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Les chambres de bonne au secours du logement étudiant ? Le 26/5/2005
UI - Actus - 26/5/2005 - Les chambres de bonne au secours du logement étudiant ?
Aggravée un peu plus chaque année par la hausse des prix et des loyers dans les villes universitaires, la pénurie de logements bon marché pour les étudiants se rappelle à nouveau, à l'approche des inscriptions, au souvenir des responsables politiques de l'éducation nationale comme du logement, les incitant à multiplier les initiatives, quitte à tenter de mobiliser le plus vieux mode de logement des étudiants et des précaires : les chambres mansardées sous les toits !...

Un parc spécialisé notoirement insuffisant

Avec 150.000 chambres pour loger plus d'un million d'étudiants - une enquête de l'observatoire de la vie étudiante révélait que 62% d'entre eux résident en dehors du domicile familial - les résidences universitaires (les "cités U") gérées par les CROUS (Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires - il y en a un par académie - voir le site du centre national, le CNOUS), et dont une partie va aux étudiants étrangers boursiers du gouvernement français, l'offre de logement est loin du compte ! Et ce n'est pas la construction de 5.000 chambres supplémentaires par an pendant dix ans à côté de la rénovation de 7.000 chambres de parc actuel, dans un état souvent calamiteux, qui réduira la "fracture sociale" chez les 18-25 ans...

Résultat : chaque année des centaines de milliers de jeunes qui ne peuvent s'offrir les résidences "estudiantines" (résidences-services très prisées des investisseurs en quête de placements défiscalisés) qui fleurissent dans toutes les villes universitaires, doivent se rabattre sur les logements de fortune, certes meilleur marché, mais aux conditions d'hygiène et de salubrité souvent approximatives !

Parmi ceux-ci, les fameuses "chambres de bonne" ou chambres de service parisiennes, mais qu'on retrouve aussi dans quelques grandes villes de province, un des placements favoris des investisseurs à la recherche de hauts rendements : longtemps sous la menace d'un retour sous la loi de 1948, puis mises en partie hors marché légal par la loi "SRU" et le décret du 30 janvier 2002 sur le "logement décent" (1) pour cause de surface insuffisante, elles sont très souvent louées "de la main à la main", sans bail, à des locataires que les bailleurs privent ainsi du bénéfice des aides, allocation logement et "Loca-pass"...

D'où la tentation de faire revenir une partie de ce parc, estimé à quelques 30.000 chambres, dans le giron de la légalité tout en maintenant les objectifs de la lutte contre l' "habitat indigne"...


Des critères de décence trop restrictifs ?

En fixant à 9 m2 la surface minimum requise pour pouvoir mettre un logement en location (2), le décret du 30 janvier 2002, très critiqué par les propriétaires et pourtant par ailleurs nettement plus permissif que celui sur les conditions minimales de confort et d'habitabilité requises pour "sortir" de la loi de 1948 (3), a sans nul doute condamné à l'illégalité ou à la vacance de nombreuses chambres autrement parfaitement salubres ! En pleine période de lutte contre la pénurie de logements locatifs, le gouvernement se devait de faire au moins un geste...

La mesure devait être dans la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale : elle prévoyait qu'il puisse être dérogé par décret aux caractéristiques minimales de surface et de volume des logements prescrites par le décret du 30 janvier 2002 pour les logements loués par l'intermédiaire d'associations d'insertion ou de "CROUS" (Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires). Elle est finalement insérée dans le projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale présenté le 25 mai 2005 au conseil des ministres.

La possibilité de louer ces chambres à nouveau en toute légalité (un communiqué du Premier ministre indique que ce serait à partir de 7 m2) est cependant soumise à des contraintes importantes, et notamment celle de ne pas louer en direct : elles risquent de ne pas inciter de nombreux propriétaires à donner suite ! Au demeurant, il n'est pas sûr que les CROUS ou les associations d'insertion accepteront de payer les loyers qui sont pratiqués sur le marché dans les secteurs de grande pénurie...


Une mobilisation du parc privé tous azimuts
Selon des propos rapportés par l'AFP, le ministre délégué au logement et à la ville, Marc-Philippe Daubresse, a annoncé que le gouvernement reviendrait aussi sur la réforme des baux meublés insérée dans la loi de cohésion sociale : la durée de bail minimale des meublés destinés aux étudiants serait réduite de 12 à 9 mois pour coïncider avec l'année scolaire. La réforme, qui prévoyait en outre que le locataire peut donner congé à tout moment sous réserve d'un préavis d'un mois, a soulevé de nombreuses protestations des bailleurs, qui faisaient remarquer qu'avec cette disposition les locataires étudiants donneraient congé systématiquement à la fin de l'année scolaire, laissant les logements vacants pendant la période d'été, car la plupart du temps, sauf dans les villes de bord de mer, difficilement louables pour une courte période !

Là encore, il n'est pas sûr que cette réduction de la durée minimale satisfasse les propriétaires qui auraient préféré une suppression de la faculté de donner congé avant la fin du bail...

Par ailleurs, le ministre a également indiqué envisager d'autoriser "les locataires d'HLM qui ont des logements trop vastes à à sous-louer une partie de leurs logements aux moins de 25 ans, étudiants ou jeunes travailleurs".

Prévoyant dans un premier temps d'inclure ces mesures dans la loi "habitat pour tous" en préparation, il a décidé d'accélérer le mouvement et de les passer dans la nouvelle "loi Borloo" qui doit passer le 8 juin à l'Assemblée et devrait être votée avant la fin du mois. Le décret d'application pourra être pris dans la foulée "afin que tout soit prêt pour la rentrée", a souligné M. Daubresse, qui table non sans un certain optimisme sur la mise sur le marché de la location d'"au moins 2.000 logements à Paris"...

Rappelons aussi la Charte "Un toit, deux générations" présentée le 29 mars 2005 par Catherine Vautrin, secrétaire d’État aux personnes âgées, destinée à faciliter le logement d’étudiants chez des personnes âgées, en contrepartie d’une aide bénévole (notre brève). Cette cohabitation a été présentée comme "l'offre d’un logement par la personne âgée en contrepartie d’une aide bénévole par l’occupant du logement dans l’accomplissement de tâches, visites, déplacements qu’ils auront ensemble convenu, avec la volonté de nouer des relations amicales et de solidarité". L’étudiant est censé ne verser aucun loyer, en dehors d’une participation aux charges locatives...


Des réactions contrastées et un engagement de concertation

Si les mesures annoncées ont été accueillies favorablement par les représentants des professionnels et des propriétaires, elles ont soulevé de nombreuses critiques chez les associations de lutte contre l'exclusion, et ont été reçues avec scepticisme par l'UNEF (Union nationale des étudiants de France) qui estime qu'il s'agit d'une "mesure gadget"...

Pour éteindre la polémique née de la forte médiatisation déclenchée par le gouvernement sur ces mesures - les médias n'ont cessé de la journée d'annoncer rien moins qu'un "retour des chambres de bonne sur le marché locatif" - , le ministre a annoncé dans un communiqué l'ouverture d'une concertation sur la problématique des "petits logements" et indiqué que l’application notamment de la mesure concernant la dérogation de surface "ne peut s’envisager que s’il y a accord à l’issue de cette concertation" ; ce repli stratégique risque de contrecarrer l'objectif de rapidité, mais s'explique aussi par le contexte politique de cette veille de référendum et de possible remaniement gouvernemental en perspective...



(1) décret n°2002-120 du 30 janvier 2002

(2) "Le logement dispose au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes"

(3) décret n°87-149 du 6 mars 1987

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