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Immobilier : que révèle l’effondrement de la distribution de crédit au 1er trimestre ? Le 5/5/2012
UI - Actus - 5/5/2012 - Immobilier : que révèle l’effondrement de la distribution de crédit au 1er trimestre ?
Le volume de la "production de crédits immobiliers" (nombre de prêts accordés) est en chute libre : il est en baisse de 26,1% au 1er trimestre 2012 par rapport au 1er trimestre 2011, et de 30,8% par rapport au trimestre précédent ! L'essentiel des transactions immobilières s'effectuant à crédit, cet effondrement d'une brutalité sans précédent reflète l'état du marché immobilier - neuf comme ancien - de ce début d'année, après les anticipations visant à profiter de l'ancien régime d'imposition des plus-values, du "PTZ+" et du "Scellier" version 2011. Mais quelle en est véritablement la cause, et à quoi faut-il s'attendre après l'échéance électorale ?

Crédits immobiliers : vers une baisse de volume de 30% !



Après une reprise vigoureuse en 2010-2011, la croissance du marché du crédit immobilier avait commencé à décélérer dès juillet 2010. L’activité a décroché en août, plus fortement qu’à l’habitude durant les mois d’été, puis a continué à se replier rapidement dans l'ambiance de crise de la dette souveraine et de mise en place des plans de rigueur successifs. Si les octrois de crédits se sont repris à l'automne, c'est sous l’effet des anticipations de ventes (pour profiter l'ancien régime d'imposition des plus-values), et d'achats (pour profiter du prêt à taux zéro "PTZ+" et du régime "Scellier" version 2011, alors qu'on annonçait leur fin ou leur "rabotage" pour 2012 : fin du PTZ+ dans l'ancien, condition de ressources et plafonnement du prix au m2 dans le neuf, baisse drastique du taux de réduction d'impôt Scellier, etc).

Une fois passées ces anticipations, on s'attendait bien entendu à une baisse de régime, comme en 2011 après les celles de fin 2010. Mais cette fois, le "trou d'air" est nettement plus brutal. En volume, après correction de l’effet prix, la "production" (nombre de crédits accordés) du 1er trimestre 2012 est en baisse de 26,1% par rapport au 1er trimestre 2011 et de 30,8% par rapport au 4ème trimestre 2011. L'activité dans le neuf était déjà déprimée en 2011, elle a donc moins baissé (-11,7% en un an et -15,7% sur le dernier trimestre ; par contre, dans l'ancien, la chute est vertigineuse : -34,9% sur un an et -41,7% sur un trimestre, du jamais vu ! C'est le 2ème creux du "W" que craignaient beaucoup d'observateurs...

Les taux d'intérêt, qu'on disait appelés à remonter fortement ne sont pas en cause : hors assurance et coût des sûretés, ils ressortent à 3,92% en moyenne sur le trimestre, contre 3,89 % le trimestre précédent. Mais depuis mars la tendance semble s'inverser : en avril les mêmes se sont établis à 3,67%, en moyenne ; ils sont maintenant revenus à leur niveau du printemps 2011. La cherté du crédit n'est donc pas la cause du ralentissement du marché du crédit, qui reflète en réalité le ralentissement du marché. Il faut plutôt chercher vers une frilosité accrue des prêteurs, qui se traduit notamment par la hausse des taux d'apport personnel et par la baisse de la durée des crédits.

Ainsi la part de l'apport personnel par rapport au montant emprunté, en forte augmentation depuis 2009, confirme encore sa tendance à la hausse avec une augmentation de presque 3 points entre le 1er trimestre 2011 et le 1er trimestre 2012 (de 22,8 % à 25,6 %). Ces évolutions bouleversent évidemment les équilibres des plans de financement des opérations. Aussi, alors que la progression des coûts des opérations ralentit, les ménages réduisent leur recours à l'endettement.

Par ailleurs, au 1er trimestre 2012, la durée des prêts s'est établie à 212 mois : une diminution de 14 mois entre février et avril 2012 ! Elle a été encore plus rapide sur le marché de l'ancien : 218 mois en mars 2012 contre 223 mois en février et 226 mois en juillet 2011. Elle a diminué plus modérément dans le neuf et y reste élevée : 232 mois en mars 2012 contre 233 mois en moyenne en 2011).

Cause ou conséquence de ces phénomènes : le profil des acheteurs s'est transformé : ils sont moins jeunes - la part des emprunteurs de moins de 35 ans est passée de 52,4% en 2009 à 47,9% en 2012 -, et plus aisés : la part des "4 SMIC et plus" est de 36,4% contre 33,3% en 2009.

Ces tendances se sont poursuivies en avril, laissant penser que la dégradation du marché va se poursuivre : la production de crédits a de nouveau reculé (-9,5%).


Un marché immobilier bloqué ?



Le marché du neuf avait déjà ralenti dès le début de 2011 malgré le "PTZ+", sous l'effet des coup de rabot successifs au régime de défiscalisation "Scellier", qui l'avait dopé fortement en 2010. Depuis l’été 2011, le marché de l’ancien est aussi entré en récession. Beaucoup d'économistes, qui considèrent que le marché est largement surévalué : de l’ordre de 47%, a estimé The Economist dans un article publié fin mars 2012, de l’ordre de 25% en moyenne dans l’ancien, et de 35% à Paris selon les économistes du Crédit Agricole. L’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF), cité par Les Echos dans un article du 30 avril, illustre parfaitement cette surévaluation : sur le long-terme (depuis 1984), l’achat d’un logement en France représente en moyenne 3,2 années de revenu disponible (addition du revenus du travail et du capital, moins les taxes et impôts) pour un ménage. Actuellement, ce ratio a grimpé à 4,8 pour la province et à 12,4 pour Paris !

Nombreux sont ceux qui prédisent une baisse des prix drastique, notamment dans les secteurs qui se sont valorisés de manière excessive : les estimations varient d'un repli cumulé d’environ 12% entre fin 2011 et fin 2013 pour le Crédit Agricole, ou 15% sur la même durée pour l'agence de notation Standard and Poor's, à une chute de 40% pour le cabinet d’études économiques Primeview : qui annonce une "correction forte, durable et généralisée des prix de l’immobilier en France". "Un simple retour à la moyenne de long terme du ratio prix sur revenu signifierait une chute des prix de 7% par an pendant sept ans" explique-t-il dans une série d'articles signés notamment de Pierre Sabatier, un des cofondateurs. Ce ne serait selon lui qu'un simple retour en arrière sur les causes qui expliquent la déconnexion entre l’inflation, le revenu disponible moyen et les prix immobiliers à laquelle on a assisté ces dernières années.

Pour Primeview, deux facteurs permettent de la comprendre : l’augmentation de la capacité d’emprunt des Français et les aides fiscales gouvernementales. La baisse des taux d’intérêt proposés par les banques françaises et l’augmentation conjointe de la durée des prêts - passés en moyenne de 14 ans à plus de 20 ans - ont permis une augmentation de 92% de la capacité d’emprunt des Français. Depuis 2008, les aides fiscales (Scellier, crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, etc.) et le Prêt à taux zéro (PTZ) ont fait le reste.

Tous ces facteurs aujourd'hui disparaissent : la dégradation de la note de la dette souveraine française, en janvier dernier, ainsi que les nouvelles normes réglementaires dites "Bâle III", mettent une nouvelle pression sur les banques, qui ont déjà commencé à durcir les conditions d’octroi des prêts immobiliers et réduire la durée des prêts. Les aides fiscales sont fortement réduites ou en voie de disparition. Plus un autre phénomène, rarement cité jusqu'ici : le vieillissement de la population, qui va entraîner la mise sur le marché d’un grand nombre de biens, les ménages, à partir de l'âge de 58 ans, vendant plus qu’ils n’achètent. Bref autant de causes qui devraient avoir pour effet une baisse des prix, mais pas forcément le blocage du marché auquel on assiste !

Pas si simple, pour Michel Mouillart : la désolvabilisation des acheteurs ne conduit pas mécaniquement à une baisse des prix : autant les vendeurs potentiels ont savouré l'enrichissement que leur a apporté la hausse de cette dernière décennie, fortement accentué par l'effet de levier du crédit, autant ils sont prêts à résister à une baisse, tout simplement en ne vendant pas ! Du coup, les banques qui ne veulent pas avouer qu'elles ont durci les conditions d'octroi des prêts, ont tout de même partiellement raison quand elles expliquent la baisse du volume des crédits par une baisse de la demande. Les acquéreurs sont en effet de deux types : il y a les "primo-accédants" qui sont désolvabilisés par le niveau des prix et qui en sont à renoncer même à s'engager dans l'étude d'un projet, et il y a les "secondo-accédants" qui n'achètent que grâce à la vente d'un bien, et dont une grande part renonce à vendre plutôt qu'à baisser son prix. Ils ne sont alors ni vendeurs ni acquéreurs, ce qui conduit au gel des opérations...

Comme il ne faut pas attendre d'un gouvernement à venir une reprise de la politique de soutien sur fonds publics, seule l'inflation, par son effet sur les revenus, est de nature à débloquer la situation, en absorbant progressivement leur retard accumulé avec les prix de l'immobilier. Au rythme actuel, cela risque de prendre des années...

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