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Logement et immobilier : terrible aveu d'échec du quinquennat de Nicolas Sarkozy Le 3/2/2012
UI - Actus - 3/2/2012 - Logement et immobilier : terrible aveu d'échec du quinquennat de Nicolas Sarkozy
S'il est un domaine où le président de la République sortant a commencé à reconnaître ses erreurs, c'est bien la politique à l'égard du logement et de l'immobilier : le 2 février à Longjumeau, défendant sa mesure d'augmentation temporaire de la constructibilité des terrains, il a tourné le dos à ce qui devait faire "une France de propriétaires", le crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt, le "Scellier", puis le prêt à taux zéro pour tous... La veille à la Fondation Abbé Pierre, Henri Guaino, conseiller spécial du président avait reconnu que la défiscalisation avait été "une erreur" et qu'elle avait "fait beaucoup de dégâts" ! Finies les subventions massives, qui n'ont fait que pousser les prix et les loyers à la hausse, désormais il faut faire mieux sans argent, au risque de jeter le logement social avec l'eau du bain...

Tout et son contraire...



Lorsque Nicolas Sarkozy a annoncé dans sa campagne, puis appliqué dans le cadre de la loi "TEPA" du 21 août 2007 le crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt pour l'acquisition de la résidence principale, les économistes et la communauté de l'immobilier ont été unanimes pour considérer que la mesure, dont le coût a atteint jusqu'à 1,5 milliard par an et continuera à coûter jusqu'à extinction des échéanciers, n'était qu'un cadeau fiscal sans réel effet de solvabilisation au moment de la conclusion d'un achat. Reconnaissant l'erreur, il le remplaçait en 2011 par un nouveau prêt à taux zéro, le "PTZ+", plus généreux et sans conditions de ressources.

Une crise financière plus tard, il n'est plus question aujourd'hui de subventionner la pierre : "Parce que le marché de l'immobilier est en pleine surchauffe. Le secteur du logement a absorbé une masse considérable d'argent au cours des dix dernières années, qui n'a fait qu'alimenter la spéculation", a-t-il notamment reconnu le 2 février à Longjumeau, la ville dont sa ministre - entre autres - du logement est maire. Restriction au neuf du "PTZ+" et mise sous conditions de ressources, arrêt du régime "Scellier" qui a conduit à subventionner à grands frais la construction de logements là où ils n'étaient pas nécessaires. La seule génération des 51.000 logements Scellier et Scellier intermédiaire créés en 2009 coûtera à l'Etat 2,8 milliards d'euros, en valeur actualisée, sur la période 2010-2025, soit environ 60.000 euros par logement !.

A présent c'est machine arrière toute ! Y compris dans le financement du logement social : le gouvernement peut faire "cocorico" avec les 124.000 logements locatifs sociaux financés en 2011, le secteur bénéficiait encore de la manne du plan de relance et des réserves accumulées par les organismes HLM. Il n'est pas sûr que même l'objectif pour 2012 de 120.000 logements financés soit réalisable : le monde HLM subit de plein fouet l'augmentation de la TVA sur les travaux d'entretien (les sociétés d'HLM non assujetties à la TVA ne la récupèrent pas), et peut-être bientôt la "TVA sociale" qui ne sera pas compensée par la baisse des cotisations, les ponctions sur le 1% pour le financement de l'ANAH et la lutte contre l'habitat indigne, une ponction sur leurs fonds propres, la baisse drastique du budget de l'Etat pour le financement de la construction, la fin annoncée des subventions de la rénovation urbaine et du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), la difficulté d'augmenter les loyers en raison de la précarisation croissante de ses locataires et du plafonnement des aides à la personne, la montée des impayés, etc. Sans mesures fortes comme la mise à disposition de foncier à coût maîtrisé ou sur bail emphytéotique (puisque les aides à la pierre ne sont plus dans les moyens de l'Etat), c'est pratiquement la moitié de la capacité d'autofinancement des organismes qui se voit ainsi amputée.

La candeur du président et son côté "café du commerce" sont confondants ! Ainsi sur les prix, dans son discours de Longjumeau : "Je sais que cela ne fait pas toujours plaisir quand je dis cela et pourtant c'est la vérité. Dans tous les pays du monde, quand il y a une crise économique, le prix du logement baisse. En France, quand il y a une crise économique, le prix du logement monte. Et cela n'est pas normal." Et de poursuivre : "Les prix ont doublé depuis 2000, voire triplé dans certaines zones tendues. La vérité, c'est qu'aucune région n'a été épargnée par la hausse. On voit bien ce que cette situation est ubuesque. Les prix de l'immobilier ne peuvent pas durablement croître plus vite que le revenu des ménages. C'est très bien pour ceux qui les vendent mais pour ceux qui ne peuvent plus les acheter, où va-t-on ?"

Dans le même discours, sur l'effort public pour le logement : "la production de logements a augmenté mais elle n'a pas augmenté dans les mêmes proportions que les prix et les subventions. On construisait 330.000 logements par an en 2000, on est à 420.000 aujourd'hui [en fait 396.000 en 2011 (NDLR)]. C'est 30% de plus. Mais je vous ai dit : les crédits ont doublé, voire triplé. Donc on double les crédits, on triple les crédits et on a 30% de logements en plus. Qui profite de cela ? Où passe la différence ? Si les prix de l'immobilier continuent à monter, cela veut dire que nous allons continuer à mettre de l'argent public dans les prêts à taux zéro, mais cela va solvabiliser qui ?"

Bref, le nouvel ennemi ce sont les prix : mieux vaut tard que jamais, car cela fait plus de dix ans qu'ils flambent ! Il faut désormais tout faire pour les faire baisser et arrêter d'endetter les Français (il y a quelque temps il trouvait qu'ils ne l'étaient pas assez...) ! Baisse des charges patronales pour la construction, grâce à la TVA sociale, et augmentation de la constructibilité des terrains de 30% : si un promoteur peut construire 30% de plus de logements sur le même terrain, forcément le prix des appartements va pouvoir baisser en proportion...


Nouvelles mesures : amateurisme et improvisation



Le problème est que tout cela n'est pas si simple : d'abord parce que sans mesure de régulation, l'augmentation du nombre de logements constructibles renchérira immédiatement le prix des terrains, véritable aubaine pour les propriétaires, laissant les promoteurs avec un coût du foncier par logement construit inchangé. L'on sait en effet que le prix des terrains constructibles s'établit "à l'envers", à partir du prix de vente maximum auquel les promoteurs peuvent vendre les logements constructibles, et après déduction d'une marge bénéficiaire normale de l'ordre de 30% et du coût de construction moyen de ces logements ; c'est le cas pour les propriétaires privés, mais aussi dans la pratique pour les terrains vendus par l'Etat ou mis à disposition par les collectivités, ceux-ci les vendant aux promoteurs au prix du marché calculé de la même manière.

Autre cause de maintien des prix du neuf malgré la baisse des charges patronales dans la construction : la hausse de TVA annoncée par ailleurs dans le cadre du projet de TVA sociale : pas sûr que les promoteurs acceptent de la prendre en charge dans leur marge alors que le coût de la construction va déjà être impacté par les nouvelles contraintes de performance énergétique (BBC 2005 puis 2012)...

Quant aux prix de l'ancien et aux loyers, d'ici à ce qu'ils soient tirés à la baisse par une inondation du marché en logements nouveaux, la crise du logement que dénonce une fois de plus la Fondation Abbé Pierre a de beaux jours devant elle. En effet, ces nouveaux droits à construire pourront-ils être réellement utilisés là où l'on veut détendre le marché : à l'évocation d'une étude d'impact de la mesure prévoyant la construction de 40.000 logements supplémentaires par an dès l'entrée en application, c'est à dire dans quelques semaines, la réaction des promoteurs, qui auraient dû normalement s'en réjouir, a été sans appel : selon eux, l'effet ne pourra être que très marginal, ayant déjà du mal dans les zones tendues comme l'Ile-de-France à utiliser à 100% leurs droits actuels de constructibilité sur les terrains disponibles, les maires leur imposant des limitation de hauteur, de gabarit, et les limitant même dans le nombre de logements créés faute de moyens pour faire suivre les équipements collectifs qui doivent accompagner tout accroissement de la population (écoles, équipements sportifs et culturels, etc.).

Autre question : pour qui pourraient être créés ces 40.000 logements, alors que les investisseurs désertent le logement locatif faute de rentabilité (pour les institutionnels) et d'incitations fiscales (pour les privés) suffisantes, et que les primo-accédants souhaitant acheter pour se loger voient leur capacité de financement réduite par la hausse des taux d'intérêt et la politique d'octroi des crédits immobiliers de plus en plus restrictive des banques ? "Aujourd'hui, avec la hausse des taux d'intérêt, la mensualité des Français, à achat équivalent, a augmenté de 14% en un an", indique Alain Dinin, président du n°1 Nexity, laissant entendre que sans baisse des prix, il n'est pas certain qu'il y ait suffisamment d'acquéreurs solvables pour ces logements supplémentaires. En témoigne déjà la chute des ventes dans le neuf amorcée depuis la mi-2011, et qui s'accentue fortement en 2012 !


Les lobbies en action



Hausse de la constructibilité, libéralisation de l'urbanisme qui devient un "leitmotive" ("nos règles d'urbanisme sont tellement compliquées que plus personne n'y comprend rien. Il faut voir d'ailleurs, dans les communes, les spécialistes qu'on doit embaucher pour faire appliquer un plan d'occupation des sols qui est d'une complexité extravagante"...), on sait qui est derrière : le BTP, les promoteurs, qui pestent depuis longtemps contre les contraintes que leur imposent le Code de l'urbanisme et autres lois littoral ou montagne. L'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), qui représente le lobby des propriétaires privés n'est pas loin d'autres "idées choc" que l'on a déjà vu apparaître dans les propos présidentiels ou qui sont en réserve pour la campagne qui s'ouvre : la baisse des plafonds de ressources pour avoir accès ou pour rester en HLM - le logement social concurrence le parc locatif privé dans de nombreux secteurs moins tendus que la région parisienne -, création d'un "droit à l’achat" pour les locataires de logements sociaux (toujours l'idée de désengager l'Etat et donc le contribuable du financement des HLM), création d'un "bail gagnant-gagnant" : les locataires accepteraient un statut plus précaire, moins de protections en échange de loyers minorés, et des expulsions accélérées en cas d'impayés...

Pas question par contre d'envisager un encadrement des loyers dans les zones tendues : les propriétaires n'en veulent pas et le sujet est évacué au moyen du spectre de la loi de 1948 : "Si on fait l'encadrement des loyers, c'est très simple, plus personne ne louera, et plus personne ne construira", a déclaré le 29 janvier Nicolas Sarkozy sur 6 chaînes de télévision. "C'est exactement le contraire de ce qu'il faut faire. Ca n'a marché nulle part, même à l'époque de l'Union soviétique" ! Alors qu'il ne s'agit pas de loyers administrés dans les propositions des candidats de gauche, qui se réfèrent à un encadrement ...à l'allemande !

Outre-Rhin les loyers sont encadrés par un dispositif appelé le "miroir des loyers", adopté en 1973 à Cologne entre une association de propriétaires et de locataires, et étendu par la suite à la plupart des villes allemandes. La liberté de fixation du loyer est la règle, mais le locataire peut se tourner vers le juge s'il estime que le loyer qu'il a accepté est supérieur de 20% aux loyers pratiqués pour des logements équivalents. Si cette action est entreprise ultérieurement, le locataire pourra récupérer les indus au maximum sur les trois dernières années. Le système du "miroir des loyers" permet d'établir des fourchettes de loyers dans chaque ville en fonction d'un certain nombre de critères comme la qualité du quartier, la taille du logement, le niveau d'équipement ou encore la date de construction. Constitué d'une banque de données révisée annuellement, il donne la photographie exacte des loyers pratiqués. "Chacun des "länder" fixe un loyer maximum sur une moyenne par quartier, explique Bernard Vorms, directeur général de l'ANIL, l'agence nationale pour l'information sur le logement, dans une étude réalisée sur le marché locatif allemand.

"Il est vrai, et je demande à Nathalie Kosciuko-Morizetet à Benoist Apparu de réfléchir à cela, que les Allemands ont mis en place un système pour bloquer les loyers qui sont supérieurs de 20% à la moyenne au moment de la relocation. Autant je suis opposé au système généralisé du blocage des loyers, autant s'il y a des abus, c'est le rôle de l'Etat d'empêcher ces abus", a concédé le 2 février le pas encore candidat, probablement gêné par cette référence imprévue à l'Allemagne qu'il vante tant ces temps-ci...


Les bonnes promesses oubliées



S'il est des promesses de 2007 qu'on ne regrettera pas, comme celle dans l'objectif de la "France de propriétaires", de garantir les crédits immobiliers de ceux qui ne seraient pas acceptés par les banques en raison de revenus insuffisants ou trop précaires (les subprime aux Etats-Unis n'ont pas été autre chose), il en est une qui faisait consensus et qui s'est enlisée pitoyablement : la "GURL" ou garantie universelle des revenus locatifs. "Aujourd'hui, les locataires doivent verser un dépôt de garantie qui s'élève à deux mois de loyer et qui s'ajoute au premier mois de loyer versé. Le plus souvent, s'y ajoute en outre l'obligation de présenter une caution", s'insurgeait Nicolas Sarkozy lors de son discours de Vandoeuvre-lès-Nancy le 11 décembre 2007. "Pour un jeune ménage ou pour un salarié précaire, ces obligations peuvent constituer un obstacle à l'accès au logement. C'est pourquoi, comme je m'y étais engagé pendant la campagne, nous allons réformer le dépôt de garantie et la caution. S'agissant du dépôt de garantie, le projet de loi pour le pouvoir d'achat demain matin prévoit de le plafonner à un mois de loyer. S'agissant de la caution, d'ici à la fin de l'année, l'État va apporter sa garantie financière pour que les risques d'impayés de loyers de toutes les personnes à faibles revenus puissent être couverts par une "garantie des risques locatifs". Mais je veux un système plus ambitieux encore. Je souhaite que soit mise en œuvre une assurance contre les risques d'impayés de loyers qui concernent l'ensemble des propriétaires et des locataires. En mutualisant les risques pour tous, on en réduira le coût pour chacun. La caution pourra disparaître. Elle n'aura plus de raison d'être."

Le dépôt de garantie a été réduit à un mois, mais la caution n'a disparu que pour les propriétaires qui souscrivent une assurance contre les impayés ; surtout, la garantie des risques locatifs (la "GRL") n'est pas devenue "universelle" (obligatoire) et du coup, l'insuffisance de mutualisation des risques n'a pas permis de réduire les primes. Pire, le gouvernement, qui choisi l'option assurantielle, s'est heurté au lobby des assureurs qui ont boycotté la formule, et continué à promouvoir leurs formules classiques de garantie loyers impayés (GLI), qui imposent aux propriétaires et aux administrateurs de biens une forte sélectivité dans le choix de leurs locataires. Ni Christine Boutin, la première ministre du logement, ni son successeur Benoist Apparu n'ont voulu ou n'ont su leur tenir tête. Il a également subi, sans oser passer outre, la résistance du lobby des gros propriétaires privés, qui préfèrent mutualiser leurs risques eux-mêmes ou qui les maîtrisent par une sélectivité draconienne, laissant sur le carreau les candidats qui ne présentent pas les garanties nécessaires. L'UNPI réclame certes depuis des années une garantie universelle, mais à condition qu'on fasse payer les locataires...

Force est de constater que sur ce point comme sur les autres, le premier quinquennat de Nicolas Sarkozy aura laissé beaucoup d'espoirs déçus et de chantiers en plan ! Il aura aussi coûté beaucoup d'argent public, dépensé en vain faute de vision économique et de cohérence dans les choix. Une politique globale et volontariste est plus que jamais urgente, la situation du logement s'étant singulièrement aggravée en 5 ans, et pas seulement à cause de la crise économique...


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