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Mesures 'Robien' : glissements progressifs des incitations fiscales à l'investissement locatif... Le 14/5/2003
UI - Actus - 14/5/2003 - Mesures 'Robien' : glissements progressifs des incitations fiscales à l'investissement locatif...
Si le mécanisme d'amortissement fiscal de la loi Besson a été conservé, le net relèvement des plafonds de loyers, la suppression des plafonds de ressources des locataires et l'extension aux réhabilitations 'à neuf' de logements en mauvais état change en fait du tout au tout le type d'immobilier qui va désormais bénéficier des incitations fiscales sous le régime 'Robien' : le locatif intermédiaire, au coeur du régime Besson comme auparavant du régime "Quilès-Méhaignerie", va une nouvelle fois être sacrifié au bénéfice des logements accessibles aux locataires les plus aisés. Par ailleurs, concernant l'ancien, les contraintes fixées quant aux caractéristiques du logement réhabilité - pratiquement celles de la construction neuve - risquent de restreindre l'éligibilité de l'avantage fiscal aux seules rénovations lourdes, et donc à des produits de promoteurs et de marchands de biens, d'où l'objectif modeste affiché : 10.000 logements par an...

Le nouveau régime pour le neuf : un retour au Périssol ?

La "défiscalisation" fait vendre, et donc produire ! Nul doute que le régime "Robien"(1) appliqué au neuf aura plus de succès que le régime "Besson" : celui-ci, en soumettant les biens éligibles à un double plafonnement, en loyer par m2 et en ressources des locataires mis en place, restreignait les faveurs du fisc aux investissements dans l'immobilier intermédiaire, celui qui souffre de la plus grande pénurie, mais qui offre aussi la rentabilité la plus limitée...

Le nouveau régime, en supprimant un des deux plafonds - celui des ressources - et en fixant l'autre - le plafond des loyers au m2 - un peu en dessous de la moyenne des loyers du marché, mais en fait très nettement au dessus des prix de marché des secteurs bon marché des zones délimitées : si l'on considère par exemple la zone A, dans une bonne partie des arrondissements parisiens et la majorité des communes de banlieue, un plafond fixé à 18 euros par m2 ne peut être considéré comme restrictif, les loyers réels pratiqués étant nettement en dessous ; le même phénomène se constate dans les autres zones, ce qui rend le nouveau régime pratiquement équivalent au régime "Périssol" qui ne comportait aucune restriction.

Le problème est que la défiscalisation Périssol avait incité surtout la construction d'immeubles "haut de gamme", plus faciles à réaliser par les promoteurs, composés majoritairement de studios et deux pièces, de meilleur rapport, et qui un moment ont frisé la pléthore, alors que la pénurie se creusait pour les logements familiaux et surtout les logements "intermédiaires" !

Et ce sont malheureusement ces derniers qui manquent le plus - ceux accessibles aux locataires aux revenus dépassant le niveau justifiant l'accès aux HLM, mais trop justes pour accéder aux logements pratiquant les prix de marché - et qui permettraient aussi de libérer des HLM de nombreux locataires qui y restent faute de mieux, et les attribuer à ceux pour qui ils sont réellement faits !

Le ministre qui affirmait encore récemment cet objectif devant la Fondation Abbé Pierre devra donc trouver autre chose pour le réaliser ! Il est vrai qu'il a promis de s'attaquer à la totalité de la "chaîne du logement" : il commence simplement par le haut de la gamme...


L'extension à l'ancien : une simple variante du neuf ?

Il ne faut pas s'y tromper : le régime Robien pour l'ancien ne va pas remplacer le "Besson"(2) ; ce n'est en fait qu'un complément à la taxe sur les logements vacants, qui bien que décriée par l'actuelle majorité, n'est pas supprimée pour autant ! Il ne concernera que des logements "inlouables" en l'état : le contribuable devra en effet, selon les explications du ministère, produire "une attestation effectuée avant le début des travaux et réalisée par un professionnel prouvant qu'au moins deux caractéristiques majeures du logement font qu'il n'est pas décent(3)(par exemple, absence d’installations sanitaires et infiltrations d’eau)" !

Par ailleurs, il devra produire "un certificat établi par un professionnel attestant qu’après travaux de réhabilitation, les équipements et le confort du logement sont équivalents à ceux d'un logement neuf compte tenu de critères tenant aux performances énergétiques du logement, à ses performances en matière de ventilation ou d'installations de plomberie, de gaz ou électricité ou à ses performances acoustiques"...

En clair, de telles réhabilitations ne peuvent relever que d'opérations de promoteurs ou de marchands de biens sur des immeubles entiers vétustes voire insalubres ; ce seront des alternatives à la démolition-reconstruction là où le plafond de densité ne permet pas de réaliser une construction neuve dans de bonnes conditions économiques...


L'extension aux "locations déléguées" et aux SCPI" : des produits de la sphère de la gestion de patrimoine

L'amendement adopté au Sénat le 7 mai 2003 dans la discussion de la loi "DDUHC" (Diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction) étend le régime "Robien" aux locations déléguées - locations nues consenties à un organisme public ou privé qui le donne en sous-location, y compris en fournissant des prestations hôtelières ou para-hôtelières (sont concernées en particulier de résidences pour étudiants et de résidences pour personnes âgées) et aux "SCPI" (Société civiles de placement immobilier).

La mesure va faire le bonheur des distributeurs de produits de gestion de patrimoine - c'est essentiellement par leur canal que sont vendus ces produits immobiliers spécialisés - qui vont pouvoir ainsi étendre leur gamme de produits "défiscalisés", et stimuler leur production, au risque de :

- dans le cas des résidences étudiantes et des résidences pour personnes âgées voir s'emballer la production au delà des besoins de certains marchés locaux, et voir ainsi, passées quelques années, certains de ces immeubles très spécialisés et donc difficiles à convertir avoir du mal à trouver preneur, à la location comme à la revente...

- dans le cas des SCPI voir capter par les SCPI "défiscalisées" le marché des nouveaux investisseurs au détriment des anciennes, dont le marché de la revente risque d'être à nouveau gelé comme il l'a été pendant longtemps avant la dernière embellie de l'immobilier !


Rappelons que dans les deux cas, il s'agit de placements séduisants sur le papier, mais dont les conditions de la gestion - totalement "captive" - et surtout celles de la revente en fin de course sont plus qu'incertaines, et font que l'investisseur , s'il sait à peu près comment il y entre, ne sait pas forcément dans quel état et comment il va pouvoir en sortir ! L'engouement pour la défiscalisation risque de faire de nouvelles victimes...


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NOTES :

(1) L'avantage fiscal consiste à permettre au contribuable qui achète un bien éligible et s'engage à le louer pour une durée au moins égale à 9 ans en respectant à la conclusion de chaque bail le plafond de loyer fixé chaque année par décret, de déduire pendant toute cette durée - en plus des autres charges déductibles - un "amortissement" à raison de 8% du prix d'acquisition pendant 5 ans puis 2,5% pendant 4, 7 ou 10 ans (l'amortissement porte en fait sur les 9 ans de l'engagement, plus, si le contribuable prolonge sa location d'autant, sur 2 périodes de 3 ans supplémentaires).

Par contre, pendant la durée de cet amortissement, la déduction forfaitaire pour frais de gestion, qui est normalement de 14% du revenu brut, tombe à 6%.

Il est accessible pour tous les logements acquis (y compris en VEFA à compter du 3 avril 2003).


(2) pour les logements anciens, l'avantage fiscal prend la forme d'un relèvement de 14% à 25%, et depuis 2003 à 40%, du taux de la déduction forfaitaire pendant une période de location minimale de six ans, sous réserve de respecter le double plafonnement du régime Besson : loyer au m2 et ressources des locataires à la conclusion du contrat de location (voir les valeurs dans la section des indices et chiffres-clés - les plafonds de loyers doivent être prochainement réévalués et fixés suivant le nouveau "zonage")


(3) au sens du décret du 30 janvier 2002

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