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Le décret sur le logement décent serait-il défavorable aux locataires ? Le 4/3/2002
UI - Actus - 4/3/2002 - Le décret sur le logement décent serait-il défavorable aux locataires ?
Que la mesure dérange, il fallait s'y attendre ! Nombre de 'chambres de bonne' et autres cagibis, loués souvent à prix d'or, fréquemment 'au noir' ou sous le qualificatif de meublé pas toujours vérifié dans les faits, se retrouvent brusquement interdits de location parce qu'impossibles à mettre en conformité, notamment en raison de leurs dimensions : moins de 9 m2 et 2,20 m de hauteur sous plafond, ou 20 m3... Ce qui étonne par contre, c'est de voir reprendre aussi largement, par la presse mais aussi dans les forums, et y compris sur notre site, un argument qui, s'il n'était pas si souvent avancé de bonne foi, relèverait de la provocation : ce décret risquerait de priver un grand nombre d'étudiants, jeunes travailleurs et autres locataires précaires des seuls logements auxquels ils peuvent prétendre en raison de la faiblesse de leurs ressources !...

Le décret du 30 janvier 2002 a défini les caractéristiques de la "décence" minimale que la loi "SRU" (loi du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au renouvellement urbains) impose désormais à tout logement loué, meublé ou non, ou donné en logement de fonction : clos et couvert, sécurité, salubrité, éclairement et ouverture à l'air libre, chauffage, coin cuisine et point d'eau, installations sanitaires dans le logement ou dans le bâtiment et facilement accessibles... Ainsi qu'une surface et hauteur sous plafond ou un volume minimums ! Et c'est là où le bât blesse : une catégorie de logements échappaient encore à toute contrainte : les meublés - vrais ou faux - et les loges de concierges...

Curieusement, ce ne sont pas ces derniers, souvent logés dans des conditions encore plus indignes, qui font pleurer Margot, mais les pauvres locataires de ces 170.000 chambres pudiquement appelées "de service", souvent promues à la dignité de "studettes" ou plus prosaïquement chambres d'étudiants, recensées en France, dont 140.000 paraît-il pour la seule ville de Paris : que trouveront-ils pour se loger si celles qui ne sont pas mises en conformité sont retirées de la location, soit parce qu'elles ne peuvent pas l'être, soit parce que leur propriétaire refuse de faire les travaux nécessaires ? Pour un peu, à entendre les unions de propriétaires et les représentants des professionnels de l'immobilier qui, les premiers, ont avancé cette critique, les propriétaires de ces chambres rempliraient un rôle social irremplaçable...

Argument inacceptable, évidemment ! A supposer même que les locataires se ruent dans les tribunaux pour exiger la mise en conformité de leur logement, ce qui reste encore à vérifier (l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 permet de saisir le juge pour déterminer, à défaut d'accord amiable, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution, mais il n'a rien prévu dans le cas où le logement ne peut être mis en conformité, parce que trop petit ou sans possibilité de créer un point d'eau, sauf peut-être la réduction du loyer...), peut-on imaginer que des dizaines de milliers de chambres, hier encore très recherchées par les investisseurs pour leur haut rendement, vont rester vacantes ? Les propriétaires, vont bon gré mal gré s'organiser pour éviter les ennuis, qui en achetant la chambre voisine, qui en vendant au voisin pour finir par proposer des logements conformes aux nouvelles règles, au demeurant pas si difficiles à respecter...

On peut même prévoir que certains ne manqueront pas de faire de bonnes affaires, en vendant à bon prix les quelques mètres carrés qui manquent au voisin pour se mettre en règle !

Certes, du fait des regroupements, le nombre de logements de ce type finira par se réduire, et ceux qui resteront seront un peu plus chers - encore qu'à voir les loyers pratiqués par certains propriétaires dépasser au m2 ceux des appartements des beaux quartiers, on pourrait presque en douter... Mais qui peut croire que les chambres de bonne seraient la solution miracle du problème du logement en France ?

On apprécie au passage la conviction, pétrie d'une bonne conscience que l'on croyait d'un autre âge, de ceux qui croient que les mal logés peuvent s'estimer heureux de ne pas être à la rue, et l'on découvre aussi avec étonnement la haute idée qu'ils ont de l'investisseur immobilier quand ils pensent qu'on ne peut l'encourager qu'en l'autorisant à louer des taudis...

Les défenseurs de la veuve et de l'orphelin ne seraient-ils pas plus crédibles s'ils militaient plus énergiquement en faveur des encouragements fiscaux à l'investissement locatif social au lieu de regretter le système "Périssol" qui favorisait plutôt le logement haut de gamme, et s'il ne s'étaient pas dressés comme un seul homme contre le projet de "CLU" (couverture logement universelle - voir notre article) quand le ballon d'essai en a été lancé, système pourtant censé permettre à des locataires à faibles ressources d'obtenir des logements du secteur privé qui ne leur seraient pas accessibles suivant les règles actuelles du marché !...

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