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Immobilier : le gouvernement impuissant face à la crise du logement en Ile-de-France Le 29/12/2010
UI - Actus - 29/12/2010 - Immobilier : le gouvernement impuissant face à la crise du logement en Ile-de-France
Interrogé sur Europe 1 le 26 décembre sur la nouvelle flambée de l'immobilier et les difficultés qu'elle crée à un nombre croissant de Français, notamment en Ile-de-France, le secrétaire d'Etat en charge du logement, Benoist Apparu a réitéré sa solution : produire plus de logements sociaux, et concentrer l'effort sur l'Ile-de-France. Voeu pieux déjà entendu. Quant aux moyens, silence radio ! La vacuité du discours cherche désespérément à masquer le désengagement budgétaire de l'Etat - mieux cibler les financements tombe bien en période de réduction tous azimuts des déficits - et l'absence de volonté d'agir sur le principal blocage de la construction de HLM dans la région : la pénurie de foncier. Dont sont responsables en première ligne les élus locaux de sa majorité, comme le montre le palmarès du non-respect des 20% de logements sociaux prescrits par la loi "SRU", une loi du 13 décembre 2000, aux communes à l'immobilier le plus tendu...

L'Etat démissionnaire



"Statistiques affolées, Français incrédules ou sidérés, pouvoirs publics - locaux ou nationaux - sans voix : l'envolée des prix de l'immobilier tourne à l'absurde. Ou au scandale". Ainsi commençait l'éditorial du Monde du 10 décembre. Le quotidien réagissait à la publication la veille de chiffres des notaires estimant la hausse des prix à près de 20% sur un an à Paris et de l'ordre de 10%, et beaucoup plus dans les communes de la petite couronne d'Ile-de-France. Même chose également dans des grandes villes de province, notamment Rennes, Nantes, Bordeaux, Lyon, Marseille, etc. Certes, Paris n'est pas la France, et bon nombre d'autres villes restent sages ou voient même les prix baisser quelque peu. Mais la contagion risque de se propager !

Dans cette situation, que fait le gouvernement ? Finies les envolées de la campagne présidentielle, le "tout est possible" et les objectifs de construction de 500.000 logements par an. Le "tous propriétaires" s'est avéré être un leurre : le taux de propriétaires n'augmente que dans les catégories aisées et très aisées, et recule depuis une décennie dans les autres, y compris dans les classes moyennes supérieures !

Forcé de reconnaitre l'échec de la politique suivie (moins de 300.000 mises en chantier en 2010, un des chiffres les plus bas des 20 dernières années), le sémillant et toujours dynamique secrétaire d'Etat en charge du logement, Benoist Apparu, change de slogan : "le problème n'est pas de savoir si on doit faire 400.000 ou 500.000 logements. Ce débat là est dépassé (...) Le problème principal de la politique du logement en France depuis 20 ans c'est qu'on n'a pas épousé les évolutions démographiques du pays, et qu'on continue à construire deux fois plus de logements par habitant en Auvergne qu'en Ile-de-France. Le vrai problème, c'est de se dire : où on les fait ?, et il faut les faire en Ile-de-France parce que c'est là que se concentre la problématique principale"...

Cela tombe bien ! Après avoir gaspillé des milliards en effets d'aubaine avec le crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt, accordé sans discernement, le gouvernement se rabat sur un prêt à taux zéro un peu élargi (le "PTZ+") pour les seuls primo-accédants, et rogne sur tous les autres postes budgétaires, ponctionnant au passage les organismes HLM et les fonds du 1% logement. Désespérant de voir la construction privée régler seule le problème, il réaffirme que le logement social est prioritaire, mais en essayant de faire croire, comme pour l'éducation ou la santé, qu'on va faire mieux avec moins d'argent, un slogan à graver comme dirait Molière en lettres d'or sur la cheminée...

Concentrer les moyens sur l'Ile-de-France permettra-t-il au moins d'atténuer la crise dans la région ? Rien n'est moins sûr, car le levier sur lequel le gouvernement pourrait agir pour débloquer une construction de logements sociaux en panne, la mise à disposition de foncier, est assez largement gardé par les élus de sa propre majorité, qui pratiquent le "NIMB" ("not in my backyard", autrement dit "nous sommes pour les logements sociaux mais pas chez nous"), comme le montrent les statistiques de l'application de l'article 55 de la loi "SRU" du 13 décembre 2000...


Loi SRU : 38% des villes sont hors-la-loi



Voté il y a dix ans, ce texte impose aux communes de plus de 3.500 habitants (1.500 en Ile-de France) un quota de 20% de logements sociaux. Sous peine d'amende, en fait peu dissuasive : 152 euros par logement manquant. Beaucoup de communes concernées préfèrent la payer, le total infligé en 2010 s'élevant à 31 malheureux millions, après exonérations pour efforts consentis, à reverser au financement de la construction...

D'une part, l'amende ne peut dépasser 5% du montant des dépenses de fonctionnement de la commune. D'autre part, les communes peuvent déduire les dépenses liées au logement social, pour ne pas pénaliser les villes, qui partent de loin, mais qui expriment la volonté de rattraper leur retard jusqu'en 2020, date limite pour atteindre les 20%.

Malgré cela, selon une enquête publiée par le quotidien Libération, près de 351 communes sur les 931 soumises au dispositif n’ont construit aucune HLM en 2009. Entre 2002 et 2009, la commune de Saint-Maur-des-Fossés dans le Val-de-Marne, une des plus grosses de la région, n’a ainsi financé que 158 logements sociaux. Soit plus de 10% des objectifs initiaux. Sont aussi en cause Vincennes, Boulogne-Billancourt (malgré les immenses friches dégagées !), Le Perreux-sur-Marne, et en tête Neuilly-sur-Seine, qui compte actuellement 3,6% de logements sociaux, alors même que Benoist Apparu lui délivrait officiellement un satisfecit pour les efforts faits en vue de rattraper son retard... A noter que les élus de cette commune, au lieu de "la jouer discrète", ont poussé l'inconscience jusqu'à déposer un recours contentieux contre l'Etat pour revoir à la baisse les objectifs fixés par la loi SRU sur le logement social, et éviter ainsi de payer l'amende, de 3,3 millions d'euros...

Hors Ile-de-France on trouve aussi mis en cause Bordeaux et Nice. Paris est également épinglé : le taux de logements sociaux atteignait 15,9% début 2009, en progrès néanmoins par rapport aux 13,4% affichés en 2001. Cependant à y regarder de plus près, la volonté de la majorité municipale n'est pas en cause, mais celle des élus des arrondissements huppés de l'ouest et du centre, s'opposant pied à pied à tous les projets proposés. L'amende de 15 millions que la ville aurait du payer est néanmoins compensée par les investissements consentis qui s'élèvent à plus de 10 fois son montant, selon l'adjoint chargé du Logement, Jean-Yves Mano, démentant des informations parues dans la presse.

L'argument avancé par les "cancres", à savoir l'absence de disponibilité de foncier n'est que partiellement une excuse : d'après l'enquête de Libération, certaines communes s'en sortent très bien : à Paris et à Saint-Cloud notamment, les mairies compensent le déficit de foncier disponible en rachetant des immeubles existants qui sont ensuite transformés en logement sociaux. Ainsi Saint Cloud, qui ne dispose que de peu de friches, est passé de 10 à 16%.

Un durcissement de la loi "SRU", dont la majorité ne veut entendre parler, serait le seul moyen de débloquer la situation. Sauf alternance, on en est loin, les députés de droite ayant à deux reprises au moins tenté d'en réduire la portée, et n'ont reculé que devant le tollé provoqué dans les milieux sensibles au mal-logement...


Une région sinistrée...



Or une étude de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) d’Ile-de-France, présentée lors des 2èmes Assises de l’habitat francilien, du 7 au 9 décembre, organisées par l’Association des maires d’Ile-de-France, montre que les capacités financières de la majorité des franciliens ne leur permettent pas de louer à plus de 11 euros par m2 ou d’acheter un appartement à plus 4.000 euros par m2 : ces montants sont ceux qui permettraient à des ménages de classes moyennes de ne consacrer, en moyenne, pas plus de 26% de leur revenu (31% en incluant les charges) à des remboursements d’emprunts, et 18% (25% en incluant les charges) à un loyer. Ce ne sont que les taux d'effort maximum prescrits par les banques et les bailleurs lorsqu'il s'agit d'accorder un crédit ou consentir une location ! Or lorsque l’on teste l’hypothèse du prix moyen au m2 le plus élevé observé à Paris (6.250 euros/m2), les taux d’effort bruts moyens hors charges oscillent entre 31 et 51% selon la catégorie d’acheteur ! A 5.000 euros/m2, seuls les ménages qui disposent d’un apport élevé (47%) et dont les ressources sont supérieures aux plafonds PLS, supporteraient en moyenne un taux d’effort inférieur à 26%...

Dans ces conditions, seul le logement social, aujourd'hui cruellement déficitaire, peut remédier rapidement et efficacement à cette crise, en fournissant des capacités de logement immédiates et en desserrant l'étau qui fait monter les prix et les loyers. Selon la dernière enquête nationale Logement de l’INSEE (ENL 2006), analysée par l'IAU, l’application des plafonds de ressources en vigueur au 1er janvier 2010 montre que 89,4% (4,millions) des ménages franciliens sont éligibles à un logement social. 62,3% d'entre eux ont des ressources inférieures aux plafonds du prêt locatif à usage social (PLUS) et auraient vraisemblablement des difficultés pour se loger correctement s’ils ne bénéficiaient pas d’aides publiques. Une autre tranche de 27,1% disposent de revenus qui se situent entre les plafonds PLUS et les plafonds du prêt locatif intermédiaire (PLI) : moins dépendants des aides publiques, ils auraient cependant de réelles difficultés s’ils souhaitaient vivre dans le centre de l’agglomération.

Pour se loger, les presque 1,8 millions de ménages locataires à revenus modestes disposent d’une offre locative sociale de 1,080 millions de logements correspondant à leurs ressources, soit 61% des besoins de ce public. La situation est plus délicate pour les 454.000 ménages locataires à revenus moyens, pour lesquels les 125.000 logements intermédiaires disponibles (de type PLI, immeubles à loyers normaux, ILN, etc.) ne représentent que 28% des besoins. Exclus du bénéfice du parc social classique (PLA-I, PLUS) en raison de leurs revenus trop élevés, mais disposant de ressources inférieures à celles des accédants récents, ces ménages sont contraints à des choix résidentiels coûteux, lorsqu’ils achètent ou louent un logement sur le marché libre.


Une économie plombée



Tout cela, dira-t-on, a été aggravé par le crise économique générale ; or on nous jure que la reprise s'annonce et avec elle de nouvelles marges de manoeuvre ! Est-ce si sûr ? Fin décembre, les prévisions de croissance pour 2011 ont déjà été discrètement revues en baisse. Mais le plus grave est dans les perspectives d'évolution de l'emploi. Contrairement aux affirmations officielles, chômage et précarisation augmentent : les demandeurs d'emploi de la catégorie A, 2,7 millions (personnes sans aucun emploi tenues de faire des actes positifs de recherche), ont augmenté de 2% en un an, mais s'y ajoutent 1,3 millions des catégories B et C (personnes qui ont eu une activité réduite), portant le total à plus de 4 millions, en hausse de 5% en un an, et même de 6,6% si on y ajoute encore les catégories D et E (personnes inscrites mais en maladie ou en formation). Encore ne s'agit-il que de la France métropolitaine (il faut ajouter 253.000 demandeurs d'emploi dans les DOM) et ne sont pas comptés ceux qui ont renoncé à trouver un emploi et sont radiés de Pôle Emploi ! Ensemble on atteint largement les 5 millions...

Jean-Paul Delevoye, dernier Médiateur de la République, s'inquiétant des fragilités de la société française, de l'angoisse du déclassement et du surendettement de larges secteurs de la population, estimait à 15 millions le nombre de personnes pour qui "les fins de mois se jouent à 50 ou 100 euros près", en grande partie à cause du coût du logement et des charges induites !


Un risque pour la cohésion sociale



Ces difficultés se traduisent bien entendu dans le logement. A titre de confirmation, une étude réalisée par l’IFOP pour le site d'annonces Seloger (1) indique que 7% des Français s’estiment touchés par le mal-logement, et que 22% d'autres pensent pouvoir être touchés personnellement dans l'avenir par ce problème ; 24% disent connaitre dans leur entourage proches des personnes actuellement dans cette situation. Le mal-logement se définit d’après la Fondation Abbé Pierre par la privation de logement, les mauvaises conditions d’habitat et la difficulté d’accès à un logement décent.

Les aléas de la vie sont les premières causes invoquées, preuve que chacun peut être touché. Les personnes perçues comme les plus susceptibles de se retrouver touchées par le mal-logement sont les chômeurs (74%) et les travailleurs dont le salaire ne dépasse pas le SMIC (72%). Pour y remédier, les sondés se tournent d’abord vers l'Etat (77%) et les collectivités locales (73%), puis les propriétaires (49%) et les professionnels du logement (36%). D’ailleurs, 74% des Français sont même favorables à la réquisition des logements vacants.

Le président de la République, qui a fait du volontarisme politique son cheval de bataille, est étonnamment silencieux sur le sujet...


(1) étude réalisée du 18 au 23 novembre 2010 sur un échantillon national représentatif de 1001 Français âgés de 18ans et plus

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