé de moins de trente ans et aux étudiants boursiers l'avance du dépôt de garantie ainsi qu'une garantie de règlement en cas d'impayé. Deuxième solution, le dépôt de garantie pourrait être remplacé par un fonds de garantie auquel le propriétaire pourrait s'adresser en cas de difficulté. C'est ce fonds de garantie qui se tournerait alors vers le locataire défaillant".
Et de préciser : "Il ne s'agit en aucun cas de déresponsabiliser le locataire. C'est au contraire un système organisé qui permettrait au petit bailleur isolé de rentrer plus facilement dans ses frais. L'avantage pour le propriétaire est que la totalité des travaux serait couverte, alors que souvent les locataires partent sans payer les derniers mois de loyer, ou laissent des dommages d'un coût supérieur à la caution".
Le système prévoirait une avance au propriétaire dès constat du non-paiement. "Une aide juridique ou une médiation serait mise en place pour réaliser ce constat" est-il indiqué. Un accompagnement social serait fourni pour les locataires en difficulté temporaire. Imparable...
Quant au financement, il y a bien entendu le 1% logement déjà sollicité pour le Loca-pass (voir notre article) et le Fonds solidarité logement (FSL) qui aide les locataires en difficulté à régler leur loyer. Le Centre national de l'habitat (CNH) suggère que soit envisagée "une modeste cotisation des bailleurs et des locataires". Côté bailleurs cela remplacerait les primes d'assurance réglées actuellement par ceux qui souhaitent se garantir des risques d'impayés et de détériorations...
On apprend au passage que les impayés représentent quelque 760 millions d'euros (5 milliards de francs) par an, dont seulement 20 % ne sont finalement pas recouvrés. Ce qui n'est pas précisé, c'est le coût des procédures en recouvrement : honoraires d'huissiers, avocats, etc.
S'il n'y a pas de déresponsabilisation du locataire - pourquoi y en aurait-il plus qu'avec les systèmes de garantie de loyers impayés utilisés couramment depuis maintenant deux décennies ? - et si le propriétaire est autant sinon mieux couvert qu'avec un dépôt de garantie de deux mois et le cas échéant une caution (engagement d'un garant) dont la mise en oeuvre reste hypothétique, comment expliquer ce tollé complaisamment rapporté par une certaine presse ?
Seuls pourraient s'en plaindre les heureux propriétaires qui ont la chance d'avoir des locataires aisés et respectueux : ils peuvent ainsi bénéficier du dépôt de garantie tout en se dispensant d'une prime d'assurance ! La logique du système imaginé par la secrétaire d'Etat leur imposerait en effet une solidarité forcée... Mais sont-ils vraiment légion ? Et n'y a-t-il pas une contradiction à brandir leur étendard quand on ne cesse de mettre en avant les propriétaires qui refusent de louer par crainte des impayés et des dommages...
A vrai dire, si les réactions de l'UNPI relèvent de l'attitude naturellement défensive des milieux syndicaux vis à vis de toute réforme qu'ils n'ont pas revendiquée, celles des professionnels sont plus faciles à décoder : les dépôts de garantie conservés, même en diminution (de plus en plus de propriétaires demandent à ce qu'ils leurs soient reversés), représentent encore pour les administrateurs de biens une masse de trésorerie dont le placement apporte un complément appréciable de revenu, et par ailleurs avec le système proposé la délivrance d'une garantie de loyers impayés deviendrait inutile ; or, cette prestation, bien que fondée sur une police souscrite auprès d'une compagnie d'assurance, s'accompagne d'un supplément d'honoraires de gestion qui disparaîtrait si la "CLU" était instaurée !
Peut-être même que certains, dans un accès de lucidité extrême, entreverraient le risque qu'avec la CLU, les propriétaires, totalement sécurisés quant au recouvrement de leurs loyers, pourraient être encore plus tentés de se passer de gérant... Allez savoir !
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