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Congé du locataire : un préavis de trois mois n'est-il pas trop long ? Le 17/7/2003
UI - Actus - 17/7/2003 - Congé du locataire :  un préavis de trois mois n'est-il pas trop long ?
Le préavis légal de trois mois, imposé aux locataires pour donner congé de leur logement en cas de départ n'est-il pas trop long ? En cette période de pénurie locative, rare sont ceux qui, lorsqu'ils doivent pour une raison ou pour une autre changer d'appartement ou de maison, prennent le risque de donner congé avant d'avoir signé un nouveau bail ! Résultat, beaucoup se retrouvent avec un double loyer pendant deux voire trois mois, à un moment où ils doivent aussi faire face à un nouveau dépôt de garantie et à une commission d'agence... Certes, le paiement de l'ancien loyer s'arrête en cas de relocation du logement quitté avant la fin du préavis, et la loi prévoit aussi des cas où le locataire partant a droit à un préavis réduit ; c'est cependant loin de concerner tout le monde ! Mais au fait, un préavis de trois mois est-il vraiment nécessaire aux bailleurs ?

La question est iconoclaste et va certainement soulever des protestations ! Déséquilibrer encore les droits en faveur des locataires - le bailleur est quant à lui soumis pour donner congé à un préavis de six mois, et contrairement au locataire il ne peut le faire que pour la fin du bail ! - serait vu par beaucoup comme un nouveau motif de décourager les investisseurs, et d'accroître encore la pénurie au détriment des locataires...

Pourtant, à y regarder de plus près, nombre de propriétaires ne bénéficient déjà plus du préavis de trois mois, nombre d'autres n'en auraient pas vraiment besoin, et ceux à qui ce préavis profite le plus seraient... ceux qui ne relouent pas !

Le préavis de trois mois grignoté par la loi et la jurisprudence !

La loi prévoyait que le préavis du congé donné par le locataire était réduit à un mois (article 15 de la loi du 6 juillet 1989) "en cas de mutation, de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi" ; la loi de modernisation sociale a ajouté "en cas d'obtention d'un premier emploi" ; par ailleurs, cette dérogation joue aussi "en faveur des locataires âgés de plus de soixante ans dont l'état de santé justifie un changement de domicile ainsi que des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion"...

Le principe même, très français malheureusement, d'une dérogation pour des motifs à caractère "social", voire simplement d'urgence pour le locataire (et pas forcément seulement pour les locataires dans le besoin : rien n'empêche un cadre supérieur muté en région de revendiquer ce droit) est en soi curieux : si l'on considère comme le législateur que le propriétaire a besoin de trois mois pour se retourner en cas de départ de son locataire, et que c'est une juste contrepartie de la possibilité offerte aux locataires de donner congé à tout moment, de quel droit alors impose-t-on à un propriétaire une contrainte pénalisante dans des cas particuliers dont les circonstances lui échappent totalement ! C'est même décourager les propriétaires de louer à des locataires à la situation insuffisamment stabilisée, alors même que dans tous les discours officiels on proteste du contraire !

Cette situation de "deux poids deux mesures" empire avec l'évolution récente de la jurisprudence, qui, dans la pure logique du législateur, multiplie les cas où le locataire peut prétendre au préavis réduit : fin des contrats à durée déterminée non renouvelés, mutation demandée par le locataire (dès lors qu'elle relève du pouvoir de l'employeur...), mutation sans éloignement géographique, etc.

Par ailleurs, comme toujours quand les rédacteurs de loi veulent trop bien faire en peu de mots, la formulation de l'article cité ouvre des boulevards à ceux qui veulent tirer dans les coins : par exemple, lorsque le motif justifiant un préavis réduit est "évènementiel", quel délai maximum doit séparer l'évènement de la décision de donner congé ? Autrement dit un congé invoquant la mutation peut-il être donné six mois voire un an après celle-ci ? A suivre les jurisprudences successives de la Cour de cassation, on peut en prendre le pari (1)...


A quoi sert vraiment le préavis de trois mois ?

Si tout le monde s'accorde sur le fait qu'un propriétaire qui reçoit un congé a besoin d'un peu de temps pour se retourner, sait-on vraiment de combien ?

Tout dépend en fait pour quoi faire ! Trois cas de figure en fait se rencontrent le plus souvent :

- 1er cas : le propriétaire est décidé à relouer et le logement peut être reloué sans travaux ; le propriétaire peut envisager de retrouver un locataire pendant le préavis, signer le bail et organiser l'entrée dans les lieux dès le départ du locataire sortant ! Dans ces conditions, si la durée du préavis est longue, plus fortes sont les chances de réussir à supprimer toute vacance, et par conséquent toute perte de loyer entre les deux locataires...

Plusieurs raisons rendent pourtant ce scénario illusoire dans la pratique, ou en tous cas sans la collaboration active du locataire : difficulté d'organiser des visites, difficulté de trouver des locataires susceptibles d'attendre un mois et demi à deux mois avant de pouvoir disposer du logement, et enfin risque important pris à signer longtemps à l'avance un nouveau bail pour un logement dont la disponibilité à la date de prise d'effet n'est pas forcément assurée : or le locataire partant, confronté lui-même à la non disponibilité du logement dans lequel il doit emménager, peut faillir à libérer les locaux comme prévu !

Bref, la plupart du temps, la relocation n'est entreprise que dans les dernières semaines du préavis, qui pourrait donc être écourté sans pour autant que les propriétaires ne risquent d'en pâtir...

En fait, la relocation avant la fin du préavis ne fonctionne bien que dans des cas très particuliers, avec un locataire demandeur, sûr de son point de chute, et qui a tout intérêt à collaborer "à fond" avec son propriétaire, moyen pour lui d'écourter son préavis et limiter la charge du double loyer...


- 2ème cas : le propriétaire va relouer mais des travaux sont nécessaires ; sous réserve que le préavis soit suffisant pour que le propriétaire puisse commander et être prêt à faire commencer les travaux au départ du locataire, un départ rapide de ce dernier ne le lèse pas, la relocation ne pouvant intervenir qu'une fois que le propriétaire est sûr de la date de disponibilité du logement après travaux ; certes, certains propriétaires avec le préavis actuel à trois mois peuvent être tentés de laisser partir le locataire par anticipation et continuer à encaisser les loyers pendant qu'ils effectuent les travaux de remise en état, ce qui en fait n'est pas forcément illégal, mais pas pour autant très honnête : le loyer n'est normalement dû pendant la période de préavis qu'aussi longtemps que le bailleur n'a pas récupéré la disposition des locaux (comme d'ailleurs la loi le prévoit en cas de relocation)...


- 3ème cas : le propriétaire n'est pas sûr de relouer et va peut-être mettre en vente ; c'est évidemment dans ce cas qu'il a intérêt à disposer d'un préavis le plus long possible, préavis qui malheureusement devient aussi une "prime" à la non-relocation...


L'égalité des propriétaires : une idée encore révolutionnaire ?

Le gouvernement s'apprête à mettre en chantier pour cet automne une grande loi "habitat pour tous" : au menu entre autres, la suppression programmée de la loi de 1948 ! Mais le gouvernement a déjà annoncé, avec l'acceptation résignée des organisations de propriétaires, que le retour au droit commun "devra se faire de façon progressive, et il ne pourra pas concerner les personnes âgées, ni les revenus très modestes"...

Au risque d'être subversifs, peut-être est-ce le moment de faire valoir l'égalité des droits des propriétaires, que ce soit pour la durée du préavis ou pour la fixation du loyer et la liberté pour tous de donner congé dans les conditions actuelles - satisfaisantes - de la loi du 6 juillet 1989 ? Quitte à ce que l'Etat, dont c'est le rôle et non celui des bailleurs, aide de façon appropriée les locataires qui ont réellement besoin d'être aidés !

Et dans ce cas prévoir - les propriétaires accepteraient bien cela - une durée de préavis réduite pour tout le monde, pourquoi pas de moitié par rapport à la durée légale actuelle...

Chiche !

(1) Cass. 3e Ch. civ., 18 février 2003, nº 01-13.303

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