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Location meublée : de nouveaux droits pour les locataires, mais pas trop... Le 18/7/2005
UI - Actus - 18/7/2005 - Location meublée : de nouveaux droits pour les locataires, mais pas trop...
Prisée par les propriétaires à la recherche de hauts rendements ou fuyant les contraintes de la location classique, la location meublée s'adresse pour l'essentiel, mises à part les résidences secondaires et les locations de vacances, à trois catégorie de locataires : les cadres en mission prolongée, souvent étrangers, temporairement "délocalisés" mais pas assez longtemps pour s'installer avec meubles et famille, les étudiants inscrits loin de leur famille, et les célibataires en "transit", après une séparation ou un aléa de la vie... Si tous ne sont pas "pauvres", il est parmi eux un grand nombre de "précaires", et c'est bien entendu pour eux que la loi du 18 janvier 2005 dite de cohésion sociale a renforcé quelque peu les droits des locataires, sans atteindre cependant, comme cela a été dit ici et là, le niveau de protection existant dans les locations "nues". Alors que s'ouvre la grande saison de la location meublée, l'occasion est bonne d'analyser ce qu'il en est réellement...

Une réforme limitée, quoi qu'en disent les bailleurs...

Par introduction de dernière minute dans la loi de programmation pour la cohésion sociale (1), le régime relatif aux bailleurs qui louent habituellement plus de quatre logements meublés, instauré par la loi du 29 juillet 1998 (article L632-1 du Code de la construction et de l’habitation, a été élargi à tous les bailleurs en meublé : dès lors que le logement loué constitue sa résidence principale, le locataire de tout logement meublé bénéficie désormais d’un contrat établi obligatoirement par écrit, d’une durée d’un an minimum, et peut néanmoins - c'est l'avancée la plus importante - donner congé à tout moment sous réserve du respect d’un préavis d’un mois.

Rappelons que sous le régime antérieur, régi par le seul Code civil, la durée du bail était, sauf mention explicite que les propriétaires n'acceptaient qu'exceptionnellement, stipulée ferme, si bien que le locataires qui pour quelque raison que ce soit souhaitait partir avant la fin du bail, devait le loyer et les charges jusqu'à son échéance !

Les autres dispositions, apparemment favorables au locataire ne le sont qu'en trompe l'oeil : certes, il est prévu qu'à l’expiration du contrat initial, le bail est tacitement reconduit pour un an, aux conditions antérieures, et que le bailleur ne peut refuser de renouveler le contrat à son terme pour d'autre motif que sa "décision de reprendre ou de vendre le logement", ou "un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant".

Mais une sérieuse différence persiste avec les locations de locaux "nus" : le bailleur peut trois mois avant le terme du contrat proposer au locataire des modifications aux conditions de location (montant du loyer, nombre de pièces louées, par exemple). La loi indique que "si le locataire les accepte, le contrat est renouvelé pour un an". La conséquence - non dite - en est qu'en cas de refus, le bail cesse de plein droit !

Notons que ces dispositions devraient a priori ne concerner que les nouvelles locations conclues à compter de l’entrée en vigueur de la loi, mais que par contre la jurisprudence a confirmé qu'elles s'appliquaient dès la première année du bail (1)...


Les locataires aisés, et les autres...

Nul doute que la précarité maintenue de ce type de locations ne nuira pas aux plus aisés des locataires : ceux-là - cadres supérieurs logés aux frais de leur entreprise, étudiants de bonne famille - continueront à être les bienvenus et les propriétaires, qui savent qu'ils sont pénalisés dans la rentabilité de leur investissement par de trop fréquents changements de locataires , seront contents de les garder le plus longtemps possible ! Les autres restent dans une situation précaire : à la moindre incartade - une demande de réparation ou de remise en état, un mode de vie qui déplaît, etc. -, le propriétaire pourra toujours leur signifier une augmentation qu'ils ne pourront pas supporter !

Vision pessimiste ? Peut-être mais pas tant que cela...

Certes, ce genre de pratiques ne peut caractériser l'ensemble des loueurs en meublé, mais il y a des raisons de les rencontrer plus fréquemment que dans la location classique : en effet, si la location meublée exerce autant d'attraits pour les bailleurs, ce n'est pas seulement pour sa fiscalité éventuellement avantageuse, mais aussi et surtout pour la liberté laissée au propriétaire d'augmenter le loyer et faire partir un locataire indésirable comme il l'entend ! Et ceux qui y viennent sont aussi ceux qui tiennent le plus à pouvoir exercer cette liberté, quitte à forcer quelque peu sur la qualification de "meublé", formule un peu trop magique pour s'affranchir des contraintes d'une législation devenue pour beaucoup trop protectrice des locataires en place...


La jurisprudence à la rescousse

Les locataires sont-ils pour autant sans défense ? Pas tout à fait : l'utilisation détournée d'une faculté ouverte par la loi peut être sanctionnée par les tribunaux, par exemple quand la demande d'augmentation ou de modification des locaux loués est manifestement abusive et laisse penser qu'elle vise à décourager le locataire. Si ce dernier parvient à le démontrer, il aura droit à la reconduction de son bail, et, si, après avoir quitté les lieux, il arrive à prouver que le propriétaire a reloué dans des conditions à peu près identiques mais à un locataire plus docile, il aura droit à des dommages et intérêts !

Les tribunaux sanctionnent aussi de plus en plus la qualification abusive de location "meublée" : un logement ne peut être considéré ainsi que s’il comporte des éléments de confort suffisants pour permettre une occupation immédiate et convenable sans que le locataire ait à se procurer du mobilier, des appareils ménagers ou des ustensiles de cuisine ou de ménage. C'est le principe que les cours d'appel et la Cour de cassation rappellent inlassablement, et encore récemment dans deux affaires, l'une où manquaient des éléments d'équipement de cuisine essentiels tels que le réfrigérateur, des plaques chauffantes ou une gazinière, et l'autre où une maison de 5 pièces comportant 3 chambres, un double séjour, une cuisine équipée, une salle de bains, un WC, une véranda, une buanderie, une cave et un parking n'était garnie en termes de mobilier que d'un lit à une place, un matelas en mousse, un canapé-lit et 3 chaises (3)...


Un aménagement en cours pour locations consenties aux étudiants

Il a été introduit par amendement dans le projet de loi relatif au développement des services à la personne, dont le texte définitif vient d'être adopté par le parlement et qui est en attente de promulgation : il permet à un bailleur de réduire à neuf mois au lieu d’un an le bail d'une location meublée à un étudiant, afin de l'aligner sur l’année universitaire et, dans les régions touristiques, de combiner ce type de location avec des locations saisonnières pour les vacanciers. Cet amendement supprime dans la foulée pour ces locations le droit à la reconduction tacite...

Si cet amendement est susceptible de "précariser" un peu plus le logement des étudiants, qui commencent leur course de fond en vue d'un logement pour la rentrée prochaine, il est encore trop tôt pour en mesurer les conséquences réelles : les logements qui en très grande majorité ne se prêtent pas à une location de vacances devraient normalement continuer à être loués à l'année.

Mais il existe toujours le risque que les propriétaires fassent tout de même usage de cette faculté, qui curieusement n’a pas été restreinte aux zones touristiques, quitte à récupérer sur neuf mois le loyer qu'ils auraient encaissé sur douze, rien que pour garder la liberté de changer de locataire si bon leur chante...



(1) loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale

(2) Cass., 3ème Ch. civ., 06 avril. 2005, n° 04-11374

(3) Cass. 3e Ch. civ., 09 février. 2005, n° 03-15128 et CA Paris, 6ème Ch. B, 21 octobre 2004, n° 03/13523

(4) Projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale - voir le dossier législatif

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