ACTUS
Les incitations à l'investissement dans le neuf ont changé la donne du marché locatif
Le
19/8/2008
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Aussi surprenant que cela paraisse, alors que le gouvernement s'apprête à supprimer le bénéfice des régimes de défiscalisation "Robien" et "Borloo" en zone C et à le recentrer strictement dans les autres zones (A, B1 et B2) sur les secteurs dans lesquels le marché immobilier présente les tensions les plus fortes, il a fallu attendre une étude le l'ANIL publiée en juillet 2008 (1) pour établir pour la première fois de manière factuelle l'impact de ces incitations fiscales à l'investissement locatif sur les marchés locatifs locaux ! Les médias se sont fait l’écho de cas de surproduction de logements locatifs dans certaines villes : difficulté de trouver des locataires, vacance prolongée, logements se louant bien moins cher que prévu, investisseurs mécontents ayant parfois le sentiment d’avoir été "grugés". Si de telles situations existent, l'étude montre que c'est loin d'être le cas général et que ces dispositifs ont permis très souvent de normaliser un marché autrefois en pénurie...
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Un succès national incontestable
S'il s'agit d'évaluer leur impact en termes d'augmentation nette de l'offre locative, les dispositifs d'incitation fiscale, notamment au moyen d'un amortissement du prix d'achat, ont essentiellement concerné l'immobilier neuf : en effet, si le régime "Besson ancien" a pu enregistrer un certain succès en raison de sa simplicité, et l'attractivité retrouvée grâce à l'augmentation de la déduction forfaitaire à compter de 2004, le régime "Robien" applicable à l'ancien avec travaux lourds a fait long feu en raison de la complexité de sa mise en oeuvre ; quant au régime "Borloo ancien", il est arrivé au mauvais moment, et fait pour le moment des scores confidentiels...
Le problème est que pour le neuf, si l’on dispose, grâce à la Fédération des promoteurs constructeurs (FPC), de données nationales estimatives sur les ventes à des investisseurs, il s’avère impossible d’avancer des chiffrages locaux.
Le succès des dispositifs d’incitation à l’investissement locatif a été incontestable : selon la FPC, plus de 40.000 logements en ont bénéficié en moyenne chaque année depuis 1995, et plus de 60.000 de 2003 à 2007, c'est à dire avec l'apparition du régime "Robien". Mais seuls un peu plus de 15% sont localisés en Ile-de-France.
L'ANIL note que pour avoir une estimation du nombre total de logements concernés, il faudrait y ajouter les investissements "directs", c’est-à-dire les logements construits par des particuliers en vue de la location, dont le nombre n’est malheureusement pas connu. Selon une estimation de Caron Marketing, ce type d’investissement aurait représenté en 2004 au moins 10.000 logements. Au total, on peut estimer qu’environ 350.000 logements ont bénéficié du régime "Robien" ou "Borloo neuf" de 2003 à 2007.
D'autres données générales sont intéressantes : le montant moyen de l’investissement : 167.600 euros, les revenus médians annuels nets des investisseurs : 58.900 euros, leur âge moyen : 43 ans, et leur financement à 10% d’apport personnel et 90% de crédit... Enfin la répartition géographique : zone A : 22%, zone B1 : 35%, zone B2 : 26%, et zone C : 17% (2).
L’investissement locatif porte de façon très majoritaire sur des appartements de taille limitée : studios, deux pièces et trois pièces. Les programmes "dédiés" sont presque toujours des immeubles collectifs. La part des maisons individuelles est très certainement inférieure à 20% de l’ensemble... La raison est simple à comprendre, cette taille d'appartement permet d'optimiser l'impact fiscal de l'investissement. En effet, l’amortissement, qui s’ajoute aux autres charges (intérêts d’emprunts, taxe foncière, dépenses de gestion et d’entretien), permet de créer un déficit foncier au cours des premières années de location. Ce déficit s’impute sur le revenu de l’investisseur – c’est-à-dire qu’il fait diminuer son revenu imposable – dans la limite de 10.700 euros par an. Pour optimiser l’avantage fiscal, il faut donc que le déficit foncier ne dépasse pas ce montant, et par conséquent, puisque l’amortissement est proportionnel au prix du bien, que le montant de l’investissement ne dépasse pas environ 140.000 euros...
Difficulté d'appréciation de l'impact local
Si les données nationales sont abondantes, cerner l'impact plus local est une autre affaire ! Faute de données statistiques, l'ANIL a choisi de procéder à dire d’experts, en organisant une consultation des professionnels susceptibles d’apporter un éclairage sur le fonctionnement des marchés et d’apprécier les évolutions récentes : agents immobiliers en premier lieu, mais aussi, le cas échéant, établissements financiers et promoteurs immobiliers.
Les questions posées portaient sur la situation du marché locatif local et son évolution récente, le volume et les caractéristiques des investissements locatifs dans le neuf, les conséquences sur l’arrivée sur le marché d’une offre nouvelle. Les professionnels étaient également interrogés sur le marché des transactions, dans le but de tenter de déterminer d’éventuels effets indirects de l’investissement sur ce marché, par le biais de mises en vente de logements locatifs anciens souffrant de la concurrence avec le neuf.
Quatorze ADIL (associations départementales membres, ainsi que l’Agence de développement et d’urbanisme du Pays de Brest, ont participé à cette enquête. Chacune d’entre elles a produit, pour les villes ayant fait l’objet de l’étude, une synthèse des informations recueillies.
Un impact faible dans les zones tendues, parfois considérable dans les villes moyennes
A la question de savoir si l’investissement immobilier dans le neuf a eu un impact sur les marchés locatifs, la réponse des professionnels diffère selon la localisation , les agglomérations sur lesquelles a porté l’étude se classent en fait en trois groupes :
- les marchés très tendus, où l’investissement dans le neuf ne joue, semble-t-il, aucun rôle perceptible dans le fonctionnement des marchés : il s'agit principalement des agglomérations les plus chères de la zone A, représentées dans l'échantillon par les Hauts-de-Seine et les Alpes-Maritimes ; le parc locatif existant est important et le volume de construction neuve y est faible ; d’autre part, le dispositif fiscal y est peu incitatif, car les loyers plafonds y sont inférieurs aux loyers du marché, notamment pour les petits logements, dont les loyers au m2 sont les plus élevés ; du coup, les investisseurs potentiels ont donc avantage à se tourner vers l’acquisition de logements anciens, moins chers à localisation équivalente, alors que le différentiel de loyer entre neuf et ancien n’est guère sensible...
- les grandes villes de province où les nouveaux logements locatifs, bien que nombreux, ont été absorbés sans trop de difficulté par le marché local ; bien que l’investissement locatif ait pu y avoir un impact sensible, du fait d’une population en croissance très rapide, ces agglomérations, telles Toulouse, n’ont pas connu de détente sensible du marché, et malgré l’apparition d’un volume d’offre nouvelle considérable, les loyers ont continué à augmenter à un rythme soutenu, à l’exception de quelques brèves périodes et dans des localisations ou des segments de marché bien délimités ; le constat semble être similaire dans d’autres villes de taille comparable, comme Rennes, Nantes ou Bordeaux.
Dans d’autres agglomérations, l’impact est plus marqué : c’est le cas de villes de plus petite taille (Montpellier, Angers, Nîmes, La Rochelle), mais également de Marseille, où les professionnels constatent une nette détente du marché. La détente peut toutefois être sélective, l’état du marché n’étant pas identique pour tous les types de logements. C’est manifestement sur les appartements de relativement petite taille, une ou deux pièces, que l’impact est le plus fort.
- les villes petites ou moyennes de la zone B2 et de la zone C, où l’impact de l’investissement locatif est, comme dit l'ANIL "toujours sensible, parfois spectaculaire et, dans quelques cas, préoccupant, voire alarmant" : c’est surtout dans ces villes qu’ont fleuri les opérations "dédiées investisseurs", parfois en nombre excessif au regard de la taille du parc locatif existant et en raison du manque de diversité des biens produits. Dans des marchés relativement peu tendus, où la demande n’est pas très extensible, l’effet sur les marchés a été rapide : allongement des délais de (re)location, stabilisation, voire baisse des loyers et, dans certains cas, vacance importante. Là encore, ces phénomènes ne touchent pas l’ensemble du parc : ils sont limités aux appartements de petite taille.
La souffrance de l'ancien...
Phénomène logique mais pas forcément attendu : là ou elle s'est produite, la détente des marchés affecte en premier lieu les logements anciens. Face à la concurrence du neuf, les propriétaires de biens de médiocre qualité ont en effet des difficultés à les relouer, même sans augmentation par rapport au loyer précédemment pratiqué. Les délais de relocation s’allongent et dans certaines localisations on observe un phénomène de vacance inconnu il y a peu...
L'ANIL note que les locataires tendent notamment à se détourner des logements construits de 1960 à 1980, pourtant souvent bien situés, qui souffrent d’une conception datée et d’une qualité de construction médiocre. C’est notamment le cas à Brest, ville entièrement reconstruite après la seconde guerre mondiale, mais le phénomène est également signalé ailleurs, par exemple à Valence.
Pour limiter le risque de vacance, les agents immobiliers suggèrent à leur mandants de baisser le loyer - certains même n’acceptent pas d’assurer la gestion si le niveau du loyer demandé leur paraît excessif au regard des conditions du marché. Si le bailleur refuse, il court le risque, en supposant qu’il trouve un locataire, que celui-ci déménage à brève échéance pour un logement moins cher, les frais de relocation grevant alors fortement la rentabilité de la location !
Ainsi, certains logements de Montpellier et Béziers voient leur loyer baisser de 5 %, voire plus, à la relocation. A Angers, la marge de négociation est de 5 à 10 %, elle peut aller jusqu’à 15 % à Valence.
Il arrive aussi depuis peu en cours de bail que certains propriétaires, au fait de l’évolution du marché et désireux de conserver leur locataire, s’abstiennent d’augmenter le loyer comme le contrat de bail le leur permettrait.
Lorsque les logements sont vétustes ou en état médiocre, les gestionnaires conseillent à leurs mandants d’effectuer des travaux d’amélioration. Beaucoup de bailleurs en comprennent la nécessité, mais tous n’ont pas les moyens de les financer. Dans les appartements en copropriété se pose en outre le problème de l’état de l’immeuble : un appartement même rénové risque en effet de se louer difficilement si les parties communes sont dégradées. Beaucoup d’agents immobiliers notent en effet une augmentation des exigences des candidats à la location, phénomène qui ne se limite pas aux plus aisés d’entre eux.
La détente des marchés joue son rôle en profitant aux locataires les plus modestes. L’enquête effectuée par l’ADIL de l’Hérault auprès d’associations intervenant dans le logement de publics jeunes ou défavorisés montre que les demandeurs les plus solvables s’orientent de préférence vers le neuf ou le meilleur ancien, et que les logements à loyer moins élevé sont susceptibles de profiter à un public de bénéficiaires des dispositifs d’aides publiques pour l’accès au logement : Locapass, ou même le fonds de solidarité logement (FSL), souvent considéré jusqu’ici avec suspicion par nombre de professionnels de l’immobilier. Cela suppose note l'ANIL, que les bailleurs modèrent leurs exigences quant au revenu des locataires et qu’ils ne fassent pas de la caution une condition sine qua non.
Ce qui fait dire à l'ANIL que le jeu du marché peut être tout aussi efficace, sinon plus, que les politiques tendant à favoriser la création de logements locatifs "à loyer maîtrisé", à ceci près que les logements les moins chers ne sont pas les plus confortables...
Albi, Montauban : les symboles de l'excès...
Sur ces deux exemples, l'ANIL démonte le mécanisme pervers conduisant au cauchemar pour de nombreux investisseurs croyant, sur la foi d’arguments de vente fallacieux, effectuer des placements rentables et "de tout repos", le mot "placements" étant utilisé plutôt qu’investissement" car dans la plupart des cas ils ont "acheté de la défiscalisation" et non un logement...
Les acquéreurs y ont été poussés par des méthodes de vente agressives, la commercialisation effectuée par des réseaux nationaux visant en priorité des ménages éloignés ignorant tout des conditions des marchés locaux. Les prix de vente, souvent très élevés, ont été "justifiés" par des loyers théoriques surévalués. L'investissement est vendu comme un placement financier, un "package" comprenant, outre le logement lui-même, les frais d’acquisition, le financement, la mise en location et la gestion locative ultérieure qui lui est vendu, avec prise en compte dans le calcul de rentabilité de l'avantage fiscal auquel il donne droit.
Ces villes connaissaient, certes, un certain déficit d’offre locative qui pouvait justifier la création d’un volume limité de logements supplémentaires. Les premiers logements produits se sont d’ailleurs loués sans grande difficulté. Mais la production a rapidement pris des proportions excessives au regard de la demande locale. Les logements étant vendus en état futur d’achèvement, les promoteurs ont néanmoins pu écouler des volumes importants avant que l’excès d’offres ne devienne patent. La mise en location s’est rapidement révélée difficile, d’autant que les loyers demandés étaient trop élevés. Les logements devant être loués coûte que coûte – condition impérative pour bénéficier de l’avantage fiscal -, les gestionnaires de logements neufs se sont mis à proposer aux locataires des avantages financiers : remise de plusieurs mois de loyer, baisse du loyer pendant une période pouvant aller jusqu’à un an, pas de frais de négociation...
Les ADIL locales mettent en avant également les insuffisances des gestionnaires proposés par les vendeurs, aggravant les difficultés des investisseurs : il s’agit d’agences filiales des groupes de promotion, chargées le plus souvent de la gestion des copropriétés et de la gestion locative des logements. Eloignées et ne possédant pas de bureau sur place, elles s’avèrent peu efficaces pour la mise en location et peu réactives, voire inopérantes, lorsqu’il s’agit de traiter les questions relatives à la gestion des logements et à l’entretien de l’immeuble. Devant les difficultés qu’elles éprouvent pour trouver des locataires, certaines confient aux agences immobilières locales la mise en location. Beaucoup de propriétaires, échaudés par leurs insuffisances, recherchent eux-mêmes une gestion plus proche du bien loué...
Ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain !
Si l’instrumentalisation du dispositif fiscal d’incitation à l’investissement locatif a incontestablement donné lieu à des excès, dans l’ensemble, les logements neufs se louent facilement. Loin d’être généralisées, les situations d’offre surabondante sont limitées, selon l'ANIL, qui note par ailleurs que la publicité qui leur a été faite devrait inciter dorénavant les candidats à l’investissement à la prudence.
L’effet modérateur sur le niveau des loyers est incontestable. L’idée parfois exprimée que le neuf tire les loyers à la hausse est contredite sans équivoque par les observations des professionnels : s’il est vrai que le neuf se loue plus cher que l’ancien, la différence est en fait justifiée par une meilleure qualité et des prestations plus larges.
Les locataires bénéficient de façon évidente de la détente des marchés provoquée par un afflux d’offre nouvelle, et dans beaucoup de grandes villes, les loyers à la relocation des logements anciens marquent une pause, voire baissent.
L’ANIL note aussi que l'investissement locatif contribue en outre de façon indiscutable à l’amélioration de la qualité du parc locatif : d’une part directement, grâce à la meilleure qualité des logements neufs, d’autre part en incitant les propriétaires de logements anciens à engager des travaux de rénovation pour les maintenir dans le marché...
(1) ANIL - juillet 2008 : "L’impact de l’investissement en logements neufs sur les marches locatifs" - Etude réalisée avec la collaboration des ADIL des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône, de la Charente-Maritime, de la Drôme, du Finistère, du Gard, de la Haute-Garonne, de l’Hérault, de l’Indre, du Maine-et-Loire, de la Mayenne, du Tarn, du Tarn-et-Garonne, des Hauts-de-Seine, de l’Agence de développement et d’urbanisme du Pays de Brest et le concours de l’Agence d’urbanisme de l’aire urbaine toulousaine.
(2) zonage actuel :
- Zone A : agglomération parisienne, côte d'azur (bande littorale Hyères-Menton) et genevois français
- Zone B1 : agglomérations de plus de 250.000 habitants, grande couronne grande couronne autour de Paris, quelques agglomérations chères (Annecy, Bayonne, Chambéry, Cluses, La Rochelle, Saint-Malo), le pourtour de la Côte d'Azur, départements outre-mer et Corse
- Zone B2 : autres agglomérations de plus de 50.000 habitants, autres zones frontalières ou littorales chères, ou à la limite de l'Ile-de-France
- Zone C : reste du territoire
Voir également notre section des indices et chiffres-clés: ( Dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement locatif : régimes "Besson", "Lienemann", "Robien" et "Borloo" - plafonds de loyers au m² et conditions de ressources des locataires )
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Pour estimer la valeur d'un appartement ou d'une maison à la vente ou à la location consultez : l'Argus du logement
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