ACTUS
La protection des locataires, toujours d'actualité !
Le
9/5/2006
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Alors que les groupes de pression des propriétaires ne cessent de dénoncer un déséquilibre des droits en faveur des locataires, plusieurs faits récents rappellent s'il le fallait la persistance de nombreux abus des premiers, en position de force sur un marché locatif en situation de pénurie chronique de logements accessibles au plus grand nombre ! Au point de voir les sénateurs s'en émouvoir et ajouter encore quelques amendements au projet de loi sur le logement en cours de discussion au parlement, pointant les clauses illicites dans les contrats de location ou tentant d'endiguer les excès dans le nombre de documents exigés par les propriétaires pour l'examen d'une candidature à une location ! Cette dernière disposition a toutefois été reportée, le ministre Jean-Louis Borloo, promettant de s'occuper prochainement de cette question au vu du rapport de la HALDE (Haute Autorité de lutte contre les discriminations) dans sa section concernant l'accès au logement...
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Les administrateurs de biens en première ligne
Après une première action en justice engagée contre le groupe Foncia, n°1 de la gestion immobilière en France, par la Chambre de consommation d'Alsace (CCA), regroupant 20 associations de consommateurs de la région Alsace, et qui s'était terminée en 2004 par une transaction, c'est cette fois le groupe Sergic (25 agences, 400 collaborateurs, et une trentaine de milliers de logements locatifs gérés) qui se fait assigner par la CLCV (Confédération consommation, logement et cadre de vie). En cause : des frais facturés aux locataires par l'administrateur de biens en toute illégalité : frais d’envoi d’avis d’échéance ou de quittance, frais d’encaissement des chèques (pour inciter au prélèvement automatique), frais de relance, de renouvellement des baux, d'arrêté de compte au départ du locataire, etc.
En réalité la pratique n'est pas nouvelle ! Cela fait des décennies que de tels frais sont facturés par un grand nombre de gérants, la plupart du temps à l'insu des propriétaires des biens dont ils assurent la gestion ! Or non seulement les locataires ne les doivent pas, mais dans la plupart des cas - fait qui semble avoir échappé à tout le monde, il est vrai le plus souvent de bonne foi - le fait de les percevoir pour son propre compte constitue pour le gérant une infraction pénale : c'est l'effet de l'article 66 du décret du 20 juillet 1972, le même que celui qui a fait épingler quelques syndics dans les années 90 pour avoir perçu des commissions de la part des fournisseurs : "le mandataire ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, d'autres rémunérations, à l'occasion des opérations dont il est chargé, que celles dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat ou dans la décision de nomination, ni de personnes autres que celles qui y sont désignées" !
Or le mandat est signé entre le gérant et le propriétaire, et aucun lien de droit ne permet au mandataire de réclamer des honoraires ou frais au locataire, quand bien même une annexe au bail soumise à la signature de ce dernier les préciserait : non seulement une telle annexe tombe sous le coup de l'article 66 mentionné, mais elle est de surcroît dénuée de valeur juridique, s'agissant d'un contrat liant le locataire à un propriétaire, le gérant n'intervenant qu'au nom de ce dernier...
La nouveauté est que cette fois l'affaire fait grand bruit, forçant le législateur à réagir !
Une nouvelle liste de clauses abusives dans les contrats de location
Introduit en dernière minute dans la discussion en deuxième lecture au Sénat du projet de loi "ENL" (Engagement national pour le logement), un amendement adopté par la majorité et l'opposition pour une fois réunies ajoute aux 10 clauses déjà "réputées non écrites" dans un contrat de location par l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 une nouvelle liste de 9 clauses considérées comme abusives, dont la plupart pouvaient en fait déjà être considérées comme illicites et par conséquent sans effet (1) :
- celle qui impose au locataire la facturation de l'état des lieux en dehors de tout litige préalable et de l'hypothèse de l'état des lieux réalisé par huissier par refus du locataire de procéder par état des lieux "amiable" ;
- celle qui prévoit le renouvellement du bail par tacite reconduction pour une durée inférieure à celle prévue à l'article 10 de la loi (trois ans pour les bailleurs personnes physiques et les "SCI familiales et six ans pour les autres bailleurs personnes morales) ;
- celle qui interdit au locataire de rechercher la responsabilité du bailleur ou qui exonère le bailleur de toute responsabilité ;
- celle qui interdit au locataire d'héberger des personnes ne vivant pas habituellement avec lui ;
- celle qui impose au locataire le versement, lors de l'entrée dans les lieux, de sommes d'argent en plus de la moitié de la commission de location éventuelle et des deux mois du dépôt de garantie maximal ;
- celle qui fait supporter au locataire des frais de relance ou d'expédition de la quittance ainsi que les frais de procédure en plus des sommes versées au titre des dépens et de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- celle qui prévoit que le locataire sera automatiquement responsable des dégradations constatées dans le logement ;
- celle qui interdit au locataire de demander une indemnité au bailleur lorsque ce dernier réalise des travaux d'une durée supérieure à quarante jours ;
- celle qui permet au bailleur d'obtenir l'expulsion du locataire au moyen d'une simple ordonnance de référé insusceptible d'appel...
Le dossier de candidature : outil de discrimination
Autre tentation des propriétaires, en position de force devant une pluralité de candidatures : celle d'opérer une discrimination sur des critères étrangers à l'objectif de l'examen d'une candidature, à savoir la capacité à faire face aux obligations du bail, sans anticipation, par raisonnement généralisateur, de comportements attribués à telle ou telle catégorie de candidats, que ce soit sur la base de leur couleur de peau, leur origine ethnique, leur âge, une orientation sexuelle affichée ou supposée, voire un handicap ou un métier impliquant des horaires décalés...
Or, comme le fait remarquer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) dans son premier rapport d'activité, "les pratiques discriminatoires en matière de logement sont notamment liées à l’inexistence d’une réglementation relative aux documents susceptibles d’être demandés aux candidats locataires, dans la mesure où les bailleurs s’autorisent à exiger des informations relatives à la situation de famille, à l’origine, la nationalité, l’âge etc.", la HALDE invitant en conséquence le gouvernement à légiférer pour adopter des "règles précises et non discriminatoires s’imposant à tous les bailleurs dans la constitution des dossiers des candidats locataires"...
Prenant cette recommandation au mot, des sénateurs ont tenté comme pour les clauses abusives d'insérer par amendement dans la loi "ENL" une disposition prévoyant de limiter les documents susceptibles d'être demandés à un candidat à la location par un bailleur ou son mandataire à une liste stricte fixée par décret en Conseil d'État, excluant notamment jugement de divorce, livret de famille, contrat de travail ou acte de nomination pour les fonctionnaires, etc. L'amendement a été retiré in extremis contre la promesse du ministre Jean-Louis Borloo de soumettre la question à la Commission nationale de concertation...
Notons qu'une disposition de loi avait déjà été prise sous le gouvernement Jospin dans la loi du 17 janvier 2002 dite de "modernisation sociale", interdisant aux bailleurs de demander dorénavant aux candidats à la location de produire une photographie d'identité, une carte d'assuré social, des copies des relevés ou une attestation de bonne tenue de compte bancaire ou postal (article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989)...
(1) projet de loi portant engagement national pour le logement - dossier législatif
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