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Haro sur le Robien ? Le 22/11/2005
UI - Actus - 22/11/2005 - Haro sur le Robien ?
Plébiscité par les investisseurs qui, avec le retour en grâce de l'immobilier en tant que placement à long terme, se sont rués sur les programmes neufs permettant d'en bénéficier, l'amortissement fiscal "Robien" fait aujourd'hui l'objet de nombreuses critiques : il lui est en gros reproché d'avoir orienté l'investissement locatif vers l'immobilier pour locataires aisés, au détriment des logements dans les secteurs de marché "tendu" pour ménages à revenus "intermédiaires" en forte pénurie, et même de créer par endroits une surproduction sur ce segment de marché, risquant de mettre les investisseurs en difficulté ! En effet, vendus sur plans à des acquéreurs trop facilement attirés par la perspective d'une réduction d'impôt alléchante, de nombreux programmes, lancés sur des hypothèses de marché trop optimistes, vont peut-être se trouver lors de leur livraison sans preneurs, en tous cas aux tarifs de location annoncés par les vendeurs et retenus dans les plans de financement...

Un avantage fiscal généreux, mais à contre-courant ?

Issu du régime de la "loi Besson", mais débarrassé du plafonnement des ressources des locataires et assorti de plafonds de loyer nettement augmentés, le régime d'incitation fiscale à l'immobilier locatif auquel le ministre du logement du premier gouvernement Raffarin, Gilles de Robien, a laissé son nom a aussi changé de cible en termes de marché locatif aidé : alors que le premier visait à recréer une offre de logement intermédiaire, structurellement déficitaire en France, le régime Robien a eu pour effet de reporter les investisseurs vers une offre de logements pour classes moyennes et aisées, avec pour les baux conclus en 2005, des plafonds mensuels de loyer par mètre carré, charges non comprises, de 19,19 euros en zone A (agglomération parisienne, côte d'azur et genevois français), 13,33 euros en zone B (agglomérations chères situées aux franges de l’agglomération parisienne et en zones littorales ou frontalières) et 9,59 euros en zone C (reste du territoire). En fait pratiquement des loyers de marché, sauf dans certains arrondissements de Paris intra muros et sur des marchés tendus d'Ile-de-France et des grandes métropoles...

Le succès, fulgurant, ne s'est pas fait attendre, et dès son lancement - le régime s'applique aux acquisitions de logements destinés à la location à compter du 3 avril 2003, y compris "sur plans" - les investisseurs se sont jetés sur les programmes des promoteurs qui permettent d'en bénéficier, et ceux-ci se sont mis à fabriquer du "Robien" à tour de bras aux quatre coins du pays. Et cela se comprend : avec un système d'amortissement qui permet sur une durée de 9 à 15 ans de déduire de 50 à 65% du prix d'acquisition de leur revenu imposable, puis de recommencer avec des dépenses d'amélioration ou de bénéficier de la déduction forfaitaire majorée du "Besson ancien", difficile d'y résister (1) !

L'ennui est que le "Robien" n'encourage pas le type d'immobilier qui a le plus besoin d'être aidé. Pendant ce temps, la pénurie de logement intermédiaire s'aggrave, et avec elle l'engorgement du parc HLM, occupé dans des proportions trop importantes par des locataires qui ne devraient plus relever du logement social, mais qui y restent faute de pouvoir se loger ailleurs ! Avec les conséquences que les évènements dramatiques de ces derniers mois ont crument mis en lumière...

Marc-Philippe Daubresse, successeur en 2004 de Gilles de Robien dans le portefeuille du logement, puis Jean-Louis Borloo qui l'a repris en direct en 2005 ne s'y sont pas trompés alors qu'ils sont confrontés à une crise du logement social sans précédent ! N'osant pas s'attaquer de front à un avantage fiscal qui a généré 65.000 ventes par an chez les promoteurs, le gouvernement essaie d'allumer des contre-feux, de deux manières :

- par l'inclusion dans le plafonnement des niches fiscales : l'amortissement "Robien" est pris à compter de l'imposition des revenus de 2006 dans le plafond global des avantages fiscaux de 8.000 euros, plus 750 euros par personne à charge (5.000 euros lorsque le foyer comprend au moins une personne handicapée) ;

- par le lancement d'un régime "Borloo populaire", plus attractif que le Robien social, bricolé à la hâte et resté confidentiel : ce nouveau régime s'appliquerait comme le "Robien" à l'acquisition de logements neufs destinés à être loués à titre de résidence principale, mais les ressources des locataires seraient plafonnées à 4.000 euros mensuels pour un couple, et les loyers seraient plafonnés à un niveau inférieur de 30 % par rapport aux loyers libres du marché alors que ceux en Robien classique correspondent en théorie à une réduction d'environ 10 %.

Le dispositif, qui doit faire l'objet d'un amendement gouvernemental au projet de loi "Engagement national pour le logement" (ENL) en cours d'examen actuellement au Sénat, combinera un amortissement de 6% pendant 7 ans, 4% pendant les 2 ans suivants, et 2,5% pendant six ans, avec un taux de déduction forfaitaire de 40%...

Bien qu'on n'en parle plus pour le moment, un autre contre-feu pourrait aussi être allumé avec l'insertion dans les conditions pour bénéficier du régime "Robien" de quelques contraintes vertueuses, comme l'obtention par le programme d'un label HQE (Haute qualité environnementale) ou des critères de performance énergétique !


Trois conditions pour un "Robien" sans risque

Pour le particulier lourdement imposé, l'investissement en Robien peut être une excellente affaire : par la déduction du revenu imposable de la moitié ou plus du coût d'acquisition et des intérêts de l'emprunt souscrit pour le financer, puis par la fiscalité encore favorable (déduction forfaitaire majorée) au delà de la période d'amortissement. Il permet ainsi - l'emprunt étant remboursé assez largement par le loyer et l'économie d'impôt - de se constituer un patrimoine avec une mise de fonds réduite, au départ puis de manière progressivement dégressive pendant la période de détention, le revenu net loyers + économie d'impôt - charges incombant au propriétaire compensant presque totalement les remboursements d'emprunt si le financement a été souscrit à moins de 70%. Si l'investissement a été financé plus près de 100%, il faut épargner quelque chose - 300 à 500 euros - mensuellement, mais l'opération reste largement bénéficiaire...

A trois conditions cependant :

- être sûr(e) de louer pendant au moins 9 ans : à défaut, et en particulier en cas d'imprévu obligeant à interrompre la location pour reprendre le logement ou le vendre, la totalité des amortissements déduits du revenu redeviennent imposables, certes avec un mécanisme de "quotient" afin d’atténuer les effets de la progressivité de l’impôt, mais néanmoins au taux marginal d'imposition ! Tout l'intérêt de la défiscalisation est alors perdu d'un coup...

- ne pas surpayer l'acquisition : l'attrait irrésistible de l'économie d'impôt ne doit pas faire oublier que le taux de rendement global de l'opération suppose que le prix d'achat n'ait pas été gonflé par le promoteur et puisse être récupéré à la revente avec une raisonnable plus-value, en tous cas comparable à celle qui aurait pu être réalisée avec un investissement immobilier classique ! Il convient donc de vérifier les prix proposés par rapport au marché local (2) et se méfier des programmes vendus quasi-exclusivement à des investisseurs en Robien : l'absence d'acquéreurs "normaux", achetant pour leur résidence personnelle doit inquiéter pour deux raisons : ils peuvent avoir trouvé les prix de vente excessifs, et une trop grande proportion de propriétaires non résidents ne laisse pas augurer une bonne gestion de la copropriété : absentéisme aux assemblées et pouvoirs donnés en masse au syndic qui peut alors en faire à sa guise, absence de propriétaires pour veiller sur place au bon entretien, etc.


- être sûr(e) de trouver preneurs pendant 9 ans : les vendeurs font naturellement preuve d'optimisme quant au loyer susceptible d'être obtenu et la disponibilité de candidats volontaires et solvables pour une location à ce prix. Or ce n'est pas gagné d'avance ! Il convient au moins de vérifier le loyer indicatif retenu pour le plan de financement par rapport aux loyers pratiqués dans le voisinage pour des logements comparables (2). Mais ce n'est pas forcément suffisant : la construction et la livraison dès cette année quasi simultanée de centaines, voire de milliers de logements dans le même segment d'un marché local peut tout d'un coup le saturer, et faire que l'appartement acheté ne puisse être loué qu'avec un loyer bradé, voire reste désespérément vacant ! Et ce n'est pas une vue de l'esprit : un article récent de l'Express (3) citait des agents immobiliers de villes comme Périgueux, Tarbes, Agen, Cavaillon ou Carpentras, inquiets du nombre de logements en fin construction et prêts à être livrés !

Le phénomène serait particulièrement flagrant dans la zone C - les villes de moins de 50 000 habitants -; le président du leader français de la promotion, Nexity, reconnaît qu'on y a "trop construit".

Le même article rapporte qu'à Montauban, "l'offre est si prolifique que les bailleurs offrent trois mois de loyer gratuits pour attirer des locataires. Mieux, à Agen, dernière coqueluche des constructeurs, des placards publicitaires proposent non pas deux mois de loyer gratuit mais quatre si le nouvel entrant parraine un ami". Même chose apparemment au Puy-en-Velay où selon un agent local, "les propriétaires sont presque prêts à payer pour louer"...

Or le scénario de la vacance à la première location ou à la relocation relève du cauchemar : non seulement il faut payer les charges - y compris celles qui normalement sont prises en charge par le locataire - et rembourser l'emprunt, mais au bout de douze mois, le bénéfice de la défiscalisation est perdu, et si des amortissements ont été déduits, ils redeviennent imposables comme dans tous les cas de rupture de l'engagement de location !

Ce risque exclut bien entendu tout achat "à l'aveugle", sur catalogue, a fortiori sur un marché inconnu : non seulement une visite approfondie du secteur est indispensable - desserte, commerces, écoles, etc. - mais aussi une tournée des agents immobiliers locaux !




(1) voir Robien (régime ou loi)

(2) l'analyse du marché peut se faire par consultation d'un ou plusieurs agents immobiliers locaux, ou dans un premier temps l'utilisation d'outils tels que l'Argus du logement (3,99 euros TTC l'estimation)

(3) L'Express du 27/10/2005

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