ACTUS
Impayés de loyers : réagir en pro !
Le
2/7/2003
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Pour plus d'un propriétaire, c'est la "tuile" la plus redoutée et qui bien entendu va tomber quand il ne faut pas : au moment de partir en vacances ou de faire face à une dépense importante... Car en attendant que le locataire paye, il faut continuer à rembourser le crédit, payer les charges et peut-être même un ravalement, ou régler la taxe foncière ! Même avoir souscrit, en direct ou par un administrateur de biens une assurance de risques locatifs, ou être couvert par une formule "Loca-pass" ne suffisent pas : l'indemnisation n'intervient dans le meilleur des cas qu'avec un décalage de trois à six mois pendant lesquels il faut pouvoir supporter la perte de recettes et faire face aux dépenses correspondantes ! Voici un mode d'emploi et quelques conseils pour ne céder ni au découragement, ni à l'action désordonnée...
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Simple accident de parcours ou signe annonciateur d'une catastrophe imminente ? L'arriéré du locataire est toujours à prendre au sérieux, même si les réactions doivent en toutes circonstances ne jamais être disproportionnées par rapport à la gravité de la situation : si la passivité est le meilleur encouragement au laxisme et peut transformer un locataire négligent en débiteur insolvable, rien de pire à l'inverse en effet que de braquer par des réactions trop violentes un locataire en difficulté passagère...
Vous gérez en direct
Retard de paiement ne veut pas dire forcément impayé ! Ce peut être un simple oubli ! Lettre simple (pas avant le 10 du mois pour une échéance le 1er) et lettre recommandée (idéalement 10 jours après) suffisent en général pour faire rentrer dans le rang les étourdis.
Au delà, ne vous précipitez surtout pas sur l'huissier : cela fait des frais (si votre locataire paye et que vous en restez là, vous ne pourrez pas les lui faire payer !), et peut braquer le locataire inutilement.
Inutile non plus de se précipiter sur les cautions ! Mieux vaut d'abord chercher à savoir ce qui se passe : ce peut être inquiétant (divorce, surendettement, licenciement, maladie...) ou au contraire bénin (absence pour voyage, retard d'encaissement de revenu, simple négligence, voire pure inconscience : manque de temps, rétention de mauvaise humeur à cause d'un dégât des eaux que le syndic met du temps à régler, etc...) ; mieux vaut le savoir le plus rapidement possible !
Pour cela, pas de meilleure méthode que de contacter le ou les locataires, en parler avec doigté et obtenir des engagements de paiement des arriérés précis et datés, sur la tenue desquels il faudra ensuite être intransigeant, comme d'ailleurs sur la bonne foi ! C'est probablement le seul moment où le bailleur doit payer de sa personne, mais il est crucial : des résultats de ce contact dépend toute la stratégie de recouvrement que vous allez le cas échéant devoir mettre en oeuvre et son efficacité !
"Profilage" du débiteur et stratégie de recouvrement
Le contact avec les locataires dès le premier retard a deux avantages :
- il vous permet de déterminer à quel type de débiteur vous avez affaire, et en particulier de le classer dans une des trois catégories suivantes : locataire de bonne foi mais en réelle difficulté (perte d'emploi, revers financier grave, maladie ou accident de la vie, etc.), locataire disposant de moyens suffisants mais négligent ou "braqué", enfin locataire de mauvaise foi prêt à "planter" son "proprio"...
- il vous permet d'engager une phase de pré-contentieux amiable à l'occasion de laquelle vous pourrez conditionner l'octroi de délais - tous les locataires quel que soit leur profil cherchent à gagner du temps - à la fourniture d'informations de solvabilité qui viendront rafraîchir très utilement celles du dossier de candidature devenues obsolètes : employeurs, actifs saisissables, etc. ; toutes ces informations pourront s'avérer très utiles si la phase amiable échoue et qu'il faut engager un vrai contentieux ! Vous pourrez même obtenir des garanties nouvelles comme par exemple une nouvelle personne se portant caution, ou un nantissement sur des parts sociales ou des actions...
C'est à ce stade qu'il convient de mettre en jeu les cautions, et autant que possible avec la collaboration du locataire.
Cette phase amiable suffit dans la grande majorité des cas de retard de paiement. A défaut de résultats fulgurants, elle permet au moins de savoir un peu mieux à quoi s'en tenir, et surtout d'identifier les deux situations potentiellement les plus dangereuses, qui exigent une action immédiate et énergique, même si par ailleurs le bail est assorti d'une ou plusieurs cautions (à défaut les garants pourraient arguer du préjudice causé par l'inaction du bailleur pour se soustraire à leur obligation de payer !) :
- celle où le locataire, bien que de bonne foi, est réellement dans l'incapacité de reprendre le règlement régulier du loyer et des charges et a fortiori d'apurer en même temps son arriéré, même étalé sur une longue période,
- celle où le locataire ne coopère pas, voire joue cyniquement le calendrier, multipliant les promesses et effectuant de temps en temps des règlements pour gagner du temps, avant en général de disparaître dans la nature !
Face à un locataire de bonne foi mais en réelle difficulté, il est de l'intérêt du bailleur de l'orienter vers les services sociaux de la mairie, et de saisir lui-même la Caisse d'allocations familiales (CAF) ou la SDAPL (Section d'aide publique au logement) ; les locataires en difficulté ont parfois du mal à reconnaître la gravité de leur problème financier, font "l'autruche" ou ne connaissent pas toutes les possibilités d'aide dont ils peuvent bénéficier !
Au mieux, si les difficultés sont surmontables, ces organismes mettront en place des aides sur les budgets locaux et le FSL (Fonds de solidarité logement), et au pire il pourra être mis en route une procédure de relogement, en logement social ou en hébergement d'urgence suivant la gravité du sinistre...
Avantage pour le bailleur : une chance de sauver la situation, et à défaut, dans tous les cas un gain de temps et l'économie possible d'une procédure d'expulsion ! Et si elle ne peut être évitée, soit par manque de coopération du locataire, soit du fait de la l'inertie des services locaux qu'il faut alors mettre au pied du mur, l' enquête sociale aura eu lieu et le dossier de relogement sera depuis longtemps dans le circuit...
Pour le locataire de mauvaise foi, point n'est besoin de tels préalables : contrairement à ce qui se dit communément, le bailleur dispose d'un arsenal complet pour déclencher les foudres de la loi et de la justice ! Le seul problème est le temps que cela prend (un an minimum pour arriver à une décision d'expulsion exécutable) et l'avance de fonds nécessaire, d'où la nécessité, on ne le répètera jamais assez, de s'assurer pour le risque locatif, et se couvrir ainsi à la fois pour les pertes de recettes (jusqu'à 2 ans) et les frais de procédure à engager...
Les moyens légaux du bailleur
Ces foudres prennent dans un premier temps nécessairement la forme d'un commandement visant la clause résolutoire du bail, qu'il convient de doubler d'une saisie-gagerie sur le mobilier et les effets personnels (plus éventuellement le véhicule personnel s'il n'est pas en location), et suivi en cas d'absence de résultat pendant un délai de deux mois d'une double action judiciaire : l'une pour faire prononcer l'acquisition de la clause résolutoire du bail, qui ouvre la voie à l'expulsion, et l'autre pour obtenir à l'encontre du débiteur et des cautions éventuelles un titre de condamnation au paiement des arriérés ; il s'agit alors d'un titre dit exécutoire, c'est à dire transmissible à un huissier pour recouvrement, soit spontané, soit par voie de saisie vente des biens meubles, soit encore par voie de saisie attribution des rémunérations, du compte bancaire, ou de tout autre actif saisissable comme la saisie à tiers détenteur...
Même si ce n'est pas théoriquement pas obligatoire, les actions devant le tribunal doivent dans la pratique être engagées avec recours à un avocat, ou plus simplement à un huissier, s'il en est encore qui acceptent de le faire, et à condition qu'il n'y ait pas de litige d'une autre nature - état des lieux, charges, travaux... - susceptible de compliquer l'instance !
La priorité est bien entendu donnée à l'obtention d'une ordonnance d'expulsion (1), seul évènement en cas d'arrêt définitif des paiements susceptible d'arrêter l'hémorragie ! De façon au demeurant décisive, car si l'expulsion ne peut être exécutée faute de recevoir le concours de la force publique - le préfet est seul juge de l'opportunité de le fournir eu égard aux considérations d'ordre public qui relèvent de sa responsabilité - le propriétaire est en droit de demander à l'Etat de l'indemniser pour la perte de revenu résultant de la non exécution d'une décision de justice (procédure à engager devant le tribunal administratif après mise en demeure en bonne et due forme...)
Le cas particulier d'un locataire avec "Loca-pass"
En même temps que l'avance du dépôt de garantie, le locataire muni d'une aide "Loca-pass" vous apporte une garantie de paiement du loyer et des charges sur 18 mois pendant les trois premières années du bail ; en cas d'impayé, vous demandez à l'organisme qui l'a délivrée de se substituer au locataire défaillant, et ce en qualité de caution solidaire... Comme tout garant, l'organisme a la possibilité de recouvrer auprès du locataire les sommes qu'il a avancées pour son compte mais il n'a pas vocation à faire plus : il vous incombe d'apprécier la situation du locataire et si celle-ci est désespérée, ou si le locataire ne paraît pas outre mesure inquiété par les sollicitations de l'organisme garant, vous aurez intérêt à engager rapidement les actions idoines faute de quoi vous vous retrouveriez au bout des 18 mois avec le même locataire défaillant et cette fois sans couverture ! Petit détail à ne pas négliger : le Loca-pass ne rembourse pas les frais de procédure à engager...
Vous avez un gérant
C'est la première fois que votre locataire est débiteur en fin de période lorsqu'a été arrêté votre compte de gestion : demandez si c'est le premier retard, et s'il y en a eu d'autres en cours de période de gestion, demandez l'historique des relances et les échanges de courriers éventuels. Demandez également si le cabinet a facturé des frais de relance pour son propre compte et peut-être déjà des frais de contentieux et d'huissier. Cette pratique est malheureusement courante. Il se peut qu'un litige soit né à propos de ces frais dont l'imputation au locataire est illégale. Si tel est le cas, demandez la mise à plat du compte du locataire : il est possible que les règlements des termes courants par le locataire aient été en partie affectés sans que vous ne le voyiez à la couverture de ces frais, laissant une partie correspondante des loyers et des charges impayés ! N'hésitez pas à demander au gérant l'annulation de ses facturations propres, et la prise en charge des frais externes s'ils ne sont pas justifiés.
Autrement, assurez-vous que le cabinet procède pour le recouvrement avec discernement et de façon personnalisée. Vérifiez qu'il procède bien d'abord par une phase amiable et qu'il adopte une stratégie de recouvrement appropriée. Obtenez le compte-rendu des contacts de pré-contentieux et exigez d'être consulté avant l'engagement d'actions judiciaires coûteuses. Exigez également un compte-rendu régulier des procédures engagées le cas échéant, ainsi que la possibilité de réunions de point avec l'avocat de temps à autre en cas de procédure compliquée !
Vous avez souscrit par l'intermédiaire de votre gérant une assurance loyers impayés
Les meilleures formules sont celles qui laissent pour la conduite du recouvrement le maximum de liberté au gérant ; dans ce cas, votre suivi s'effectue comme indiqué précédemment. Lorsque les formules sont plus contraignantes - délai maximum pour délivrer un commandement, prise en charge du pré-contentieux et du contentieux par la compagnie - vous n'avez plus qu'une ressource : lire en détail les clauses du contrat et veiller à être indemnisé en temps et en heure, en espérant que le contentieux de la compagnie aura réglé d'une façon ou d'une autre le problème avant la fin de la période maximale d'indemnisation - de un à deux ans suivant les contrats - soit par le rétablissement d'un règlement régulier du loyer par le locataire, soit par son départ ou son expulsion...
(1) Les procédures d'expulsion obéissent aux dispositions des articles L613-1 à L613-5 du Code de la construction et de l'habitation et des articles 61 à 66 de la loi du 9 juillet 1991. Pour l'organisation de la justice en France, les différentes juridictions et procédures, l'accès du justiciable et les aides juridictionnelles, les procédures simplifiées sans avocat, etc., voir l'excellent site du ministère de la justice.
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