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Réforme de la gestion des copropriétés : pour les syndics, une occasion à ne pas manquer ! Le 24/9/2002
UI - Actus - 24/9/2002 - Réforme de la gestion des copropriétés : pour les syndics, une occasion à ne pas manquer !
Ironie du calendrier : les syndics vont à nouveau être sur la sellette médiatique - les affaires qui les ont éclaboussés il y a presque dix ans arrivent le mois prochain au tribunal (voir notre article précédent) - alors même qu'une occasion inespérée s'offre à eux de se donner enfin les moyens de gérer autrement les copropriétés qui ont recours à leurs services ! Sauront-ils malgré tout la saisir, et même profiter du braquage des projecteurs sur leur profession pour en redéfinir les règles du jeu, ou se laisseront-ils enfoncer dans le marasme, dont peu survivront ? Sachant que le scénario le plus sombre ne fait pas forcément l'affaire des clients copropriétaires...

(Suite de notre précédent article : Syndics de copropriété : chaud devant !)

Ce devrait être le branle-bas dans les cabinets : les réformes issues de la loi "SRU" (loi du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au renouvellement urbains) arrivent au stade de leur application sur le terrain et cela risque de "décoiffer" !

Passe encore pour la réforme du décret du 17 mars 1967 : elle apportera plus de clarifications - et même des simplifications, notamment pour tout ce qui concerne les ventes de lots, nous y reviendrons en temps utile - que de bouleversements, si l'on excepte une plus grande rigueur dans la préparation des assemblées et l'obligation d'établir et faire signer le procès-verbal de celles-ci en fin de séance, disposition dont nous sommes chauds partisans mais qui risque de "sauter" dans la version finale du décret modificatif...

Par contre la réforme de la comptabilité des copropriétés ne sera pas anodine, même si le décret adopté est moins extrémiste que certaines moutures intermédiaires : il s'agit ni plus ni moins que de mettre en place de véritables règles comptables alors que les copropriétés en sont jusquà présent dispensées et que leur comptes sont faits sur le mode de ceux de la "ménagère". Les nouvelles règles seraient inspirées, non pas de la comptabilité d'entreprise comme on l'entend ici ou là, mais de celle des associations : avec une véritable comptabilité d'exercice et établissement d'états de fin d'année dignes de ce nom, un enregistrement rigoureux des dépenses (charges, travaux) et des recettes (appels de fonds, produits financiers, subventions, emprunts) dès la naissance de la dette ou de la créance correspondante, et une césure tout aussi rigoureuse des dépenses et recettes "à cheval" sur deux ou plusieurs exercices ; par ailleurs, il faudra constituer des provisions pour créances douteuses, charges de recouvrement, risques divers, voire charges d'entretien des bâtiments... Exactement comme doit le faire dans le reste du monde économique tout bon gestionnaire de patrimoine immobilier !

Conséquences principales pour les syndics professionnels : former leurs comptables à une vraie comptabilité, former leurs gestionnaires à une vraie gestion budgétaire, et revoir en profondeur l'organisation du travail dans les cabinets ! Et cela a un coût non négligeable : plus question d'arrêter les comptes des immeubles par dizaines d'un coup comme c'est pratiqué actuellement, après une brève vérification du relevé des dépenses et un contrôle plus formel que réel de la part du conseil syndical ; désormais il faudra comme pour toute comptabilité digne de ce nom se pencher sur chaque compte, traiter les dépenses et recettes à cheval sur deux exercices (pour les charges comme pour les travaux), expliquer et justifier les écarts avec le budget qui devrait devenir un exercice de moins en moins formel, enfin réfléchir et se mettre d'accord avec le conseil syndical sur les provisions à passer...

Bref, avec cette réforme s'ajoutant aux autres - carnet d'entretien, obligation de mise en concurrence plus systématique des fournisseurs et prestataires - ce n'est plus tout à fait le même métier, du moins pour ceux qui ne prendront pas tout cela "par dessus la jambe" !

Or ils risquent malheureusement d'être nombreux ! En fait, le risque est bel et bien que tout le monde - copropriétaires comme syndics - regarde ces réformes par le petit bout de la lorgnette et n'en comprenne pas la signification et l'intérêt : qui en fera en effet la pédagogie ?

Comme il ne faut pas compter sur les pouvoirs publics qui estimeront comme d'habitude leur tâche accomplie à compter de la publication des décrets, elle reposera totalement sur les syndics et les organisations de consommateurs ; or comme les premiers n'auront pas été associés à la base à la préparation des textes - quelques uns seulement, les plus gros en général, sont aux premières loges de la concertation avec les administrations, qui s'effectue au niveau des syndicats professionnels (CNAB, FNAIM, CSAB...), les autres ignorent tout de ce qui se trame - on voit tout de suite qui fera le succès ou l'échec de toute cette aventure...

Sauront-elles susciter un intérêt suffisant pour cette révolution comptable qui permettra enfin aux copropriétaires, s'ils se donnent la peine de s'y pencher, d'avoir une information fiable sur la situation financière réelle de leur copropriété, et aux candidats acquéreurs de savoir où ils mettent les pieds et ne pas découvrir des horreurs une fois devenus copropriétaires ? Rien n'est moins sûr, d'autant plus que se posera inévitablement le problème des honoraires ! Démagogie et incompréhension sont les deux écueils entre lesquels il sera difficile de naviguer...

Le jeu n'est peut-être pas perdu d'avance : la plus en pointe des associations de copropriétaires - l'ARC pour ne pas la nommer - milite depuis quelque temps pour la remise à plat de la prestation des syndics professionnels et de leur tarification, reconnaissant, au risque de jouer à contre-emploi (voir notre article), que les barèmes pratiqués par les cabinets sous la pression d'une concurrence parfois suicidaire ne leur permettent pas de délivrer la prestation attendue : elle vient d'ailleurs de renouveler son appel à une grande table-ronde sur le sujet avec les professionnels ! Aura-t-elle cette fois plus de succès que la précédente ? Le syndicat représentant le plus grand nombre de syndics, la FNAIM, n'a pas encore donné sa réponse...

L'affaire n'est pas simple et l'ARC en trace judicieusement les grandes lignes : quelles garanties obtenir en contrepartie d'honoraires plus élevés, peut-on définir ce qu'est un service de qualité, quels sont les critères, peut-il y avoir "engagement de qualité" sans contrôle extérieur et sans sanction en cas de défaillance, peut-on parler de "rémunération pour un service de base" et de "rémunération pour un service de qualité" ?

Ce qui est sûr en revanche, c'est que les syndics ne pourront se sortir seuls d'affaire - encore moins s'ils y vont en ordre dispersé - et devront une fois de plus absorber de nouvelles contraintes sans pouvoir les répercuter sur leur rémunération (d'autant qu'ils auront déjà fait le coup de façon généralement maladroite avec les carnets d'entretien - voir notre article) ! Résultat, la plupart d'entre eux appliqueront les décrets "a minima", pour la forme, en continuant sur le fond à travailler comme avant, arguant non sans raisons que la très grande majorité des copropriétaires n'a que peu à faire d'une comptabilité sophistiquée, et se contente parfaitement des comptes de "ménagère"...

Ce serait grave, car alors la profession resterait durablement prise dans l'étau, incapable de réclamer de meilleurs conditions financières parce qu'incapable de démontrer sa capacité à fournir la vraie gestion dont les copropriétés ont besoin !

Seuls pourront alors tirer leur épingle du jeu les grands groupes, qui à défaut de se donner les moyens de mieux servir les clients, ont au moins ceux de racheter à tour de bras tous les professionnels qui jettent l'éponge... L'ARC - encore elle - ne s'y trompe pas quand elle se demande "comment se traduit la concentration dans ce métier, quelles en sont les conséquences, et y a-t-il une place encore pour les petits cabinets ?"...

Il est vrai qu'elle se pose la question après avoir fortement contribué à les affaiblir, par un battage médiatique où la démagogie n'a pas toujours été absente !

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