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Economies d'énergie dans le parc immobilier existant : ne pas sous-estimer les freins ! Le 21/1/2011
UI - Actus - 21/1/2011 - Economies d'énergie dans le parc immobilier existant : ne pas sous-estimer les freins !
Si le gouvernement est sûr de gagner son pari concernant la construction neuve, où le coût de mise en oeuvre des objectifs de performance énergétique - 15-20% de surcoûts de construction dit-on - sera dilué dans celui du foncier et en fin de compte pris en charge par les acquéreurs, l'atteinte des objectifs du Grenelle de l'environnement est plus problématique dans le le bâtiment existant, et plus particulièrement dans le parc résidentiel des maisons et immeubles privés. A preuve le décollage raté de l'Eco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ), qui n'a concerné pour le moment que la maison individuelle et les propriétaires plutôt aisés, et qui révèle en creux les multiples difficultés du passage à l'acte...

Méconnaissance de la performance thermique actuelle



Premier obstacle dans la réflexion des propriétaires quant aux économies d'énergie envisageables, la connaissance des différents coûts énergétiques - chauffage, eau chaude, éclairage - et leur appréciation : fondus dans des factures souvent globales, notamment d'électricité, pour les propriétaires de maisons, dans un relevé de charges de copropriété pour les propriétaires d'appartements, il faut souvent un travail d'analyse "pointue" pour faire la part des différents postes et les situer par rapport à ce qu'ils pourraient être par rapport au type de construction, permettant ainsi d'estimer les gains qui pourraient être réalisés.

Pour les maisons, le diagnostic de performance énergétique (DPE) pourrait être un outil. C'est un état des lieux des caractéristiques thermiques du logement, et il met en exergue les points faibles du logement et préconise une liste de travaux d’amélioration utiles pour remédier aux défaillances thermiques. Le résultat, exprimé en kWh d’énergie primaire par mètre carré et par an, apparait sur une échelle graduée allant de l'étiquette énergie A (mois de 50 kwhep/m2.an) à l'étiquette G (> 450). Actuellement, en France, la consommation moyenne des logements se situe autour de 240 kwhep/m2.an, ce qui correspond à une étiquette E.

Obligatoire lors d’une vente, il doit être effectué par un professionnel certifié. Hors ce contexte, il représente un coût, et les propriétaires n'y pensent pas spontanément. De plus, ses résultats peuvent s'avérer décevants ou imprécis : la disponibilité des informations précises sur les consommations n'est que rarement assurée, et les calculs sont effectués à partir de modèles plus ou moins adaptés aux types constructifs auxquels on les applique...

Pour les copropriétés, c'est encore pire : un travail d'analyse doit être effectué sur les relevés de charges - recueil des factures, ventilation des éléments de charges, redressement au moyen des DJU (degrés-jours unifiés de la météo) pour tenir compte des variations de climat d'une saison de chauffe à l'autre, etc. - pour lequel les syndics n'ont pour le moment ni la formation - malgré la mobilisation de certaines fédérations professionnelles comme la FNAIM et l'UNIS - ni la disponibilité, en tous cas à grande échelle. Les conseils syndicaux et les copropriétaires sont appelés à la rescousse. Les associations telles l'ARC (Association des responsables de copropriété), très en pointe sur le sujet, mettent à leur disposition des "Eco-bilans" en "do it yourself", dont un "bilan énergétique simplifié et deux éco-bilans "eau" et "électricité" (1). Les fédérations professionnelles mettent à la disposition de leurs syndics adhérents le "Carnet de développement durable", mis au point dans le cadre du "Chantier copropriété" du "Plan bâtiment Grenelle", dans le même esprit. Une campagne nationale "Un éco-bilan pour tous" devait avoir lieu avec l'appui du "Plan bâtiment Grenelle", mais n'a pas vu le jour pour le moment suite au remaniement gouvernemental...


Multiplicité des approches techniques



Au delà, les propriétaires individuels, les copropriétaires et conseils syndicaux d'immeubles collectifs, et même la plupart des syndics de copropriété s'avouent un peu perdus quand il s'agit de déterminer les travaux envisageables et les hiérarchiser.

Pour les premiers, l'ANAH a édité un guide pratique des travaux de rénovation thermique les plus efficaces (2), abordant successivement les "classiques" comme l'isolation des combles et toitures, l'isolation des murs par l'intérieur ou l'extérieur, l'isolation des planchers, le changement du système de chauffage, ou le remplacement des fenêtres, et préconisant les meilleures associations de travaux.

Pour les copropriétés les choses sont plus complexes car elles dépendent du type de construction, des travaux déjà réalisés et de l'état d'entretien et de vétusté de l'immeuble et de ses équipements, notamment de production de chaleur et d'eau chaude. La loi "Grenelle II" du 12 juillet 2010 a créé pour les syndics des copropriétés dotées de chauffage collectif l’obligation dans les 5 ans à compter du 1er janvier 2012 de réaliser : soit un "diagnostic de performance énergétique" (qui n'a en fait rien à vois avec le DPE mentionné plus avant car concernant l'immeuble dans son ensemble), soit pour celles qui comportent plus de 50 lots (lots principaux ou tous types de lots confondus ?) et dont la date de dépôt de la demande de permis de construire est antérieure au 1er juin 2001, un "audit énergétique".

Ni l'un ni l'autre ne sont pour le moment définis : les textes d'application sont encore en chantier, mais par la force des choses ces diagnostics ou audits devront être rigoureux et approfondis, car la loi Grenelle II a créé derrière une deuxième obligation pour les syndics, d’inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires qui suit l'établissement d'un diagnostic de performance énergétique ou de l’audit énergétique "la question d'un plan de travaux d'économies d'énergie ou d'un contrat de performance énergétique". Tôt ou tard, les assemblées générales devront être saisies et les discussions s'annoncent animées !


Incertitudes sur les temps de retour



Le premier écueil auquel se heurtent ceux qui passent à l'acte est le choix des professionnels à qui s'adresser pour les études et le plan de travaux : seront-ils compétents, seront-ils indépendants des fabricants et prestataires - chauffagistes, fournisseurs d'énergie, entreprises de gros oeuvre ? Pour les particuliers en maison individuelle, le réseau des 235 "Espaces Info Energie" (EIE) déployé par l'ADEME (3) ou les Associations locales de l'énergie (ALE) mises en place par certaines communautés urbaines peuvent être d'un bon secours. Pour les copropriétés, les syndics membres de fédérations telles que la FNAIM auront accès à des partenaires sélectionnés ; les copropriétaires pourront aussi avoir accès aux sélections des associations de consommateurs telles l'ARC. Des plaquettes réalisées par l’ADEME sont disponibles en ligne, comme celle mise à jour en novembre 2010 sur la "Rénovation énergétique en Copropriété" (4).

La question cruciale sera aussi le temps de retour des investissements envisageables, et le niveau de confiance que les propriétaires ou copropriétaires pourront avoir dans les promesses des professionnels. Certains opérateurs proposeront des "contrats de performance énergétique" (CPE) : bien que des contrats de ce type aient déjà été pratiqués dans le passé par des chauffagistes, c'est en fait une nouveauté dans l'esprit de rénovations énergétiques plus ambitieuses. Des premières expériences - englobant des travaux sur le bâti et sur l'outil de production de chaleur et d'eau chaude - voient le jour dans l'immobilier tertiaire (bureaux et centres commerciaux) et dans le logement social. Leur négociation n'est pas simple et demande une grande technicité que les copropriétés et a fortiori les particuliers n'auront pas.

Une difficulté particulière résidera dans la nécessité de définir à la fois ce qui doit être mesuré avant et après travaux et comment on peut évaluer l'impact des travaux en neutralisant les paramètres extérieurs : climat, évolutions du mode d'utilisation du bâtiment et autres travaux réalisés simultanément. Les protocoles devront inspirer confiance à la fois à ceux qui commandent les travaux, à ceux qui paient les dépenses énergétiques et à ceux qui réalisent les travaux.

Les groupes de travail du "Plan bâtiment Grenelle", et notamment le "Chantier copropriété", et l'association "Planète copropriété" qui en est issue ont identifié l'utilité d'un nouveau métier à inventer : l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO). Un groupe de travail "Innovations" préconise une variante : la création d'un nouveau métier d' "intégrateurs de services à la performance énergétique". Ces derniers devront fournir la préconisation des travaux à réaliser, un plan de financement, la sélection des entrepreneurs, et le suivi des consommations. En fait, l'offre globale mais avec en plus une garantie totale de résultat se traduisant par un engagement contractuel.

Problème : il s'agit d'un intervenant de plus, s'ajoutant au maître d'oeuvre, et aux bureaux d'études et de contrôle éventuels, qu'il faut rémunérer, et les solutions qui évitent un alourdissement des coûts d'investissement ne sont pas encore trouvées...


Des aides et financements complexes et éparpillés



Aides et financements ne manquent pas, mais là aussi ne règne pas la simplicité :

- aides fiscales : le crédit d'impôt développement durable pour la résidence principale ; il est de plus en plus "raboté", mais permet de récupérer encore de 13 à 36% du coût de certains équipements ;

- l'Eco-prêt à taux zéro
(ou Eco-PTZ)
: il permet de financer jusqu'à 30.000 euros de travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique d'une maison ou d'un immeuble collectif (dans ce cas il finance la quote-part du copropriétaire des travaux sur les parties et équipements communs ainsi éventuellement que des travaux dans le logement privatif).
Les opérations sont éligibles : si elles mettent en oeuvre un "bouquet de travaux", d'au moins deux types ;

- subventions de l'ADEME, en général aux études et diagnostics, plus rarement aux travaux

- les aides de l'ANAH, sous conditions de ressources (travaux subventionnables jusqu'à 20.000 euros HT, taux de subvention de 20% pour les ménages aux ressources modestes et de 35% pour les ménages aux ressources "très modestes". A ces aides s'ajoutent celles du programme national "Habiter Mieux" de lutte contre la précarité énergétique, également sous plafonds de ressources ;

- les aides prévues localement, du conseil régional (région), du conseil général (département), ou des communes ou EPCI (communautés de communes, communautés urbaines, communautés d’agglomération) ;

- les aides dites "sociales" pour les propriétaires occupants modestes : celles des centres communaux d’action sociale (CCAS), des caisses de retraite principales (soit retraité du régime général de la Sécurité sociale ou d’autres régimes spécifiques), des caisses de retraite complémentaires (ARRCO, AGIRC…), de la Mutualité sociale agricole (MSA), ou des caisses d’allocations familiales (CAF).

Par ailleurs, les prêts bonifiés peuvent constituer dans certains cas un complément financier : différents organismes peuvent les proposer : les "Sacicap" (Crédit immobilier de France), les collectivités locales, les caisses de retraite, la MSA...

Sans oublier les "Certificats d'économie d'énergie" (CEE) : les grands fournisseurs d’énergie (que la loi appelle les "obligés") doivent, en application des directives européennes prises dans le cadre de l'application des accords de Kyoto, faire faire des économies à leurs clients selon des objectifs qui viennent d'être fixés pour une deuxième période triennale 2011-2013. Ceux qui ne rempliront pas leur objectif devront "acheter des économies" réalisées par d'autres ; un consommateur tel qu'une copropriété qui fait des travaux d'économie pourrait théoriquement se faire délivrer des certificats les attestant et les "vendre" aux "obligés" qui en ont besoin pour éviter de payer d'importantes pénalités. Il y a donc un "marché" des kWh économisés qui va devenir de plus en plus actif et où les certificats vont prendre de la valeur au fur et à mesure que les objectifs deviennent plus contraignants.
Dans la pratique c'est un peu plus compliqué : depuis la mise en place de la seconde période de ce dispositif, suite à la loi Grenelle II, les CEE ne sont plus accessibles directement aux copropriétés ; elles doivent négocier la "valorisation" de leurs économies avec leurs fournisseurs ou les collectivités locales. Il se met en place également des "courtiers" qui peuvent négocier pour leur compte cette valorisation contre rémunération... Se posera par ailleurs le moment venu le problème de la connaissance de la valeur de marché des certificats : les intervenants dans le dispositif joueront-ils spontanément la transparence ?

A noter que les propriétaires de maisons individuelles peuvent aussi en bénéficier : soit directement de la part de leur fournisseur d'énergie qui peut proposer des "primes" pour travaux d'économie d'énergie, ou via les chaînes de grande distribution telles leclerc et Auchan (d'autres suivront certainement) qui offrent des primes pour l'achat d'équipements tels que pompes à chaleur, chauffe-eau solaires, etc.

Le problème est la complexité de tous ces dispositifs et l'absence de guichet unique comme cela se pratique notamment en Allemagne : il faut savoir où aller les chercher, monter des dossiers souvent complexes, combiner plusieurs types de travaux en une fois, ce qui suppose un audit et des études rigoureuses, et un volontarisme à toute épreuve, pas vraiment de mise par les temps actuels... Difficulté supplémentaire en copropriété : l'essentiel des travaux est collectif et les financements individuels, rendant nécessaire une information et une coordination que peu d'acteurs - syndics et conseils syndicaux - sont à ce jour prêts et à mettre en oeuvre.


Le poids du dilemme : pour gagner de l'argent, il faut en dépenser...



Devant des dépenses certaines et immédiates et des bénéfices futurs plus hypothétiques, le choix de l'attente est le plus fréquent. d'autant que les approches, techniques, méthodologies et compétences - voire nouveaux métiers - sont encore loin d'être à maturité ! Les énergies sont encore bon marché, l' "Eco-taxe" est pour le moment aux calendes grecques, et l'attention portée à l'étiquette énergétique par les acquéreurs et candidats locataires encore récente. Certes, les maisons énergivores ou les appartements dans des immeubles "passoires thermiques" vont progressivement décoter par rapport aux "BBC" (bâtiments basse consommation), neufs ou anciens rénovés qui vont se multiplier. Mais beaucoup plus lentement dans les zones de marché immobilier ou locatif "tendu", où les prix et les loyers sont tirés par une offre insuffisante !

Les forums Internet tels que celui d'Universimmo témoignent à longueur de sujets du scepticisme - voire même de la méfiance - ambiants, qui tranchent avec le volontarisme affiché par les animateurs du "Grenelle" ! Le pessimisme actuel des français n'aide pas non plus à faire des paris sur l'avenir. L'Etat, qui réduit les moyens et s'épuise à proposer des "usines à gaz", devrait en tenir compte et s'alerter peut-être plus qu'il ne le fait des premiers échecs tels que celui de l'Eco-PTZ, en ne l'attribuant pas à la seule crise économique...



(1) ARC - La boîte à outils des écopropriétés : Bilan énergétique simplifié
d° bilan "Eau"
d° bilan "Electricité"

(2) ANAH - Les Guides pratiques - décembre 2010 : "Les travaux de rénovation thermique les plus efficaces"

(3) www.infoenergie.org

(4) ADEME - Novembre 2010 Rénovation Energétique en Copropriété

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