ACTUS
Tourmente financière mondiale : quelles conséquences sur l'immobilier ?
Le
17/10/2008
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La crise des "subprime" avait déjà commencé à faire sentir ses effets, essentiellement par l'intermédiaire des banques, les conduisant à augmenter leurs taux d'intérêt, resserrer les conditions d'octroi des crédits immobiliers, et restreindre les durées. Cela avait suffi pour jeter un grand coup de froid sur le marché immobilier, provoquant une chute brutale des ventes dans le neuf et un net ralentissement des transactions dans l'ancien. La tempête financière de début octobre et les mesures spectaculaires prises par les gouvernements occidentaux pour l'enrayer changent-ils la donne ou faut-il s'attendre à une aggravation des conditions de crédit et un blocage du marché, susceptible de provoquer un effondrement des prix ?
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Un risque d'effet "dominos" dévastateur
Difficile encore de calculer les conséquences en France du ralentissement économique qui, dans le sillage d'une crise financière qu'on voudrait croire jugulée, semble se propager à partir des Etats unis. Les dernières statistiques du FMI (Fonds monétaire international), publiées le 16 octobre, semblent à cet égard inquiétantes et, dans une économie largement ouverte, il ne sera pas facile d'y échapper, d'autant que la crise immobilière est un puissant facteur d'aggravation. La crise immobilière outre-atlantique n'est au demeurant pas étrangère au déclenchement de la récession américaine, et tout montre qu'elle contribue à l'alimenter.
Si les effets sur l'emploi et sur le moral et la mobilité des ménages de la récession importée sont susceptibles d'augmenter l'attentisme qui semble saisir la société française, et que traduisent déjà de nombreux sondages (1), un blocage du marché immobilier par le maintien de conditions de crédit restrictives peut provoquer un choc en retour dévastateur : avec un effondrement possible des ventes immobilières, c'est toute une filière économique qui risque d'être touchée de plein fouet, allant des agents immobiliers à l'industrie des matériaux de construction, en passant par les promoteurs, tout le secteur du bâtiment, les diagnostiqueurs, etc. Autant dire des centaines de milliers d'emplois menacés !
Des mesures gouvernementales à la hauteur ?
Face à ce risque, la réponse du gouvernement consiste pour l'essentiel à desserrer l'étau du crédit, la facilitation de l'achat par les bailleurs sociaux de 30.000 logements en panne d'acheteurs chez les promoteurs ne pouvant au mieux qu'apporter un ballon d'oxygène temporaire à la filière de la construction.
Le déblocage du crédit est attendu par deux séries de mesures :
- celles de la loi de finances rectificative déposée le 13 octobre, autorisant l'Etat à apporter sa garantie aux banques dans leurs emprunts interbancaires et mettant sur la table 40 milliards d'euros pour recapitaliser celles qui pourraient ne pas tenir le coup,
- le relèvement des plafonds pour bénéficier des prêts PAS (Prêts d'accession sociale, amenant l'Etat à apporter sa garantie via le FGAS (Fonds de garantie de l'accession sociale) à une plus grande part des crédits immobiliers des ménages : 60% d'entre eux y deviendront éligibles contre 20% seulement actuellement...
Ces dispositions, qui engagent potentiellement des sommes considérables, seront-elles suffisantes ? En fait elles ne jouent que sur le refinancement des banques, ce qui est nécessaire : sans capacité pour elles de lever sur le marché interbancaire ou le marché financier les fonds qui leur font défaut depuis le recul des encours de l'épargne logement, pas de redémarrage du crédit. Mais pas forcément suffisant : deux autres facteurs freinent fortement les achats immobiliers : la hausse des taux d'intérêt, qui ont fait grimper les mensualités de remboursement, et la politique prudentielle des banques dans le contexte économique qui se profile...
Côté taux d'intérêt, les spécialistes s'attendent dans les semaines à venir à les voir rester stables, ou même se replier légèrement. Et ce suite à l'intervention des banques centrales, et notamment la Banque centrale européenne (BCE) qui le 8 octobre 2008, en coordination avec plusieurs grandes banques centrales occidentales et notamment la Réserve fédérale américaine et la Banque d'Angleterre, a baissé son principal taux directeur de 4,25 à 3,75%. Cette baisse entraîne pour les banques une attractivité moindre pour les capitaux placés en bons du trésor ou obligations d'Etat et une réduction du coût des sommes qu'elles empruntent auprès de la Banque centrale pour répondre aux demandes d'emprunts des particuliers et des entreprises. La décision des Etats, européens en particulier, de se porter garant de l'ensemble des prêts que s'accordent les banques entre-elles, en facturant le service, pourrait également tout en facilitant l'octroi de crédits atténuer aussi la hausse des taux d'intérêt.
Par contre, il n'est pas sûr que dans le climat actuel de début de récession, et de risque de baisse des prix de l'immobilier qui pèse sur la valeur estimée des biens donnés en garantie, soit pour un prêt hypothécaire, soit pour un prêt-relais, les banques se départissent de la prudence qu'elles ont adopté depuis le déclenchement de la crise des subprime, et ce malgré les incantations gouvernementales. "Aujourd'hui, les banques regardent le fonctionnement des comptes de dépôts sur les mois écoulés, l'activité professionnelle du demandeur, parfois la solvabilité de l'employeur, et s'assurent que le niveau d'endettement est strictement inférieur à 33%", indique Christophe Cremer, président du courtier Meilleurtaux, dans des propos rapportés par le site L'internaute. Selon lui, "près de 15% des demandes refusées actuellement auraient été financées il y a quelques mois". Et de citer plusieurs exemples de refus de financement confirmant la fébrilité des banques. Peu de chances de voir un dossier accepté sans un apport d'au moins 15% du montant du prêt, d'un revenu annuel inférieur à 50.000 euros et un seuil d'endettement de plus de 30%, indique Meilleurtaux...
Il est vrai que le niveau des mensualités de remboursement, augmentées par la hausse des taux et la réduction des durées des prêts proposés, n'est plus le même qu'il y a quelques mois !
Un marché déjà surévalué
Le "credit crunch" auquel on assiste et que l'Etat essaie de débloquer arrive par comble de malchance à un moment ou le marché semblait de l'avis d'une majorité d'observateurs avoir atteint un point haut. Il est donc peu probable qu'un redémarrage puisse intervenir sans une nette correction, même si celle-ci peut être en France inférieure à celle amorcée en Grande Bretagne, en Irlande ou en Espagne.
Dans une étude spéciale sur l'immobilier dans les principaux pays développés, le FMI tente de donner une estimation des "vrais prix" de la pierre, afin de déterminer quel est aujourd'hui leur potentiel de baisse. La quasi-totalité des pays industrialisés ont en effet été touchés par un phénomène de "bulle spéculative" entre 1997 et 2007, à quelques très rares exceptions, dont l'Allemagne, l'Autriche et la Finlande.
Selon le FMI, les prix des logements seraient actuellement trop chers de 20 à 30% au Royaume-Uni, en Irlande, en Australie, où la flambée avait été la plus intense. Dans un second groupe, incluant l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et la France, la surévaluation est comprise entre 10 à 20% (de 17 % pour la France). Pour le FMI, l'éclatement de la bulle ne fait plus de doute même si elle ne date que du premier semestre en Europe : le recul des prix est général, Suisse exceptée, allant jusqu'à 12 % au Danemark et près de 4 % en France depuis le début 2008.
Les économistes du FMI prennent en considération quatre sortes de facteurs qui concourent, selon eux, à l'établissement des "vrais" prix de la pierre : la croissance du revenu disponible par habitant, la population en âge de travailler, le crédit et le prix des actions en Bourse, le niveau des taux d'intérêt (à court et long terme). En regardant ce qui s'est passé entre 1970 et 2007, ils déterminent à quel niveau la valeur des logements devrait normalement s'établir, trimestre par trimestre. S'ils reconnaissent que la flambée des prix peut correspondre ici et là à des facteurs spécifiques - l'exemple donné des Pays-Bas, confrontés à une forte progression des ménages d'une seule personne, ce qui augmente artificiellement la demande de logements peut aussi s'appliquer à la France -, ils font également remarquer que les dérapages des années 1997-2007 s'inscrivent dans une longue histoire cyclique qui caractérise les économies développées.
Sans remonter au-delà de 1970, les économistes du FMI constatent que la durée moyenne des cycles immobiliers a été d'environ dix ans. Avec une phase d'expansion de six ans où les prix en monnaie constante ont augmenté d'environ 45%, suivie d'une contraction de quatre ans, où ils ont décliné d'environ 25%. Après les États-Unis, l'Europe serait donc entrée dans une "phase de correction" qui pourrait cette fois encore atteindre en moyenne 25% et s'étaler sur deux à quatre ans, selon le FMI, qui suggère que "les récessions associées à une chute des prix de l'immobilier et à un credit crunch sont toujours plus longues et plus profondes que les autres". C'est précisément ce que la France avait vécu en 1993, la pire année depuis la Seconde Guerre mondiale pour l'économie, note Le Figaro qui rend compte de l'étude du FMI...
Un ralentissement aussi dans la construction de logement social ?
Dans ce contexte, où l'extension du bénéfice des prêts PAS et l'injection de liquidités dans le marché interbancaire risquent de ne pas suffire à relancer l'accession sociale à la propriété, le gouvernement choisit aussi le pire moment pour restreindre, en raison de contraintes budgétaires qu'il s'est lui-même créées par sa politique fiscale de 2007, son engagement dans le financement du logement social, au risque de rendre encore plus difficile le respect du droit au logement opposable créé par la loi "DALO".
Dans le projet de loi de finances 2009, les crédits de paiement alloués à la mission "Ville et logement" sont en diminution de 6,2%. S'agissant du logement locatif social, les autorisations d'engagement accusent une baisse d'environ 30% et il est prévu qu'elles diminuent encore en 2010 et en 2011 d'après la programmation pluriannuelle présentée le 26 septembre. La ministre du logement avance la mise à contribution du "1% logement", cogéré par le patronat et les syndicats, arrachée après plusieurs mois de négociations difficiles entre Mme Boutin et les partenaires sociaux, qui se sont achevées dans la nuit du 9 au 10 octobre ; 850 millions d'euros par an seront prélevés sur la période 2009-2011 sur les fonds de la collecte et consacrés à trois grandes actions : 320 millions à l'ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine), qui s'ajoutent aux 450 déjà attribués chaque année par le "1 %", 480 millions à l'ANAH (Agence nationale de l'habitat) et 50 millions au plan de rénovation des quartiers anciens dégradés, prévu dans le projet de loi de mobilisation pour le logement et contre l'exclusion, en cours de discussion au Sénat.
Dans le même temps, le gouvernement multiplie les signes négatifs à l'égard du logement social comme du logement locatif privé : contre le premier, l'assouplissement prévu dans le projet de loi cité, emblématique autant que controversé, de l'article 55 de la loi "SRU" imposant aux communes un minimum de 20% de logements sociaux, assouplissement qui réduira dans certaines communes la mobilisation en vue de dégager du foncier pour la construction de nouveaux HLM ; contre le second la taxation à 1,1% des revenus fonciers pour financer le RSA (revenu de solidarité active) ! On voudrait décourager les investisseurs, déjà en nette diminution par rapport aux années précédentes, qu'on ne s'y prendrait pas autrement...
Et ce n'est pas la chimère des maisons à 15 euros par jour ou des appartements à 20 euros par jour qui compensera le recul de la construction pourtant nécessaire de logement locatif, et notamment celui pour les ménages les plus modestes : véritables "usines à gaz", ces opérations sous le dispositif du "Pass foncier", au montage complexe, et qui supposent de la part des bénéficiaires un endettement sur 40 ans, sont vouées, n'en déplaise à la ministre Christine Boutin qui semble y croire dur comme fer, à rester anecdotiques.
Un secteur économique sur le fil du rasoir
Du coup, avec un effort d'investissement dans l'immobilier locatif en régression et une accession à la propriété fortement ralentie, la menace d'une récession profonde de toute la filière de l'immobilier et du bâtiment n'est plus à exclure. Tout dépendra dans les prochains mois de l'attitude de deux acteurs majeurs du secteur, les vendeurs sur le marché de l'ancien et les banques : les premiers parce qu'ils sont susceptibles, s'ils acceptent - sous la pression notamment des agents immobiliers - un sacrifice sur les prix demandés, de resolvabiliser une bonne partie des acquéreurs potentiels, et les secondes parce qu'elles peuvent, maintenant qu'elles sont censées ne plus manquer de liquidités sur un marché interbancaire ou les échanges seront garantis par les Etats, refluidifier les marchés du neuf et de l'ancien, pour peu qu'elles baissent leurs taux d'intérêt et qu'elles desserrent un peu les contraintes qu'elles imposent aux emprunteurs...
(1) un sondage LH2 pour le site Explorimmo.com publié le 16 octobre indique que 58% des Français estiment qu'il est préférable d'attendre pour acheter un logement, dans le contexte actuel de la crise bancaire ; pour 61% d'entre eux, cette attitude est motivée par l'espoir "que les prix de l'immobilier baissent pour faire une bonne affaire", alors que seulement 12% pensent que "les banques ne proposent pas de crédit suffisamment intéressants" et que 9% estiment que "les banques n'accordent pas de crédit" (sondage réalisé les 10 et 11 octobre, par téléphone, auprès d'un échantillon de 1.002 personnes, représentatif de la population française, âgé de 18 ans et plus).
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