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Du Robien au Borloo populaire : les allers-retours d'une politique d'incitation qui se cherche... Le 4/5/2006
UI - Actus - 4/5/2006 - Du Robien au Borloo populaire : les allers-retours d'une politique d'incitation qui se cherche...
Méhaignerie, Quilès, Périssol, Besson, Robien et maintenant Borloo : s'il fallait une illustration de l'instabilité fiscale, cette liste de noms et de régimes d'incitation fiscale à l'investissement locatif qu'ils désignent la fournit à merveille ! Avec au moins trois allers-retours du balancier, entre encouragement tous azimuts, et recentrage en faveur de segments du marché en plus forte pénurie, comme le secteur "intermédiaire" et même la location sociale privée, au moyen de variantes - les régimes Lienemann et Lienemann "renforcé", Robien "social" (mort-né) et maintenant des dispositions du Borloo pour l'ancien... Friands d'économies d'impôts, les investisseurs risquent au mieux d'attraper le tournis, au pire de surpayer des "produits" de fabricants et commercialisateurs peu scrupuleux, habiles à jouer du miroir aux alouettes de la "défiscalisation" et à s'adapter à chaque nouveauté fiscale ! Revue des dernières formules sur le marché...

Le Robien "recentré"

Issu du régime "Besson" pour l'investissement l'immobilier neuf, lui-même inspiré du régime "Périssol", le régime d'incitation fiscale "Robien" confère à l'investisseur un statut de "bailleur conventionné" (engagement de location pendant 9 ans) et accorde un avantage fiscal conditionné par un plafonnement des loyers pratiqués, mais - à la différence du "Besson" neuf dont il se distingue aussi par des plafonds plus amples -, sans conditions de ressources des locataires.

L'avantage fiscal prend la forme d'un dispositif d'amortissement à raison de 8% pendant 5 ans puis 2,5% pendant 4, 7 ou 10 ans (l'amortissement porte en fait sur les 9 ans de l'engagement, plus, si le contribuable prolonge sa location d'autant, sur 2 périodes de 3 ans supplémentaires). L'amortissement peut, dans la forme actuellement en vigueur, représenter ainsi jusqu'à 65% du montant de l'investissement.

A l'issue de cette période, une nouvelle période de 9 ans plus deux fois trois ans supplémentaires peut s'ouvrir :

- aux mêmes taux pour des dépenses de reconstruction et d'agrandissement ;

- à raison de 10% par an pendant 10 ans pour des dépenses d'amélioration.


Pour les logements situés en zone de revitalisation rurale (ZRR) acquis ou achevés depuis le 1er janvier 2004, le propriétaire peut aussi appliquer la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers majorée au taux anciennement de 40 % ramené à 26 avec la réforme du barème de l'impôt sur le revenu.

Par contre, pour les autres logements, pendant la durée de l'amortissement la déduction forfaitaire était ramenée de 14 à 6%, mais à compter des revenus de 2006, cette différence disparaît avec la suppression de cette déduction forfaitaire dans le cadre de la réforme mentionnée.

A l'issue de la période d'amortissement, éventuellement renouvelée, et sous réserve que les conditions de loyer et de ressources prévues soient respectées, le propriétaire peut appliquer la déduction forfaitaire majorée applicable pour un des régimes d'incitation à l'investissement dans l'ancien (en fait le régime "Besson" ou "Lienemann" pour l'ancien : taux de 40 ou 60%, ramenés respectivement à 26 et 46%)...

L'avantage fiscal de chaque période est subordonné à l'engagement du propriétaire de louer le logement non meublé pendant au moins 9 ans à usage d'habitation principale à une personne autre qu'un membre de son foyer fiscal, faute de quoi une partie des déductions opérées doit être réintégrée. Cette location doit prendre effet dans les douze mois qui suivent la date d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure.

Une version "sociale" du "Robien", appelée aussi régime "Daubresse", du nom du titulaire éphémère du portefeuille du logement pendant le gouvernement Raffarin III a été lancée mais restera apparemment lettre morte dans la restructuration en cours des régimes d'incitation.

Applicable aux acquisitions de logements destinés à la location acquis depuis le 3 avril 2003 et toujours en vigueur, le régime "Robien" est en passe d'être restreint pour les acquisitions intervenant à compter du 1er juillet prochain : le nouveau régime s'appellera le "Robien recentré" !

La loi "ENL" (Engagement national pour le logement) en fin d'examen au parlement réserve la poursuite optionnelle d'un amortissement de 2,5% par an pendant une ou deux périodes supplémentaires de 3 ans au nouveau régime "Borloo populaire" ; du coup, le "Robien" ne permettra plus d'amortir que 50% de la valeur investie sur neuf ans. Par ailleurs, le rythme d'amortissement est réaménagé pour les deux régimes : 6% par an pendant 7 ans et 4% pendant 2 ans !

Enfin, alors que ces dispositions ne sont pas encore définitivement votées, le zonage applicable aux plafonds de loyers et ces plafonds eux-mêmes sont revus : désormais en matière de zones pour la fixation des loyers liés à un régime d'amortissement, la France est divisée en quatre zones au lieu de trois précédemment :

- Zone A: Paris, petite couronne et deuxième couronne jusqu'aux limites de l'agglomération parisienne, Côte d'Azur (bande littorale Hyères-Menton), Genevois français ;

- Zone B1: 23 agglomérations de plus de 250.000 habitants (Aix-en-Provence - Marseille, Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Toulon, Douai, Strasbourg, Grenoble, Rouen, Valenciennes, Nancy, Metz, Tours, Saint-Etienne, Montpellier, Rennes, Orléans, Béthune, Clermont-Ferrand, Avignon), grande couronne autour de Paris, six agglomérations jugées chères: Annecy, Bayonne, Chambéry, Cluses, La Rochelle et Saint-Malo, pourtour de la Côte d'Azur, départements d'outre mer, Corse et îles ;

- Zone B2: reste de la Zone B, c'est-à-dire les autres agglomérations de plus de 50.000 habitants, autres zones frontalières ou littorales chères, troisième couronne parisienne ;

- Zone C: reste du territoire.


Les plafonds de loyers communiqués (en euros par mois par mètre carré de surface dite "utile") sont dans le "Robien recentré" légèrement inférieurs à ceux en vigueur actuellement pour le "Robien" dans les zones B2 et C : respectivement 11,30 et 8,28 euros par m2 au lieu de 13,82 et 9,94 euros. Ces valeurs vaudront pour les baux conclus en 2006 et seront publiés par décret après le vote définitif de la loi. Le plafond pour la zone A reste pour le moment inchangé, à 19,89 euros par m2, et le plafond pour la zone B1 sera celui de l'ancienne zone B, à savoir 13,82 euros.


Le "Borloo populaire" et ses variantes

Revenant à une politique de meilleur ciblage en faveur du logement intermédiaire, l'actuel ministre en charge du logement réinvente en quelque sorte un nouveau régime "Besson" - avec un double plafonnement en loyer par m2 et en ressources des locataires -, juste un peu plus attractif car assorti d'une déduction forfaitaire sur les revenus fonciers : ce sera le "Borloo populaire", créé par la loi "ENL".

La période d'amortissement sera à nouveau de 9 ans plus deux fois 3 ans supplémentaires sur option, le rythme d'amortissement sera de 6% par an pendant 7 ans, 4% pendant 2 ans, et 2,5% par an comme avant pendant les périodes optionnelles, permettant ainsi de déduire jusqu'à 65% de l'investissement, comme dans le "Robien" avant "recentrage"...

Avantage supplémentaire pour le "Borloo populaire" : il autorisera en plus une déduction forfaitaire de 30% sur les revenus locatifs, applicable suivant le nouveau barème fiscal.

Les plafonds de loyers sont déjà fixés respectivement pour les zones A, B1, B2 et C à 15,91, 11,06, 9,04 et 6,62 euros par m2 ; ils sont censés être à hauteur de 70% des loyers moyens du marché. Les plafonds de revenus restent encore à fixer...


Vers le retrait du "Besson" pour l'ancien

Eternel parent pauvre des politiques d'incitation fiscale à l'investissement locatif, l'ancien avait connu quelques faveurs sous le ministère de Gilles de Robien, non pas grâce à l'extension à l'ancien du régime "Robien" proprement dit - les conditions de réhabilitation mises à l'éligibilité à l'amortissement fiscal le rendent inaccessible à la plupart des investisseurs - mais curieusement grâce à l'amélioration du régime "Besson" pour l'ancien : celui-ci, mis en place en 1998 créait un régime de conventionnement des bailleurs s'engageant à louer leur logement pendant une durée minimale de 6 ans en respectant des plafonds de loyers au m2 et de ressources des locataires plutôt contraignants, avec en contrepartie une déduction forfaitaire de 25% au lieu de la déduction de droit commun de 14% ! Considéré comme trop maigre au regard des contraintes, cet avantage fiscal avait été - on le comprend - boudé par les investisseurs...

L'amélioration intervenue en 2003 fut double : les plafonds ont été nettement améliorés (respectivement pour les zones A, B et C du régime "Robien" : plafonds de loyer de 15,90, 10,39 et 7,52 euros par m2, et revenu fiscal pouvant aller de 32.268, 24.939 et 21.822 euros annuels pour une personne seule jusqu'à 92.502, 64.093 et 56.264 pour un couple avec 4 enfants, plus supplément par personne à charge) ; par ailleurs, la déduction forfaitaire a été portée à 40% (elle est ramenée à 26% à compter des revenus de 2006 en raison du nouveau barème de l'impôt sur le revenu)...

La réaction des investisseurs ne s'est pas fait attendre et, parallèlement au "Robien neuf", le "Besson ancien" amélioré a connu un retour en grâce ! Trop peut-être puisqu'un des multiples amendements au projet de loi ENL, dont on ne sait plus très bien quels sont ceux qui ont l'agrément du gouvernement et ceux qui ne l'ont pas, a prévu de le supprimer et de le remplacer par un régime de conventionnement avec l'ANAH (Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat) ouvrant droit à une déduction forfaitaire de 30 à 45% suivant le sacrifice consenti par le bailleur.


Plus que jamais : les conseils pour éviter les pièges !

Sur un terrain aussi mouvant, les investisseurs doivent redoubler de prudence : la loi "ENL" n'est pas encore votée que des promoteurs, encouragés par l'engouement pour le "Robien" (plus de 50.000 ventes estimées en 2005) proposent déjà sur plans des produits en "Borloo populaire" !

L'avantage fiscal a certes dopé l'offre locative dans des secteurs en pénurie, mais a aussi conduit à construire en surnombre des logements dans des secteurs où ils ne trouvent pas preneur (1) ! Du coup, l'acquéreur imprudent, appâté par l'économie d'impôt et des simulations mirobolantes de commercialisateurs habiles, ne risque pas seulement de surpayer le bien et ne pas atteindre la rentabilité annoncée : il risque carrément de se retrouver avec un bien inlouable ! Or, comme nous le rappelions déjà en 2005, le scénario de la vacance à la première location ou à la relocation relève du cauchemar : non seulement il faut payer les charges - y compris celles qui normalement sont prises en charge par le locataire - et rembourser l'emprunt, mais au bout de douze mois, le bénéfice de la défiscalisation est perdu, et si des amortissements ont été déduits, ils redeviennent imposables comme dans tous les cas de rupture de l'engagement de location !

Ce risque exclut donc tout achat "à l'aveugle", sur catalogue, a fortiori sur un marché inconnu : non seulement une visite approfondie du secteur est indispensable - desserte, commerces, écoles, etc. - mais aussi une tournée des agents immobiliers locaux !

A vérifier : les prix proposés et le loyer indicatif retenu pour le plan de financement par rapport aux prix et loyers pratiqués dans le voisinage pour des logements comparables (2), et la proportion du programme vendu à des investisseurs en défiscalisation : l'absence d'acquéreurs "normaux", achetant pour leur résidence personnelle doit inquiéter pour deux raisons : ils peuvent avoir trouvé les prix de vente excessifs, et une trop grande proportion de propriétaires non résidents ne laisse pas augurer une bonne gestion de la copropriété : absentéisme aux assemblées et pouvoirs donnés en masse au syndic qui peut alors en faire à sa guise, absence de propriétaires pour veiller sur place au bon entretien, etc.

Décortiquant un cas réel de simulation présenté, fin 2005, à un couple d’investisseurs, le magazine Capital mettait en évidence 11 pièges fréquents relevés dans les simulations proposées par les commercialisateurs spécialisés de produits de défiscalisation (3) : parmi eux une surestimation de la qualité de la localisation, des garanties de location illusoires ou biaisées, une valorisation excessive des loyers escomptés, l'absence de prise en compte du risque de remontée des taux avec un financement à taux révisable, l'oubli des intérêts intercalaires sur les appels de fonds au fur et à mesure de la construction d'un bien vendu sur plans, la sous-estimation des charges, les risques liés aux montages de crédits remboursables "in fine" adossés à un contrat d'assurance vie dont on surestime la rentabilité et sous-estime la fiscalité, etc.

De quoi tempérer les annonces de rentabilité, y compris celles avancées par le ministère de la cohésion sociale et du logement : 5,5% par an sur 9 ans, taux de rentabilité calculé sur des cas types pour les deux régimes de défiscalisation "Robien recentré" et "Borloo populaire", mais 7% par an pour le second si l'investisseur conserve le bien pendant 15 ans !


(1) Le Monde 18 avril 2006 - Des logements neufs ne trouvent pas de locataires

(2) L'analyse du marché peut se faire par consultation d'un ou plusieurs agents immobiliers locaux, ou dans un premier temps l'utilisation d'outils tels que l'Argus du logement (3,99 euros TTC l'estimation)

(3) Capital - Simulation du vendeur pour l'achat d'un trois-pièces dans une résidence de standing, avec un montage sans souci de gestion

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