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Comment faire revenir les investisseurs institutionnels et les foncières dans le résidentiel ? Le 16/7/2012
UI - Actus - 16/7/2012 - Comment faire revenir les investisseurs institutionnels et les foncières dans le résidentiel ?
Parmi les pistes évoquées par la nouvelle ministre du logement, Cécile Duflot, pour atteindre l'objectif annuel de 500.000 logements nouveaux, figurent des mesures en vue de voir réinvestir les foncières cotées et les autres investisseurs institutionnels dans des actifs résidentiels, notamment dans le secteur intermédiaire. ne serait-ce que pour relayer les particuliers, qui avec la fin des régimes de défiscalisation attrayants risquent de déserter le secteur. Leur portefeuille est aujourd'hui presque exclusivement composé de bureaux ou de locaux commerciaux. La raison est double : le rendement locatif du logement est très nettement inférieur à celui de l'immobilier d'entreprise, et les coûts de gestion sont également plus élevés. Vu les réactions des intéressés, la partie n'est pas gagnée d'avance...

Foncières et investisseurs institutionnels, entre ardente obligation et contrainte



Est-il possible de faire revenir sur le marché du logement les héritières des grandes foncières d'antan, et les "zinzins", ces investisseurs dits institutionnels - assureurs et caisses de retraite essentiellement - parce qu'ils doivent de par leur statut constituer et placer des provisions techniques dans différentes classes d'actifs dont l'immobilier, et qui possédaient jusque dans les années 90 un pan entier du parc immobilier résidentiel, en général dans les beaux quartiers ? La tentation de les mobiliser dans un grand élan de solidarité nationale a été exprimée au cours de la campagne présidentielle, et à nouveau par la nouvelle ministre du logement, Cécile Duflot.

La question a été posée le 3 juillet par les journalistes membres de l'Ajibat (association des journalistes de l'habitat et de la ville) lors d'un déjeuner-table ronde sur le thème "Quels véhicules pour le retour de l’investissement résidentiel institutionnel ?". Y participait Jean Delour, membre du groupe de travail Logements du Think tank Terra Nova, un des inspirateurs du programme du candidat François Hollande. Estimant nécessaire un effort de construction de 40.000 logements intermédiaires par an pendant le quinquennat, Terra Nova invite à regarder d'abord en direction des acteurs traditionnels de la "pierre papier". Ceux-ci disposent d’un patrimoine de près de 125 milliards d’euros : 80 milliards pour les SIIC (sociétés immobilières d'investissement cotées), 25 milliards pour les SCPI (société civiles de placement immobilier) et autant pour les OPCI (organismes de placement collectif immobilier). Au delà, l‘épargne salariale cumule des encours de près de 100 milliards d’euros et l’épargne investie chez les assureurs se monte à près de 1.500 milliards, dont une partie il est vrai ne peut s'investir en immobilier.

Si l'on s'en tient qu'aux SIIC, dont le patrimoine global génère actuellement une rentabilité de l’ordre de 6%, et qui bénéficient aujourd'hui d'un statut fiscal très avantageux susceptible d'être remis en cause, l'économie d'impôt sur les sociétés dont elles bénéficient (au taux de 33%) du fait de la transparence fiscale représente chaque année 2% de la valeur de leur patrimoine. Jean Delour en conclut que la moitié de cette économie pourrait être orientée vers la détention d’actifs résidentiels. "En tous cas, la mobilisation des institutionnels est un des leviers qu’il faut actionner pour reconstituer le parc locatif privé", prend-il soin d'insister.

Autre participant à la table ronde, Philippe Le Trung, Directeur des Relations Investisseurs et de la Communication du groupe Foncière des Régions, prévient que relancer la construction par une relance de l'offre de capitaux peut avoir pour effet une hausse des prix du foncier, dont la disponibilité est - tout le monde s'accorde sur ce point - le principal obstacle pour la construction de logement, et qui s’impose comme la plus forte contrainte à qui veut trouver des solutions pérennes. La loi votée à l'initiative du précédent président de la République augmentant les droits à construire, en cours d'abrogation, n'était pas de nature à résoudre le problème.


Des acteurs désormais éloignés de l'immobilier résidentiel



Quant à demander à des acteurs spécialisés dans les actifs immobiliers tertiaires d’investir dans le résidentiel, Philippe Le Trung estime que c'est aussi peu réaliste que de "demander à Airbus de produire des vélos électriques". Les SIIC et autres véhicules de mobilisation des capitaux s'adressent à des investisseurs en quête de placements contra-cycliques : leur spécialité est l'immobilier d'entreprise ; les contraindre à faire du logement peut les dénaturer aux yeux des investisseurs, qui en ces temps difficiles sont enclins à fuir les placements trop sensibles à la conjoncture locale, au pouvoir d'achat, ou à la fragilisation de l'emploi des locataires...

Gilbert Emont, Senior Advisor à l’IEIF (Institut de l'épargne financière et foncière) et auteur de l’ouvrage "Logement : pronostic vital engagé", pointe quant à lui la difficulté d'un retour des investisseurs institutionnels sur une classe d’actifs comme les logements intermédiaires, à rentabilité inférieure à 2%, alors qu’ils ont massivement vendu depuis 20 ans les logements loués au prix du marché. En effet, entre 1985 et 2009, les personnes morales regroupant les institutionnels et les congrégations religieuses ont cédé 1 million de logements pour n’en conserver que 200.000...

Durant cette période, le parc locatif détenu par les personnes privées est resté stable à 6,4 millions et le parc HLM s’est étoffé de 1,7 millions d’unités. Pour loger les 7 millions de ménages supplémentaires apparus pendant ces 25 ans, la variable d’ajustement imparfaite a été l’accession à la propriété. Aujourd'hui, sous le coup de la hausse du prix de l’immobilier, l’accession à la propriété est grippée et ne concerne plus que les ménages les plus aisés. Et le déficit de logements tangente aujourd’hui les 900.000...

Michel Clair, membre de la commission de l’aménagement et du développement économique régional de la CCIP et ancien président de Klépierre (foncière spécialisée en centres commerciaux et bureaux) explique quant à lui que les institutionnels détenaient jusque dans les années 90 un important stock d’immobilier résidentiel pour se prémunir de l’inflation. Celle-ci a non seulement disparu, mais la crise des années 90 a révélé que des moins-values sur des immeubles résidentiels n'étaient pas impossibles. Profitant de la remontée des prix pour prendre leur bénéfice, ils se sont reportés sur l'immobilier d'entreprise qui compense les risques sur le capital par des rendements locatifs bien supérieurs ! Difficile de les faire revenir sur un secteur dans lequel les grands acteurs d’hier ont perdu, à quelques exceptions, leurs savoir-faire.

Mais peut-être que le contexte actuel n'est pas si défavorable à la détention d’actifs immobiliers pour les institutionnels. Par exemple quand on voit les bunds allemands s'arracher sur le marché alors que leur rendement est tombé à 1,20% : preuve que les investisseurs peuvent accepter des rentabilités plus faibles lorsqu'ils recherchent plus de sécurité ! La faible rentabilité locative des logements intermédiaires pourrait donc ne plus être un repoussoir absolu ! Gilbert Emont propose que l’Etat soit par contre en mesure de garantir la faible rentabilité exigée de ces actifs résidentiels, non pas sous la forme d'une garantie loyers impayés mais sous celle d'une garantie de rendement de marché. Il suggère par exemple un fonds de garantie alimenté par une part des plus-values retirées progressivement de la vente de ces logements...

Restent les "véhicules" de mobilisation directe de l'épargne des particuliers. Si les avantages fiscaux à l’investissement ne sont plus à la mode en cette période de "rigueur" budgétaire, Michel Clair avance l'idée d'un dispositif reposant sur une exonération des successions pour l’épargne investie dans des véhicules détenant des logements soumis à un plafond de loyer dans les zones les plus tendues. Cela ressemble aux foncières créées pour investir dans le logement intermédiaire au moment où la France devait reloger les rapatriés d’Algérie. Un peu dans le même esprit que la rente Pinay !

A moins qu'on ne se tourne une fois de plus vers les HLM, qui possèdent l’appareil de production et la fibre sociale qui fait défaut aux autres acteurs de l'immobilier...

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