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Frais de recouvrement des impayés de copropriétaires : irréalisme des juges et langue de bois ministérielle... Le 27/1/2004
UI - Actus - 27/1/2004 - Frais de recouvrement des impayés de copropriétaires : irréalisme des juges et langue de bois ministérielle...
Les copropriétaires ulcérés de supporter les frais de procédure engagés pour le recouvrement des impayés de leurs collègues indélicats sauront à quoi s'en tenir : le législateur, mis en échec par l'interprétation pointilleuse des juges d'une disposition de la loi "SRU" censée régler le problème, ne viendra pas à leur secours ! Deux réponses ministérielles identiques à deux questions sollicitées visiblement par les organisations de copropriétaires sont un modèle de dérobade, laissant aux tribunaux d'apprécier au cas par cas et - l'expérience le prouve - en fonction des conceptions personnelles des juges quelles dépenses il convient de mettre à la charge des débiteurs...

Un feuilleton à épisodes

L'histoire date du 1er janvier 1993 : à cette date, l'entrée en application de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution a rendu pratiquement impossible l’imputation de la plus grande partie des frais de engagés par les copropriétés pour le recouvrement des charges impayées - frais d’avocat, d'huissier et de syndic notamment - sur ceux qui par leur défaillance les avaient rendus nécessaires, à savoir les copropriétaires débiteurs, pénalisant ainsi les autres copropriétaires qui font normalement face à leurs obligations !

Sous le régime antérieur, les copropriétaires devaient certes faire l'avance de ces frais, pour des raisons à la fois juridiques - on ne doit pas se faire justice soi-même - et pratiques - il ne sert à rien de "charger" le compte de débiteurs qui de toutes façons ne paient pas, alors qu'il faut par ailleurs financer ces dépenses qui autrement risquent de mettre à mal la trésorerie du syndicat ! Mais ils pouvaient faire jouer le principe de responsabilité du débiteur et notamment appliquer la "clause d'aggravation des charges", très fréquemment présente dans les règlements de copropriété, ou facile à ajouter par un vote d'assemblée acquis en général facilement.

Devant les protestations soulevées, le législateur, sous la pression conjointe des associations de copropriétaires et des professionnels, a bien essayé avec la loi "SRU" d’y remédier en introduisant un article 10-1 dans la loi du 10 juillet 1965 permettant d’y passer outre : "les frais nécessaires exposés par le syndicat, à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, sont imputables à ce seul copropriétaire" !

Mais las, tout est à recommencer ! Les juges, très opposés au principe, ont très vite trouvé le moyen d’y faire obstacle en discutant le caractère "nécessaire" non seulement des honoraires du syndic, mais aussi ceux de l’avocat, considérant probablement qu’aucun frais n’est nécessaire (en dehors peut-être des frais d'huissier dès lors qu'ils sont destinés à inscrire l'hypothèque du syndicat, puisqu’il existe des procédures qui ne requièrent ni avocat ni assignation à délivrer par huissier : la demande d'injonction de payer et la procédure dite de la déclaration au greffe (1)...

C’est évidemment faire fi de deux réalités que connaît quiconque a eu un tant soit peu de pratique du recouvrement :

- l'injonction de payer est délivrée très aléatoirement par les juges d'instance (les demandes sont rejetées systématiquement ou alors à la moindre difficulté de compréhension des documents produits, ce qui s'agissant de charges de copropriété ne peut surprendre...) et, quand elles le sont, elles ont assorties d'une faculté d'opposition à la discrétion du débiteur ! Cela s'explique du fait du caractère "non contradictoire" de la procédure : le débiteur n'est en effet pas prévenu de la demande du créancier et n'a pas donc les moyens de se défendre...

- la procédure de déclaration au greffe a quant à elle les défauts de ses avantages : donnant lieu à audience contradictoire, elle requiert naturellement la présence des parties ! Or si le syndicat ne recourt pas aux services d’un avocat, il faut bien que quelqu’un le représente au tribunal et il est difficile d’envisager que ce soit gratuit, alors qu’assister à la moindre audience coûte à celui qui s’y rend au moins la demi-journée ! Les mêmes tribunaux qui font semblant d'ignorer cette réalité sont également ceux qui, lors des audiences, donnent systématiquement la priorité aux affaires où interviennent des avocats, considérant peut-être que les autres plaideurs ne peuvent avoir d'obligations professionnelles valables !


Un irréalisme partagé

Si les milieux judiciaires, croyant toujours défendre la veuve et l'orphelin contre les gros syndics repus, semblent frappés d'autisme sur le sujet, il est plus surprenant de voir le ministre du logement ou les rédacteurs de ses réponses ignorer une fois de plus que le payeur n'est pas le syndic mais les autres copropriétaires, pas forcément plus fortunés que ceux qui mettent les copropriétés dans la difficulté !

Alors que les dénonciations fusent de toutes parts et notamment des associations de consommateurs - l'ARC (Association des responsables de copropriété) s'est livrée à une enquête auprès des syndics certifiés mettant de surcroît en évidence une extrême confusion dans la jurisprudence sur l'article 10-1, certains juges accordant tout et d'autres n'accordant rien, ou presque... - deux réponses ministérielles identiques au mot près à deux questions de parlementaires formulés différemment prouvent qu'en haut lieu le problème n'est pas dans les priorités du moment (2) !

Frisant la désinvolture alors que les difficultés d'un nombre croissant de copropriétés face aux impayés sont connues, même du ministère, le ministre se contente de rappeler aux "honorables parlementaires" que "les frais s'entendent strictement de ceux rendus obligatoires pour la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement de la créance du syndicat" et que "le règlement [s'entend des règles édictées par décret (NDLR)] peut difficilement intervenir pour définir les frais nécessaires, dans la mesure où le dernier alinéa de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 donne au juge le pouvoir discrétionnaire d'apprécier en fonction de l'équité ou de la situation économique des parties au litige quels sont les frais nécessaires à imputer au débiteur".

Nul doute que cette réponse, qui ajoute la notion de frais "obligatoires" à celle de frais "nécessaires" aura fait avancer la cause des copropriétés de manière décisive...

(1) voir notre article sur le sujet dès juillet 2001, et notre dossier sur les voies et moyens de la justice civile et pénale...
(2) Rép. min. JOAN du 6 janvier 2004 n°19053 et n°17629

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