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Immobilier : la location bientôt plus accessible ? Le 25/5/2013
UI - Actus - 25/5/2013 - Immobilier : la location bientôt plus accessible ?
Ralentissement de la hausse, et même dans de nombreux secteurs stabilisation voire baisse des loyers, projets du gouvernement visant à rendre la prise de location plus facile pour les jeunes ménages et les candidats aux ressources modestes ou précaires et en même temps de sécuriser les bailleurs contre les risques locatifs, concours d'idées sur la meilleure manière de faire revenir les grands investisseurs privés - assurances, foncières, sociétés de placement immobilier - dans le logement intermédiaire : le marché locatif privé aujourd'hui en baisse de régime, à l'image du reste du pays, pourrait reprendre des couleurs et devenir plus accueillant à tous ceux qui ne peuvent trouver à se loger dans le secteur social, soit du fait de la pénurie, soit parce qu'ils dépassent les plafonds de ressources sans pour autant en avoir suffisamment pour rassurer les propriétaires privés...

Net ralentissement de la hausse des loyers, mais aussi de la mobilité

La hausse des loyers continue le ralentissement constaté déjà en 2012, et se change même en baisse dans de nombreux secteurs : c'est ce qui ressort des chiffres à fin mai 2013 de l'observatoire des loyers CLAMEUR (Connaître les Loyers et Analyser les Marchés sur les Espaces Urbains et Ruraux), opéré par l'économiste Michel Mouillart et principal outil aujourd'hui de connaissance du marché locatif du parc privé : +0,5% de hausse en moyenne sur toute la France, en rythme annuel, alors que dans le même temps, la progression des prix à la consommation a été estimée à 1,0% par l'INSEE. En 2012, à la même époque, les loyers de marché augmentaient de 1,0%, pour des prix à la consommation en hausse de 2,2%.

Les loyers des "studios et 1 pièce" (23,3% du marché) baissent même en moyenne de 0,4% en un an (ils avaient déjà baissé de 0,6% en mai 2012) ; les "2 pièces" (31,8% du marché) augmentent de 0,6% (contre 1,1 en mai 2012), les 3 pièces (25,7 % du marché) augmentent de 1,2% (contre 1,8), les 4 pièces (12,5% du marché) augmentent de 1,4% (contre 2,7) et "4 pièces et plus" (6,7 % du marché) augmentent de 1,6% (contre 3,1) : ainsi le ralentissement est plus brutal pour les grands logements que pour les petits.

En fait, c'est depuis l'été 2011 que le marché locatif privé s'enfonce dans la récession, affecté comme l'ensemble de l'économie immobilière par le ralentissement économique qui s'est amorcé avec le déclenchement de la crise des dettes souveraines. La demande est déprimée par la montée du chômage et les incertitudes sur le pouvoir d'achat. Du coup, la pression sur les locataires se desserre : dans 30% des villes de plus de 146.000 habitants que CLAMEUR observe depuis 2000, les loyers de marché baissent depuis le début de l'année 2013. Ainsi à Paris (-1,3% à 23,9 euros/m2) et dans des grandes métropoles régionales : d'ailleurs, sur Bordeaux, Le Havre, le Mans ou Rennes, ils baissaient déjà en 2012 à la même époque et depuis 2006, la progression des loyers y est très modérée. Et dans une autre tranche de 45%, les loyers progressent moins vite que l'inflation. C'est le cas pour des villes comme Dijon, Grenoble Marseille, Montpellier, Strasbourg ou Villeurbanne, où la hausse des loyers reste très faible et fait bien souvent suite à une baisse des loyers.

Sans surprise, la mobilité résidentielle continue de baisser, et se situe très en dessous de la moyenne 1998-2013. Elle s’établit maintenant à bas niveau, à 26,3%, alors qu'elle était montée à 30,3% en 2004, à un moment où le chômage commençait à baisser fortement. Cela signifie que depuis 2011, l’offre locative privée nouvelle (présentée chaque année sur le marché) s’est contractée de près de
90.000 unités, alors que la construction locative privée a particulièrement diminué depuis deux ans. Ce sont ainsi les effets de la reprise du marché constatée en 2010 puis en 2011 qui sont
effacés.

Dans la plupart des grandes villes, où le marché est plus déséquilibré qu’ailleurs lorsqu’il conjugue une offre locative insuffisante et une demande (étudiante, notamment) particulièrement soutenue durant l’été, le recul de la mobilité devient préoccupant : tel est le cas, par exemple, sur Lille, Rennes ou Strasbourg. La situation paraît alors la plus critique sur les deux premières villes par le nombre d’habitants où la mobilité résidentielle est descendue au plus bas : Marseille, où elle s’établit à 17,8% depuis le début de l’année, confirmant que le marché est bloqué depuis 2007, avec une activité de l’ordre de 30% inférieure à son niveau de la fin des années 90 ; et Paris, où la mobilité s’établit à 17,6% en 2013 : elle a reculé de l’ordre de 8,8% depuis 2009 et même, de 19,6% par comparaison avec la situation qui s’observait au milieu des années 2000. La situation de ce marché est alors particulièrement tendue, compte tenu de la pression des demandes qui s’y présentent.


Les nouveaux investisseurs aux abonnés absents

Si rien ne montre une désertion des bailleurs actuels de la location - la mise en vente est il est vrai découragée, depuis les mesures de rigueur "Fillon" puis la loi de finances pour 2013, par une taxation alourdie des plus-values, et la conservation de logements vacants par le manque à gagner qu'elle implique -, l'apport de nouveaux investisseurs s'est singulièrement ralenti : dans le neuf, où de 60.000 logements locatifs nouveaux par an à la grande période des régimes d'incitation "Robien" et "Scellier", on est passé à moins de 20.000 en 2012, dernière année du "Scellier" sous l'effet des "rabotages" successifs de l'avantage fiscal, chiffre qui ne devrait pas être dépassé en 2013 avec le démarrage timide du régime "Duflot", pourtant plus attractif, au moins sur le papier ; mais aussi dans l'ancien, où la part des investisseurs, dans un marché en contraction, recule rapidement en ce début 2013. Si l'on en croit le n°1 des courtiers en crédits immobiliers, Cafpi. Il est vrai que ce secteur de l'immobilier est moins facile à cerner et que les données y sont plus rares...

En cause, la fiscalité ? Elle touche aussi les autres modes de placement, et on ne voit pas de transfert massif de l'épargne de l'immobilier de placement vers d'autres supports ! Plus sûrement la perte pour quelques années au moins de perspectives de plus-value, complément jusqu'ici appréciable d'une rentabilité locative modeste, en raison notamment de la hausse des prix...


La "boîte à outils" du gouvernement

Confronté à une pénurie de logement locatif accessible dans les régions les plus dynamiques du pays, qui maintient un mal-logement de moins en moins supportable, et à un coût global du logement qui met à mal le pouvoir d'achat de couches croissantes de ménages, le gouvernement essaie d'attaquer par plusieurs fronts :

- l'encadrement des loyers : le décret de juillet 2012, qui plafonne les loyers de relocation après le départ d'un locataire à l'augmentation de l'IRL (indice de référence des loyers) par rapport au loyer du sortant, semble avoir quelque effet, mais ne s'étant pas appliqué sur une année pleine, il est difficilement mesurable sur l'année 2012 ; l'OLAP note néanmoins que le "saut à la relocation", ou hausse moyenne enregistrée entre l’ancien et le nouveau loyer des logements ayant vu arriver un nouvel occupant en 2012, est en retrait dans l’agglomération parisienne (+5% en moyenne sur un an de 2011 à 2012 et +6% à Paris contre +7% sur l’agglomération de 2010 à 2011).

L'observatoire CLAMEUR, dans le tableau qu'il dressait en février de l'évolution du marché locatif de 2012 constatait un "saut" encore moindre (+3,4% en moyenne début 2013), mais avec de grandes disparités suivant le niveau des travaux effectués avant relocation : la variation du loyer entre deux locataires est négative voire très négative sans travaux (-3,7% France entière, 20,7% des relocations), elle est modeste en cas de petits travaux (+1,9%, 52,3% des relocations), et elle est bien entendu beaucoup plus forte en cas de gros travaux (+10,9%, 27% des relocations). Mais globalement l'effort d'amélioration et d'entretien du parc était retombé dangereusement depuis le début de l'année 2012, à 27% des logements remis en location, alors qu'il avait dépassé 34% en 2011...

L'étape suivante, qui doit figurer dans la grande loi "Duflot" Logement et urbanisme en préparation (1), dépend en fait de la mise en place des "observatoires des loyers", et de leur capacité à fournir des références de loyers suffisamment fines pour que le gouvernement puisse s'y appuyer pour exercer une pression à la baisse sur les loyers, que ce soit lors des relocations ou des premières locations de logements neufs ou qui n'étaient pas affectés à la location.

- la sécurisation des bailleurs : elle a un double objectif : rassurer les propriétaires qui supporteraient déjà mal un encadrement plus coercitif des loyers et qui angoissent face aux risques d'impayés, et rendre la location plus accessible aux jeunes ménages et aux candidats aux ressources modestes ou précaires qui ne peuvent fournir de garanties acceptables par des bailleurs rendus frileux par la crise. C'est la refonte de la GRL en GURL (Garantie universelle des risques locatifs) qui doit aussi faire partie de la grande loi "Duflot" (2). Mais si le principe semble simple - une garantie couvrant toutes les locations afin que le risque soit largement mutualisé et donc le coût le plus bas possible - le diable se cache dans les modalités pratiques du dispositif ! Deux scénarios sont toujours sur la table : le premier consiste à rendre l'assurance privée contre les loyers impayés obligatoire (la "GLI"), comme c'est le cas pour les assurances automobiles. C’est plus simple mais le ministère répugne à s'appuyer uniquement sur les assureurs, qui savent bien gérer le côté "affacturage" moins bien "l'aspect humain", selon une source proche du dossier citée par le quotidien. Or, l'ambition de cette garantie universelle des loyers est non seulement de sécuriser les propriétaires pour les encourager à louer leurs logements, mais aussi de prévenir les impayés et, au-delà, les expulsions.

La seconde piste - qui aurait la préférence de la ministre du logement - serait celle d'une "sécurité sociale du logement" alimentée par une contribution des propriétaires et des locataires à parts égales par le biais d'un prélèvement d'un pourcentage du loyer, comme le demande au demeurant l’UNPI (Union nationale de la propriété immobilière). Il alimenterait un fonds géré par l'Etat permettant dès les premiers impayés d'indemniser les propriétaires, et parallèlement un suivi social serait déclenché pour les locataires de bonne foi. Un rapport a été commandé à l'inspection générale des finances et au Conseil général de l'environnement et du développement durable pour évaluer la faisabilité et, surtout, le coût de cette réforme. Car la gestion de cette garantie nécessiterait la création d'une agence ou d'un établissement public, gestionnaire, mais aussi toute une organisation assurant le relais avec les services sociaux et les commissions chargées de prévenir les expulsions. La question du coût de ce dispositif nécessitera un arbitrage de Matignon.

- l'encouragement de la construction tous azimuts : c'est le volet malheureusement le plus long terme, dont les résultats risquent de ne pas être visibles avant la fin du quinquennat. D'autant que la situation de départ n'a jamais été si mauvaise ! Il vise prioritairement à augmenter la mise sur le marché locatif de logements sociaux - espérant aussi par ce biais alléger la pénurie globale de logements - et intermédiaires privés. Le gouvernement fait feu de tout bois et garde encore quelques cartouches dans sa besace : action sur le foncier en combinant la pression sur les communes pour moins freiner les projets de logement social, la réforme de la gouvernance pour retirer un peu de pouvoir à ces mêmes communes et le donner aux structures supérieures, mise à disposition de foncier de l'Etat et des entreprises publiques, découragement de la rétention de terrains par la taxation (à venir) de la plus-value sans abattement pour durée de détention ; action sur le financement du logement social via le relèvement du plafond du livret A, la mobilisation de la capacité d'endettement d'Action Logement (le mouvement des collecteurs du "1% logement"), et un peu d'augmentation des crédits budgétaires, mais en ces temps d'austérité il n'y a plus beaucoup de marge ; action pour maintenir un flux d'investisseurs privés via le maintien d'un régime d'incitation fiscale coûteux, en le recentrant sur le logement intermédiaire et les locataires à revenus modestes, le "régime Duflot" ; pression amicale mais ferme enfin sur les assureurs et autres investisseurs "institutionnels" pour qu'ils reviennent investir dans le logement en y réorientant des actifs de l’assurance-vie, des SIIC, SCPI, OPCI et de l’épargne salariale. Certains comme la SNI (du groupe Caisse des dépôts) vont s'y prêter de bonne grâce, d'autres moins, alors qu'ils sont en passe de réduire la part de l'immobilier dans leurs actifs, et qu'on a aussi besoin d'eux pour le financement des entreprises. Mais le gouvernement table à terme sur 50.000 logements par an (10% des 500.000 à construire chaque année). Au prix probablement d'incitations fiscales substantielles car la perte de rentabilité à compenser par rapport aux autres classes d'actifs immobiliers (bureaux, commerces, etc.) est estimée à 3%...


Coût du logement : une triple peine pour les ménages modestes

Car la situation est grave. de nombreuses études ont montré à quel point le coût du logement en France constitue un "boulet" pour la compétitivité française, et sa comparaison avec l'Allemagne. A quel point il freine le développement des entreprises en Ile-de-France en gênant le recrutement de collaborateurs, nombre de candidats renonçant à y venir faute de pouvoir se loger correctement ! A quel point aussi il pèse sur le pouvoir d'achat des ménages des classes moyennes les plus modestes subissant une "triple peine" : renchérissement des loyers, charges locatives (chauffage notamment) élevées parce qu'ils doivent se rabattre sur les immeubles de moins bonne qualité, et coût induit de l'éloignement en frais de transport, et parfois de scolarisation des enfants, parce qu'ils sont obligés pour trouver à se loger de s'éloigner des centres-ville et de leurs lieux de travail !

L'évolution des marchés immobiliers pénalise particulièrement les ménages modestes dans les zones tendues. Ce sont en effet les biens les plus abordables qui y ont connu la plus forte croissance de leur prix lors des quinze dernières années, constate François Cusin, co-directeur de la Chaire Ville et Immobilier à l'Université Paris-Dauphine, dans un article relayé par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). "Si l'on classe les biens immobiliers par décile de prix dans chacune des trois zones (ville-centre, banlieue, couronne périurbaine), on constate que la hausse des prix entre 1998 et 2007 a réduit les disparités entre quartiers huppés et abordables. Cette réduction des disparités est imputable à une valorisation plus forte des marchés les moins chers que des marchés haut de gamme", ajoute-t-il.

La conséquence selon l'article est que, "si dans l’ensemble, les ménages ont vu leur taux d’effort augmenter depuis 1998, cette hausse a été maximale pour les locataires situés dans le premier quartile de revenu. Elle n’épargne pas non plus les ménages des classes moyennes, situés entre le 2e décile et le 7e décile de niveau de vie, qui sont confrontés à une forte hausse des dépenses contraintes, au premier rang desquelles figure le logement".

Un coût social immense, qui contribue probablement pour beaucoup dans le marasme économique, le sentiment de manque de perspectives et le climat d'inquiétude de la France de 2013...



(1) Universimmo.com - 8 septembre 2012 : "L'encadrement des loyers arrive-t-il à contretemps ?"

(2) Universimmo.com - 1er février 2013 : "GRL : le gouvernement travaille sur une garantie élargie et obligatoire pour les bailleurs"

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