ACTUS
Loyers, état du logement, réparations : la deuxième jeunesse des commissions départementales de conciliation
Le
24/10/2005
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Créées il y a près de vingt ans par la loi Méhaignerie pour traiter des litiges sur la fixation des loyers, elles avaient connu dans les années 1987-1990 une première ruée des propriétaires de logements d'habitation qui profitaient, après plusieurs années de blocage autoritaire, de la faculté enfin offerte de réajuster les loyers "manifestement sous-évalués" ! Puis, avec l'accalmie sur les loyers au début des années 90 leur activité avait chuté à moins de 1.000 dossiers par an pour toute la France. Aujourd'hui, comme le montre le rapport annuel de l'OLAP Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne), elles connaissent une nouvelle période de forte activité, sous le double effet de la flambée des loyers et de l'élargissement de leur compétence intervenu en 2001 aux litiges relatifs à l'état des lieux, au dépôt de garantie, aux charges locatives et aux réparations...
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Un point de passage obligé pour les litiges relatifs aux loyers
Ce fut leur premier rôle : installées au sein de chaque préfecture de département, et composées paritairement de représentants des associations de locataires et des organisations représentatives de bailleurs (chambres de propriétaires, syndicats de professionnels, représentants d'institutionnels), les commissions de conciliation doivent être "saisies" avant toute autre action - notamment judiciaire - par les propriétaires qui se heurtent à un refus ou même au silence de leur locataire suite à une demande d'augmentation de loyer en application de l'article 17c de la loi du 6 juillet 1989 : cette disposition permet au propriétaire "lors du renouvellement du contrat", de procéder à une réévaluation du loyer "s'il est manifestement sous-évalué". La loi prévoit que "dans ce cas, le bailleur peut proposer au locataire, au moins six mois avant le terme du contrat (...) un nouveau loyer fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables" en respectant un formalisme précis quant à la justification de la sous-évaluation.
Submergées les premières années par des dizaines de milliers de "saisines" - le pic a été atteint en 1989 avec près de 16.000 dossiers pour cette seule année, dont les trois quarts pour l'Ile-de-France - leur activité avait fortement chuté avec la crise du début des années 90 (1.219 dossiers en 1993), et après un regain de 1994 à 1998 (4.557 dossiers en 1995), encore plus à la fin de la décennie (765 dossiers en 1999).
La hausse des loyers intervenue depuis lors à l'occasion des relocations ou des locations de logements neufs (notamment les "Périssol") ont donné un nouvel élan à cette activité des commissions, indépendamment de celle générée par l'extension de leur champ de compétence : 2.337 litiges de loyers en 2002, 2.740 en 2003 et 3.433 en 2004 !
Outre la pression du marché - les cas de sous-évaluation "manifeste" ont refait leur apparition, notamment en Ile-de-France après la "digestion" de la première vague de réajustements -, l'OLAP voit aussi dans cette recrudescence l'effet d'une meilleure connaissance de la législation et du formalisme prescrit, ainsi qu'en témoignent les ADIL (Agences départementales d'information sur le logement) qui conseillent bailleurs et locataires. La loi de 1989 est "mieux assimilée et appliquée par les professionnels de l'immobilier que
par les bailleurs gérant directement leur patrimoine et par les locataires", indiquent ces organismes, qui reconnaissent cependant qu'elle est "mieux connue dans les agglomérations urbaines qu'en milieu rural où les pratiques continuent parfois de s'inscrire en dehors du cadre législatif bien que les baux verbaux se raréfient".
Ces demandes d'augmentation "sauvages" - tentatives d'augmentation de gré à gré, souvent acceptées par les locataires de peur de se voir évincés à la première occasion - ou non conformes (références de loyers inexistantes ou invérifiables) échappent évidemment à toute statistique mais restent néanmoins nombreuses à en croire l'OLAP, ou si l'on se réfère aux témoignages relevés dans les forums ou les questions posées sur notre site...
Il est vrai que la référence aux loyers de voisinage est souvent difficile d'application, notamment en milieu rural du fait de la dispersion géographique du parc locatif ou en l'absence
d'observatoires des loyers. A cet égard, l'agglomération parisienne est privilégiée, ce qui explique sa prépondérance dans les saisines des commissions pour ce type de litiges ! "Le contexte actuel du marché locatif caractérisé par une relative détente n’incite pas à la mise en place des observatoires de loyers" regrette l'OLAP, qui constate la difficulté de mobilisation des partenaires locaux pour
porter le coût financier de fonctionnement de ce type de structure.
Un nouveau rôle dans le traitement des litiges locatifs
C'est dans leur nouveau champ de compétence que les commissions de conciliation ont cependant puisé leur nouvelle jeunesse : la loi du 13 décembre 2000, dite loi "SRU" (Solidarité et renouvellement urbains) a en effet étendu leur objet à l'examen :
- des "litiges relatifs à l'état des lieux, au dépôt de garantie, aux charges locatives et aux réparations",
- des "difficultés résultant de l'application des accords collectifs nationaux ou locaux" et des "modalités de fonctionnement de l'immeuble ou du groupe d'immeubles".
Et c'est évidemment le premier aspect qui a eu le plus de succès, avec 3.471 dossiers en 2004, les litiges à caractère collectif ne donnant lieu pour le moment qu'à une infime proportion des nouveaux dossiers traités (1%)...
Un net clivage est constaté par l'OLAP entre l’Ile-de-France et la province, qu'il explique par la "dichotomie entre d’une part, l’Ile de France, caractérisée par un parc locatif privé important géré par une forte proportion de professionnels de l’immobilier ou appartenant à des bailleurs institutionnels, soucieux de légalisme et, d’autre part, la province, marquée par un parc locatif privé détenu principalement par des bailleurs personnes physiques gérant eux-mêmes leur patrimoine, méconnaissant souvent les textes"...
De fait, seuls 1103 dossiers du nouveau champ de compétence ont été traités en Ile-de-France en 2004, contre 2.300 en province, alors que traditionnellement l'activité des commissions franciliennes dépassait celle cumulée de toutes les commissions de province !
Ce clivage se retrouve aussi concernant la nature du "requérant" : 2/3 des "saisines" des commissions au titre du nouveau champ de compétence est le fait des locataires, ce qui fait que ces derniers sont à l'origine de 60% des "saisines" en province et seulement de 40% en Ile-de-France ; "en province, le parc locatif privé est fréquemment géré par un bailleur personne physique, méconnaissant souvent la législation" constate pudiquement l'OLAP dans son commentaire...
Un rôle de médiation appréciable
Sur un total de 6.471 litiges traités en 2004, un peu plus de la moitié sont conciliés, ce qui est plus que remarquable ! L'OLAP note que la conciliation est plus fréquente pour les litiges relatifs au nouveau champ de compétence : elle s’élève à 52% des litiges traités contre 49% pour ceux relevant de l’ancien champ de compétence. Pour un volume total de 3.275 litiges conciliés, 71% le sont en commission et 29% après la comparution directement entre bailleur et locataire. La proportion de litiges conciliés hors commission est plus forte pour les litiges relatifs aux loyers (44%), alors que pour les litiges conciliés relevant du nouveau champ de compétence, le taux de conciliation en commission atteint 83%...
Ces chiffres révèlent un succès indéniable, d'autant plus que ces commissions sont restées au fil des ans un outil au service des bailleurs privés et de leurs locataires : malgré leur ouverture au secteur social, celui-ci n'a fourni que 10% des dossiers traités...
Pour en savoir plus, lire le Rapport sur l'évolution des loyers - Locaux à usage d'habitation dans le parc locatif privé
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