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Agents immobiliers : pourquoi il faut que tout change pour que tout reste comme avant ? Le 1/4/2012
UI - Actus - 1/4/2012 - Agents immobiliers : pourquoi il faut que tout change pour que tout reste comme avant ?
Pendant plus d'une décennie, Internet n'a fait que révolutionner les supports d'annonces, déjà bouleversés par le minitel au cours de la décennie précédente. Les agents immobiliers ont mis longtemps à s'emparer de cet outil et à en faire le coeur de leur relation avec le client. Aujourd'hui encore ils restent dans leur écrasante majorité centrés sur l'agence en dur, et la vitrine. Et ils voient d'un oeil inquiet se développer les "agences en ligne", et surtout les réseaux de mandataires indépendants fédérés par... un site Internet. Pourtant, pour révolutionnaires qu'ils soient, ces nouveaux modes de fonctionnement n'ont pas changé une caractéristique fondamentale de la profession : elle reste une profession de vendeurs, et personne ou presque ne s'occupe des acquéreurs...



Suite de la 1ère partie : "Agents immobiliers : décriés et indispensables ?"


Les nouvelles formes d'exercice du métier d'agent immobilier



Deux types nouveaux d'exercice de la profession d'agent immobilier sont apparues grâce à Internet : les agences en ligne, et les réseaux de mandataires indépendants.

Les premières, type Efficity, la plus connue, ou plus récemment Neo Avenue, recrutent leurs clients par Internet au moyen d'un référencement efficace, et pratiquent le "low cost" grâce à leur absence de charges de vitrine et de locaux bien placés, donc chers. Pour le reste, leur fonctionnement est celui de toute agence immobilière...

Les seconds, qui se multiplient actuellement, vont plus loin : l'agence immobilière est remplacée par une structure juridique titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier, qui opère un site Internet, et fait travailler plusieurs centaines - voire milliers pour les deux principaux réseaux, Capifrance et Optimhome, rachetés récemment par le groupe Pinault - de mandataires sous statut d'agent commercial. Ce sont des négociateurs comme ceux qu'emploient les agents immobiliers traditionnels (60-70% des négociateurs des agences ne sont pas en fait des salariés), mais ils ne sont rattachés à aucune agence physique : ils travaillent de chez eux et lorsqu'une transaction est conclue, ils font signer les parties chez un notaire et perçoivent 70 à 90% de la commission (contre 45 à 55% dans les agences classiques). Système éminemment rentable pour les structures centrales qui exploitent ces réseaux car, en plus de percevoir une part de la commission, elles font en général payer aux mandataires inscrits un forfait mensuel pour l'utilisation du site Internet...

A ces deux nouveaux modes d'organisation s'ajoute un nouveau métier original, le courtage en agences immobilières, incarné essentiellement par deux "start-up" : Drimky et surtout Meilleursagents.com : ils proposent une information très riche et de qualité sur le marché, notamment francilien, permettent à un vendeur de tester le marché, et pratiquent le courtage : Meilleursagents sélectionne deux agents immobiliers qu'il fait travailler en co-exclusivité, à taux de commission réduit (4%)...

Difficile de savoir cependant quel est l'impact réel de ces nouvelles formes d'exercice : les réseaux de mandataires indépendants annoncent des chiffres d'affaires moyens assez faibles par négociateur, laissant deviner qu'une bonne partie de leurs effectifs sont composés de profils "desperate housewifes" exerçant à titre très accessoire. Pour les agences en ligne et courtiers, les chiffres d'affaires ne sont pas publiés...


Quand les notaires et les avocats s'y mettent aussi



Comme si cela ne suffisait pas, les notaires, depuis longtemps tentés par l'activité d'entremise immobilière et prenant en province, bon an mal an, un petit dixième du marché des transactions, deviennent plus agressifs avec notamment la mise en place par le Conseil supérieur du notariat de la Vente Notariale Interactive (VNI), récemment renommée "immo-Interactif" : il s'agit d’un appel d’offre en ligne sur internet dont le déroulement est orchestré et sécurisé par le notaire, avec la promesse de "vendre un bien immobilier en 45 jours en bénéficiant de toutes les garanties juridiques"... Début 2011, le site notarial Immonot.com (groupe privé Notariat Services) lançait une autre plate-forme de vente en ligne appelée "36H Immo", permettant la vente ou l’achat d’un bien immobilier en ligne également par un système d’appel d’offres (on ne parle surtout pas d' "enchères", activité réservée par les notaires...). Après quelques mois de fonctionnement, les opérateurs du site estiment que c’est un succès et annoncent que 80% des biens proposés à la vente ont trouvé un acquéreur dans les 36 heures que dure l'appel d'offres. Le nombre de ventes réalisées n’est cependant pas communiqué.

Encore plus nouveau : les avocats s’organisent aussi pour faire des transactions immobilières ! Depuis le 30 juin 2009, le Conseil de l’Ordre des avocats autorise ses membres à recevoir des mandats de vente ou de location de biens immobiliers et à exercer l’activité d’entremise dans les conditions proches de celles fixées pour les agents immobiliers par la loi "Hoguet", bien qu’ils n’y soient pas formellement soumis. Ainsi est née une nouvelle spécialité : l' "avocat mandataire en transactions immobilières". Le Conseil national des barreaux a mis à leur disposition un guide pratique et un modèle de contrat de mission qui tient lieu de mandat. Les avocats mandataires en transactions immobilières ont même leur site d’annonces et une association...


Les agents immobiliers traditionnels sur la défensive



Face à ces menaces, les agents immobiliers développant leur activité à partir d'une agence traditionnelle avec vitrine, ne restent pas inertes. Réseaux de franchise et fédérations syndicales ont mené un "blitzkrieg" (guerre éclair) victorieux contre la "loi Lefebvre" et son amendement enlevant leur efficacité aux mandats exclusifs, amendement qu'ils attribuent au lobby des réseaux de mandataires depuis que des investisseurs proches du pouvoir s'y sont intéressés.

Il faut dire que toucher au mandat exclusif mettait en cause justement un des chevaux de bataille de la profession "traditionnelle", qui met en place patiemment des fichiers communs de mandats exclusifs sur le modèle des "MLS" (multiple listing system) américains ; ces fichiers, opérés par des associations locales, permettent d'augmenter la part des mandats exclusifs par rapport à celle des mandats simples : sur certains marchés d'agglomérations, les agents membres de ces associations (les associations "Amepi" mises en place en commun par la FNAIM et les principaux réseaux tels Orpi, Century 21, Era, etc. ou celles de la société "Imminence" en PACA) obtiennent jusqu'à 50% de mandats exclusifs quand le taux national est autour de 10-12%. Or la productivité d'un agent immobilier sous mandat exclusif est incomparable par rapport à celle sous mandats simples où les négociateurs s'agitent neuf fois sur dix pour rien !

Autre contre-attaque inattendue : parties dans un premier temps en guerre contre un projet de loi du gouvernement visant à encadrer les professions de l' "entremise et de la gestion immobilières", les fédérations d'agents immobiliers et administrateurs de biens UNIS et FNAIM, et les grands réseaux ont mis au point, à l'issue d' "Etats généraux des professions immobilières" organisés en 2010-2011, un "Livre blanc" qui demande plus d'encadrement et qui déborde même sur certains points le projet gouvernemental : renforcement des exigences en matière de compétences professionnelles à l'entrée dans les professions pour tous les acteurs, dirigeants comme collaborateurs, et obligation de formation continue une fois dedans, création d’un code de déontologie s'imposant à tous avec une commission nationale de discipline pour le faire respecter, création d’un Conseil des professions immobilières sur le modèle d'un "ordre" professionnel, etc. Et surtout imposition aux négociateurs sous le statut d'agent commercial des mêmes contraintes de compétence et d'encadrement que pour les titulaires de carte professionnelle : en exigeant d'eux une aptitude professionnelle et une formation continue, mais aussi en leur imposant une assurance de responsabilité civile obligatoire, la soumission aux règles déontologiques et aux sanctions disciplinaires correspondantes, ainsi qu’une territorialisation (départementale ?) de leur activité...

On l'aura compris, la meilleure défense étant l'attaque, sus aux agents commerciaux ! Avec le risque pour les agents "traditionnels" qui travaillent aussi avec des négociateurs sous ce statut d'avoir dans l'avenir du mal à recruter...

Enfin la défense s'organise aussi par l'activisme commercial : utilisation créative des réseaux sociaux, opérations de communication originale de la part de réseaux comme Century 21, Orpi ou Era avec des vidéos humoristiques ou décalées (voir aussi les vidéos de "l'immobilier selon Bernard" de l'UNIS), etc. Certains réseaux tels Solvimo (160 agences dans toute la France) poussent leurs adhérents à devenir experts immobiliers ; ce réseau a même conclu un partenariat avec le Centre national de l'expertise (CNE) et prend en charge près de la moitié du coût de la formation ; un autre réseau, Arthurimmo a fait de même et veut que 100% de ses membres exercent l'expertise immobilière...


L'acquéreur toujours laissé pour compte



Si les professionnels font preuve de créativité, ils restent fondamentalement des vendeurs : le mandat de recherche ne reste qu'un moyen pour eux de palier l'absence de mandat de vente : l'agent immobilier qui a repéré un bien qui convient à un acheteur, et qui n'arrive pas à se faire mandater par le propriétaire, va faire signer un mandat de recherche à l'acquéreur pour pouvoir le négocier.

Prendre un candidat acquéreur en charge et chercher pour lui les biens les plus adaptés qui peuvent lui convenir, recueillir pour lui toutes les informations nécessaires sur les biens présentés et pas seulement celles qui le servent - état réel et défauts , servitudes, projets urbains susceptibles de le dévaloriser, état réel de la copropriété, qualité de sa gestion, charges d'entretien et travaux à prévoir à court et moyen terme, etc. -, bref lui apporter l'assistance professionnelle nécessaire pour ne pas le laisser tromper par les apparences et lui faire évaluer le vrai coût d'entretien de ce qu'il achète : aucun prestataire ne fournit réellement ce service ! A l'exception des "chasseurs d'appartements", une poignée de professionnels au statut pas encore bien défini, et travaillant essentiellement pour une clientèle haut de gamme à Paris, sa banlieue ouest, et quelques métropoles "chic" en province... Certains ont fait le choix de se soumettre à la loi "Hoguet" et arborer une carte professionnelle, d'autres non, prétendant qu'elle ne les concerne pas. Même flou au demeurant quant à la rémunération, principal obstacle au développement de cette profession : rémunération fixe, au temps passé ou au résultat avec de surcroît la problématique du pourcentage, qui rend l'ardeur à la négociation peu crédible : une rémunération sans résultat est en principe interdite par la règlementation des agents immobiliers, et le principe "pas de transaction, pas de commission" fait courir le risque de travailler pour rien...

C'est pourtant dans ce domaine que les attentes et la frustration à l'égard des professionnels sont les plus importantes, comme le montrent tous les sondages ! Ruth Négri fondatrice de Coocoonhome.com, pense que l'avenir est dans les réseaux sociaux qui mettent en relation offres et demandes quelle qu'en soit l'origine, particulier ou professionnel (Coocoonhome.com se veut réseau social spécialisé dans l'immobilier) : "nous sommes à l’aube de la prochaine métamorphose que l’immobilier va connaître, l’ère du partage, de l’échange et de la transparence, grâce au Web 2.0", écrit-elle dans un de ses derniers éditoriaux. "Ce nouveau Web offre à tous la possibilité de communiquer librement ensemble. Il permet aux particuliers d’accéder facilement aux professionnels, sur lesquels ils peuvent s’appuyer pour réussir leur projet, d’acheter leurs services sur mesure et de rendre leur bien disponible aux agences. Enfin, il permet aux professionnels d’accéder à un véritable fichier commun qui comporte aussi le marché du particulier et l’utilisation ponctuelle d’un fichier commun quand il en a besoin pour ses clients. La profession n’a-t-elle pas plutôt intérêt à migrer vers ce décloisonnement où l’interdépendance entre les particuliers et les professionnels est la clé pour fluidifier le marché immobilier et participer au futur de ce beau métier ?", demande-t-elle notamment.

Point de vue utopique, c'est certain, mais qui sait...

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