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Projet de loi Logement et urbanisme en préparation : vers un big bang de l'immobilier ? (2ème partie) Le 17/3/2013
UI - Actus - 17/3/2013 - Projet de loi Logement et urbanisme en préparation : vers un big bang de l'immobilier ? (2ème partie)
Après avoir reçu le 31 janvier les dirigeants des grands groupes de l’immobilier, dans le cadre des concertations ouvertes en vue de la "grande loi-cadre Logement et urbanisme", la ministre du logement, Cécile Duflot, a réuni dans un marathon de deux jours, les 19 et 20 février, tous les acteurs de l'immobilier - notamment les fédérations de professionnels et les associations de copropriétaires, de propriétaires et de locataires -, afin de tester les orientations législatives envisagées concernant les conditions d'exercice des professions immobilières, les rapports bailleurs locataires, et le fonctionnement des copropriétés, en ce qui concerne la prestation et les honoraires des syndics, ainsi que la prévention des difficultés des copropriétés et leur traitement lorsqu'elles surviennent. Et le moins que l'on puisse dire est qu'elles "décoiffent" ! Depuis les réactions fusent : celles des propriétaires immobiliers qui refusent en bloc toute aggravation de la protection des locataires et celles, plus constructives des professionnels qui ont présenté sur plusieurs aspects des contre-propositions...

Suite de la 1ère partie : les professions immobilières et les syndics de copropriété

Rapports bailleurs-locataires : sous les apparences, il y en aurait pour tout le monde...



Les mesures proposées à la concertation sont conformes aux annonces ou reprennent pour l’essentiel les dispositions du projet de loi "Lefebvre" pour la protection et l'information des consommateurs ; les mesures envisagées sont :

- l’encadrement des loyers en s’appuyant sur les données des observatoires des loyers, et mention obligatoire dans le bail du loyer du précédent locataire (1)...

- l’instauration d’une action en diminution de loyer lorsque la surface réelle du logement est inférieure à la surface précisée dans le bail ;

- la sécurisation et l’encadrement des révisions de loyers, la réduction de la rétroactivité des révisions de loyers prévues dans les baux et non appliquées, et - c’est nouveau et plus surprenant, parce qu'il s'agit d'un dispositif aujourd'hui peu utilisé et qui ne donne plus lieu à abus depuis belle lurette - la suppression de la procédure de revalorisation au renouvellement du bail en cas de loyer manifestement sous évalué...

- la clarification de la rémunération des intermédiaires et limitation de la participation financière du locataire (suppression du partage par moitié des honoraires de location et de rédaction d’acte ?) ;

- l’adaptation de la législation aux spécificités de la colocation pour développer et sécuriser ce mode de cohabitation (ex : transfert de la clause de solidarité en cas de changement de colocataire) ;

- l’encadrement de l’état des lieux d’entrée et de sortie, la prise en compte obligatoire de la notion de vétusté pour la détermination des réparations locatives - pour l'instant des grilles de vétusté, permettant de déterminer au départ du locataire le montant des réparations pouvant lui incomber, n'existent que dans les ensembles immobiliers où elles ont été négociées par accord collectif -, et l’encadrement du remboursement du dépôt de garantie : remboursement partiel possible dans l’attente de l’arrêté annuel des comptes lorsque les locaux loués se situent dans un immeuble collectif, mais pénalités de 10% du loyer par mois de retard en cas de non versement des sommes dues, et renforcement de la justification des sommes retenues par le propriétaire...

Dans le même esprit, il est évoqué la possibilité d’aller vers la conservation des dépôts de garantie par un tiers (Caisse des dépôts et consignations ou mise sous séquestre à la banque) !

Concernant la durée du bail et le congé, il y a des mesures en faveur des bailleurs comme en faveur des locataires :

- réduction en zone tendue du délai de préavis du locataire à un mois sans motif particulier ;

- mais aussi obligation pour le locataire hors zone tendue de présenter des justificatifs lui permettant de bénéficier des délais de préavis réduit ;

- renforcement de la protection légale des locataires contre les "ventes à la découpe" ;

- contrôle de la véracité des congés pour vente ou reprise personnelle de la part des propriétaires ;

- mais aussi introduction de baux dérogatoires en zones tendues donnant la possibilité au locataire de disposer d’un loyer décoté en échange d’une flexibilité accrue du bail...


Dans le même esprit d’équilibre, il est mentionné :

- la possibilité pour le bailleur de souscrire l’assurance habitation en cas de carence du locataire et aux frais de ce dernier,

- le renforcement de l’information et consultation des locataires résidant dans une copropriété,

- la possibilité de pénalités en cas de retard de paiement du loyer...


Ces propositions sont largement inspirées du rapport d'une mission que la ministre de l'égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot, avait confiée à deux inspecteurs généraux de l'administration du développement durable, Patrick Laporte et Isabelle Massin. Le rapport de la mission (3) formule pas moins de 55 recommandations, précisant que "les mesures qui seraient prises en faveur des locataires ne doivent pas aboutir à restreindre l'offre locative"...

Les locations meublées ne sont pas oubliées, tout en prenant en compte les spécificités de ce type de location et "en conservant sa souplesse nécessaire" ; il est recommandé de distinguer celle utilisée à titre de résidence secondaire des autres. Dans ce cadre, il pourrait être envisagé de prévoir une réglementation particulière pour la mise à disposition d'une chambre en échange de service à la personne. L'application de la loi de 1989 à la location au bout de 2 ans d'occupation des lieux à titre de résidence principale est également évoquée...

Dans leurs contre-propositions, la FNAIM et l’UNIS semblent faire leur deuil du partage des honoraires de location par moitié, et reconnaissent que le maintien de la possibilité de facturer des honoraires au locataire est lié à celle de justifier d’une véritable prestation délivrée à ce dernier. Il en est au moins une à laquelle ils tiennent et qui est au moins autant dans l’intérêt du locataire que du propriétaire : celle de l’établissement de l’état des lieux, qui doit être effectué sérieusement et mérite due rémunération...

Concernant la GRL (garantie des risques locatifs), s’ils sont en faveur d’une garantie universelle fondée sur un contrat socle garantissant tous les locataires (2), ils refusent l’idée qu’elle soit obligatoire, et souhaitent qu’on rétablisse la possibilité de demander une caution personnelle, avec au besoin le rétablissement du "Loca-pass garantie de loyer", ou l’instauration d’une garantie complémentaire obligatoire dans les contrats multirisques habitation - "à l’instar des garanties terrorisme ou catastrophes naturelles" - pour couvrir les aléas de la vie : décès, invalidité, perte d’emploi, etc.


Sans surprise, l’UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), par la plume de son président Jean Perrin, juge tout cela inacceptable, sauf peut-être les baux dérogatoires pour lesquels elle milite depuis longtemps ; elle est vent debout contre l'enlèvement des dépôts de garantie des mains des propriétaires, le contrôle de la "véracité des congés" pour vente ou reprise personnelle, la réduction du délai de préavis à un mois en zone tendue pour le locataire sans motif particulier, ou la suppression de la procédure de revalorisation en cas de loyer sous-évalué, qui selon Jean Perrin risquerait paradoxalement d’obliger les bailleurs à fixer le loyer initial à son plus haut niveau possible...

Ils dénoncent aussi l'idée d'un encadrement des loyers en s’appuyant sur les données des observatoires de loyers : "ces observatoires de loyers ne pourront arriver à un degré de précision suffisant pour fixer le loyer de tous les logements vacants en France, sachant que, dans un même immeuble, le loyer peut varier du simple au double pour deux logements similaires en fonction de leur situation", font-ils remarquer non sans raison, du moins tant que le gouvernement n'a pas indiqué plus clairement comment cet encadrement sera mis en oeuvre.


La gestion des copropriétés



Les mesures proposées à la concertation reprennent en grande partie celles du rapport "Braye" de janvier 2012 (4) qui pointait l’urgence à améliorer la gestion financière et patrimoniale des copropriétés afin de prévenir les difficultés et de favoriser la rénovation des immeubles en copropriété. Il est notamment envisagé :

- une immatriculation obligatoire des copropriétés assortie de l’obligation de fournir des données sur la composition physique de la copropriété (nombre de lots, nombre de bâtiments par exemple) et sa gouvernance (identification du syndic), l’état du bâti à partir des données issues du diagnostic technique, sa situation financière (transmission simplifiée des comptes), etc., le tout sous l’égide de l’ANAH,

- afin d’inciter les copropriétaires à mettre en oeuvre une politique patrimoniale permettant de planifier et garantir l'amélioration notamment thermique des copropriétés, l’instauration d’un diagnostic technique global tous les 10 ans, et en liaison avec ce diagnostic l’obligation d’établir et de tenir à jour un plan pluriannuel de travaux, et de constituer des provisions (fonds de travaux) pour anticiper le financement des travaux du plan pluriannuel ; un plancher représentant 5% du budget courant annuel est envisagé pour les provisions versées chaque année...

- la mise en place d’une fiche synthétique de la copropriété pour l'amélioration des documents à disposition des copropriétaires et des futurs acquéreurs, et rendant transparentes et plus accessibles les informations sur l'état du bâti ainsi que le contexte juridique et financier de la copropriété ; les annonces immobilières devront aussi comporter des informations telles que le montant des charges, et les modalités de transmission et le contenu des documents transmis avant la vente devront être encadrées en conséquence...

- la modification des règles de représentation en assemblée générale pour améliorer la gouvernance des grandes copropriétés et faciliter la prise de décision et la modification de certaines règles de majorité pour faciliter le vote des travaux...


Ces mesures sont assez largement supportées par les professionnels et les associations de consommateurs, les plus réticents étant paradoxalement l'administration et les politiques, sensibles à l'argument selon lequel tout cela va aggraver les charges des copropriétaires, ce qui est probablement vrai à court terme. Mais qui ne voit qu'une gestion patrimoniale avisée ne peut qu'être profitable sur la durée, pour les copropriétaires en leur assurant une réduction de leurs charges futures, comme pour la collectivité, sommée de plus en plus souvent de mettre en oeuvre des plans de sauvegarde coûteux quand les copropriétaires ont, par impécuniosité, indifférence, voire cynisme pour les "marchands de sommeil", laissé leur patrimoine se dégrader au point de mettre en danger les résidants de l'immeuble et son voisinage...



(1) Universimmo.com - 8 septembre 2012 : "L'encadrement des loyers arrive-t-il à contretemps ?"

(2) Universimmo.com - 1er février 2013 : "GRL : le gouvernement travaille sur une garantie élargie et obligatoire pour les bailleurs"

(3) Ministère du logement - février 2013 : "Modernisation des rapports entre les bailleurs et les locataires"

(4) Universimmo.com - 1er mars 2012 : "Faut-il obliger les copropriétés à mieux se gérer ?"


Lire la 1ère partie : les professions immobilières et les syndics de copropriété

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