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Locataires : le difficile passage du statut d'obligé à celui de client Le 8/10/2002
UI - Actus - 8/10/2002 - Locataires : le difficile passage du statut d'obligé à celui de client
Pas de doute, la France est un pays de propriétaires ! Plus faibles en nombre que les propriétaires - les locataires n'occupent que 9 des 21 millions de résidences principales que compte le pays - ils le sont encore plus quand il s'agit d'avoir leur mot à dire, ou tout simplement d'être respectés... Aux portes des agences immobilières, dans les rapports avec leur propriétaire - qu'il soit particulier, société privée ou organisme HLM - comme dans les copropriétés quand leur logement en fait partie, ils restent les éternels obligés, qui ne se voient reconnaître qu'un droit fondamental : celui de payer loyer et charges, et de se tenir à carreaux ! Et quel scandale quand le législateur de temps à autre se pique de vouloir les protéger des abus les plus criants...

Mentalités héritées de la crise du logement ou effet, avec la pénurie retrouvée d'un retour de balancier en faveur des propriétaires, toujours est-il qu'est bien finie la période où, au début des années 90, les locataires ont pu jouer les clients-rois ! Et encore, seulement les plus aisés d'entre eux... Le locataire est redevenu un citoyen de seconde zone, aux droits certes améliorés par les réformes successives de ces vingt dernières années, mais en fait très strictement encadrés, et surtout qu'on se soucie assez peu de satisfaire, vu que, s'il n'est pas content, il y a légion derrière pour prendre sa place !

Raisonnement évidemment à courte vue, car les litiges et un "turn-over" excessif grèvent lourdement la rentabilité d'un investissement locatif (voir notre article) ! Mais force est de constater que la mise en confiance du locataire et la qualité du service rendu sont les cadets des soucis des professionnels comme des particuliers...

Et ce à toutes les étapes d'une location :

Dès la recherche : montrer patte blanche

Pas de temps à perdre avec des candidats ne satisfaisant pas aux critères exigés ! Avant même d'avoir ouvert la bouche, le candidat locataire se voit demander un état détaillé de ses revenus et références ! Pas de pitié pour les bas salaires, les débutants, les titulaires d'emplois précaires ou de revenus non réguliers (CDD et intermittents s'abstenir), et même pour les entrepreneurs à leur compte : trop dangereux, si leurs affaires tournent mal...

A ce jeu n'ont pas de mal à triompher les fonctionnaires et cadres - même moyens - mais de grandes entreprises, en couple, blancs et bien rangés ! Certes, la récente loi de modernisation sociale a bien introduit une disposition louable, dans le registre de la lutte contre toutes les discriminations, raciales et autres (voir notre article), malheureusement à ranger au magasin des bonnes intentions sans lendemain, tant elle paraît difficile à appliquer...


L'épreuve du dossier de candidature

C'est probablement le domaine où le délire des propriétaires se donne le plus libre cours ! La loi de modernisation sociale - encore elle - vient de restreindre la liste des documents qu'un bailleur ou un mandataire sont en droit de demander (notre article), mais las ! L'imagination et le génie inquisitorial des propriétaires est le plus fort ! Et puis c'est ça ou on est invité fermement à circuler...

Alors dans les demandes de pièces, tout y passe : contrats de travail, diplômes, jugements de divorce, certificat de la Banque de France indiquant qu'on ne figure dans le fichier des interdits bancaires (sic), extrait du casier judiciaire (strictement interdit), relevés de banque, attestation de sécurité sociale (histoire de connaître le nombre de personnes à charge...) !

Sans compter la fourniture de cautions, bancaires ou de parents aisés, et l'engagement de payer par prélèvement automatique ou virement permanent, heureusement facilement révocables après signature du bail...


Un logement "décent"

C'est probablement sur ce plan que la protection du locataire a fait les progrès les plus décisifs (voir notre article), non pas seulement par la définition donnée de la "décence", somme toute assez peu révolutionnaire par rapport à la réglementation en vigueur jusque là (il est vrai que le décret du 30 janvier 2002 a étendu les contraintes aux meublés et aux logements de fonction qui n'en subissaient aucune auparavant), mais surtout par les possibilités de recours introduites par la loi "SRU" (loi du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au renouvellement urbains) : l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 permet de saisir le juge pour déterminer, à défaut d'accord amiable, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution, ou pour ordonner une diminution du loyer, avec en prime la possibilité d'en passer avant par la commission départementale de conciliation...

Et ce n'est pas du luxe, tant les témoignages affluent de logements loués sans vergogne dans un état indigne, humides, à l'électricité et à l'installation de gaz et de chauffage non conformes, comme l'atteste également une étude de l'ANIL (consultable sur son site)...

Reste à savoir combien de locataires sont prêts à user de ces facultés, tant le recours à la justice fait peur malgré la multiplication des voies de recours simplifiées (notre article), sans compter ceux qui hésitent à fâcher leur propriétaire par crainte de se voir ensuite évincer à la première occasion, manquement aux obligations du bail (un commandement de payer délivré pour non paiement suffit pour justifier un refus de renouvellement, et il peut être provoqué - voir notre article) ou congé, y compris frauduleux (voir notre article)...


Entretien et réparations : oser faire valoir ses droits

Même crainte pour l'entretien et les réparations incombant en cours de bail au propriétaire, avec de surcroît une ignorance générale des droits réels du locataire : combien savent en effet que le propriétaire leur doit la réfection des peintures et des revêtements devenus vétustes, le remplacement d'une chaudière ou d'équipements sanitaires à bout de souffle, sans compter les mises en conformité, notamment électrique, déjà mentionnées...


Avoir son mot à dire dans la gestion de l'immeuble

Nous avons exposé de façon détaillée les avancées successives des droits des locataires depuis vingt ans, et encore récemment avec la loi "SRU" (notre article). Chez les bailleurs institutionnels et les organismes HLM, les plans et conseils de concertation locative on commencé à se mettre en place.

Par contre en copropriété, les nouveaux droits ne sont pratiquement jamais revendiqués, faute probablement d'information et par isolement des locataires les uns par rapport aux autres, chacun dépendant en fait d'un propriétaire différent !

Pourtant, un projet d'avis de la section du Cadre de vie du Conseil économique et social sur les mesures de prévention propres à éviter la multiplication des "copropriétés en difficulté" préconise entre autres de renforcer la participation des locataires au fonctionnement et à la vie de la copropriété, notamment en prévoyant un poste de droit pour un représentant des locataires au conseil syndical !

Il est vrai qu'il est difficile de se plaindre du désintérêt des locataires pour la préservation du patrimoine des copropriétaires alors que, contribuant à près des trois quarts des charges des immeubles, ils sont tenus à l'écart de toutes les décisions les concernant...


Bref, le chemin à parcourir est encore long pour que les locataires puissent se sentir dans la peau du client d'une véritable prestation, avec tout ce qu'elle doit comporter en termes de service, d'accueil et de réactivité, tout autant que de transparence...

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