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Sécurité des ascenseurs : dans les copropriétés, ça ne va encore pas être simple ! Le 11/6/2003
UI - Actus - 11/6/2003 - Sécurité des ascenseurs : dans les copropriétés, ça ne va encore pas être simple !
La loi "Urbanisme et habitat", adoptée la semaine dernière par le parlement, est devenue au fil des "navettes" parlementaires un tel monstre qu'on en aurait presque oublié qu'au départ il s'agissait d'une loi pour les ascenseurs ! Les dispositions prévues, légèrement amendées, ont été maintenues dans une formulation très générale et tout dépend désormais des décrets d'application, dont la discussion a déjà commencé. Pour la plupart des copropriétés ce sera une nouvelle charge, alors qu'elles sont l'objet de sollicitations multiples et pressantes pour plusieurs autres obligations réelles ou supposées : règlements de copropriété, amiante, termites, saturnisme et qualité de l'eau... Et pour les copropriétaires sans aucun doute la migraine assurée !

Une loi qui ne se mouille pas trop

En fait le texte adopté (1) en reste aux grands principes :

- l'obligation d'entretien "propre à les maintenir en état de bon fonctionnement et à assurer la sécurité des personnes" ;

- l'obligation de "contrôle technique périodique portant sur leur état de fonctionnement et sur la sécurité des personnes", "confié à une personne qualifiée ou compétente dans ce domaine qui n'exerce aucune activité de fabrication, d'installation ou d'entretien des ascenseurs et ne détient aucune participation dans le capital d'une entreprise exerçant une de ces activités. Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, son capital ne doit pas être détenu, même à titre partiel, par une telle entreprise" ; ce contrôle technique sera accessible aux copropriétaires comme aux locataires ;

Pour le reste, la loi renvoie à un décret qui renverra lui-même à des arrêtés ! Ceux-ci fixeront :

- les exigences de sécurité à respecter par les installations d'ascenseur, et il est précisé "y compris par les entreprises chargées de l'entretien" : cette précision n'est pas anodine car elle semble donner raison a posteriori à ceux qui se sont battus pour faire valoir que l'application du décret "sécurité" de 1995, visant la sécurité des personnels intervenant sur les installations d'ascenseurs, incombait au principal employeur de ces personnels, à savoir l'ascensoriste, et non au propriétaire des installations (voir notre dossier)...

- la liste des dispositifs de sécurité à installer "ou les mesures équivalentes, en fonction notamment des risques liés à l'installation de l'ascenseur, à son mode d'utilisation et à son environnement"

- les délais impartis "aux propriétaires et aux entreprises concernées pour répondre aux exigences de sécurité et ceux impartis aux propriétaires pour installer ces dispositifs", étant précisé que ces délais ne sauraient excéder 15 ans à compter de la publication de la loi ; il pourra toutefois être "dérogé à l'obligation d'installer des dispositifs de sécurité", s'il faut tenir compte de "contraintes techniques exceptionnelles, de l'accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite ou de nécessités liées à la conservation du patrimoine historique"...

- les dispositions minimales des contrats d'entretien ainsi que "les modalités de leur exécution et de justification de leur mise en œuvre" : le décret devra préciser "la nature et le contenu des clauses devant obligatoirement figurer dans les contrats d'entretien, ainsi que les obligations des parties au début et au terme du contrat";

- le contenu du contrôle technique, "notamment la liste des dispositifs et exigences de sécurité sur lesquels il porte, sa périodicité et les modalités d'information auxquelles il donne lieu" ; le décret fixera aussi "les critères de qualification ou de compétence auxquels la personne en charge du contrôle technique doit satisfaire".

Enfin, "un bilan d'application de ces dispositions est réalisé tous les cinq ans. Ce bilan donne lieu à une évaluation dont il est rendu compte au Parlement"...


Décrets à venir : le diable sera dans les détails

Les évaluations lancées avec un sens certain du sensationnel il y a un an, quand le tout nouveau ministre avait réagi avec empressement à l'émotion soulevée par deux accidents survenus coup sur coup en mai et juin 2002, faisaient état pour la totalité du parc de 420.000 ascenseurs (dont deux tiers ont plus de vingt ans d'âge) d'un coût total en travaux de sécurisation de 4 milliards d'euros hors taxes, dont 1,2 pour les mises en sécurité à effectuer dans les 5 ans, 1,5 entre 5 et 10 ans et 1,3 entre 10 et 15 ans (notre article de juillet dernier) !

A près de 10.000 euros hors taxes en moyenne par ascenseur, les rédacteurs des décrets sont inévitablement l'objet de pressions considérables, d'autant que le "lobby" des ascensoristes est très concentré, donc forcément efficace : quatre entreprises de taille internationale, Otis, Thyssen, Schindler, et Koné dominent à plus de 90 % le marché !

En face, associations de locataires, organisations de consommateurs ou de propriétaires et organisations de gérants et syndics d'immeubles auront du mal à faire le poids contre des préconisations qui se parent de l'alibi commode et redoutable de la sécurité ; sont notamment en cause :

- l'intérêt même de certains dispositifs : par exemple les dispositifs assurant la précision d'arrêt de la cabine, qui ne sont réellement utiles que pour les ascenseurs monovitesse (coût d'un système de variation de fréquence : environ 8.000 euros et le double sur un appareil ancien !), ou la pose d'une cellule de protection empêchant les portes coulissantes de se refermer quand une personne franchit le seuil de la cabine : tous les appareils munis de ce type de portes ont un dispositif de protection au contact de la porte, l'ajout d'une cellule étant en fait un dispositif de confort, utile peut-être dans les hôpitaux ou les maisons de retraite mais pas forcément dans les immeubles d'habitation...

- les seuils de tolérance qui seront par exemple retenus pour la précision d'arrêt des cabines ou les dispositifs anti-chocs ou anti-écrasement pour les portes palières : si ceux-ci sont trop bas, les dispositifs seront plus coûteux pour un surcroît de sécurité d'autant plus douteux qu'il peut être anéanti par une maintenance déficiente...

Or de toutes parts, les récriminations à cet égard des gestionnaires d'immeubles et de leurs clients vont croissant ! Et ce n'est pas que de la mauvaise humeur : il est rare en effet qu'un rapport de bureau de contrôle missionné pour évaluer la bonne application d'un contrat de maintenance ne révèle pas un grand nombre de manquements et ne prescrive pas à l'ascensoriste d'importants travaux de rattrapage !

Il reste aussi une autre question épineuse à trancher : les ascensoristes auront-ils une part des travaux à leur charge, par exemple ceux destinés à améliorer la sécurité de leurs personnels intervenant sur les installations ? L'ajout in extremis dans les exigences de sécurité à respecter par les installations d'ascenseur, de l'expression "y compris par les entreprises chargées de l'entretien" (voir ci-dessus) ouvre une porte, mais il faut s'attendre à voir les ascensoristes batailler dur sur ce thème, comme ils l'ont fait depuis 1995...


Copropriétaires : à quel saint se vouer ?

Si la sécurité n'a pas de prix, elle peut avoir un coût excessif : les conseils syndicaux, qui devront préparer avec les syndics les décisions de travaux devront résister non seulement aux sollicitations des ascensoristes, dont l'intérêt sera de leur vendre le maximum de sécurité, mais aussi à une tendance de plus en plus marquée des bureaux de contrôle à forcer sur le principe de précaution, et à "charger" leurs préconisations de peur de voir leur responsabilité mise en cause en cas d'accident pour manquement au devoir de conseil...

Les syndics leur seront-ils au moins d'un certain secours ? Pas sûr ! rares sont les gestionnaires capables de tenir tête à des ingénieurs et des technico-commerciaux qui, par définition, savent de quoi ils parlent, et les ascensoristes ont développé de longue date à leur égard un savoir faire à toute épreuve pour les mettre de leur côté plutôt que de celui de leurs clients...

Restera aussi le délicat problème du financement ! Certes, les copropriétés ne sont pas prises à la gorge et auront quinze ans pour se conformer à toutes les obligations - encore que le décret pourra fixer des délais plus courts pour certains dispositifs - mais il faut s'attendre à ce que peu d'entre elles aient, comme pour tous les autres travaux, la sagesse d'en provisionner le coût de manière échelonnée...

Quant à l'ANAH (Agence Nationale d'Amélioration de l'Habitat), que quelques voix généreuses ont appelé à aider de ses subventions cette oeuvre collective de sécurisation, il n'est pas sûr qu'elle puisse contribuer de façon décisive alors que son budget est actuellement tout juste maintenu, et qu'elle est par ailleurs de plus en plus sollicitée pour pallier l'insuffisance des moyens de la politique du logement, que ce soit dans la lutte contre l'habitat indigne, la réhabilitation du parc social ou les plans de sauvegarde des copropriétés dégradées...


(1) consultable sur le site du Sénat en 2 parties : 1ère partie et 2ème partie

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