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Peut-on et doit-on faire baisser les prix de l'immobilier ? 2ème partie : agir sur les prix du neuf Le 1/3/2014
UI - Actus - 1/3/2014 - Peut-on et doit-on faire baisser les prix de l'immobilier ? 2ème partie : agir sur les prix du neuf
A entendre les acteurs de la construction et la plupart des commentateurs, les prix des logements neufs seraient tirés vers le haut par le coût du foncier et l'augmentation des coûts de la construction, sous l'effet des "normes" de plus en plus sévères (règlementation thermique, accessibilité aux handicapés, nombre de places de stationnement, etc.). Le président de Nexity n'a-t-il pas proposé il y a peu au gouvernement un "pacte de constructibilité" : diminuez les contraints et nous baisserons les prix de 15% ! Pourtant les prix des programmes neufs ont toujours été cohérents avec les prix de l'ancien, avec lesquels ils évoluent de concert. Un hasard ? Ou bien faut-il chercher vers les mécanismes qui établissent les prix du foncier ? Si c'est le cas, c'est évidemment sur eux qu'il faut peser, et ne pas s'épuiser en vaines polémiques sur les normes, même si des simplifications ne sont jamais inutiles...

Peut-on et doit-on faire baisser les prix de l'immobilier ? suite de la 1ère partie : "Une situation devenue non soutenable"


Immobilier neuf et ancien : qui tire qui ?



L'immobilier neuf résulte d'un processus de production : le prix de vente tient nécessairement compte des coûts de la matière première (le terrain), des coûts de fabrication (la construction, elle-même tributaire du coût des matériaux, de la main d'oeuvre, des contraintes des normes de construction, etc.), et d'une marge souhaitée par promoteur, qui rémunère sa valeur ajoutée et son risque. De son côté, l'ancien n'a aucune de ces contraintes : les prix se forment sur un marché, entre les vendeurs qui se font une idée de la valeur de leur bien et des acquéreurs qui déterminent ce qu'ils sont prêts à mettre pour l'acquérir, en fonction des qualités qu'ils lui attribuent (qualité du logement ou de la maison, de son environnement, etc.)

A priori, nous avons là deux processus de formation des prix totalement distincts, et pourtant d'une part comme de l'autre, les prix sont cohérents : sous peine de ne pouvoir se vendre, le neuf est rarement à plus de 20 à 30% au dessus du prix de l'ancien dans le secteur, et l'apparition de nombreux programmes de qualité dans un quartier tire les prix de l'ancien vers le haut par l'amélioration de l'environnement.

Tout sépare ces deux marchés quant à leur fonctionnement : celui de l'ancien est un marché de l'offre et de la demande : un excès d'offre sur la demande a tendance à faire baisser les prix - voir les marchés saturés de "Robien" et de "Scellier" - et un excès de demande les fait monter. Certes, il y a quelques "inélasticités" : une baisse de la demande se traduit pendant un temps - potentiellement long - par un blocage du marché plutôt que par une baisse immédiate des prix ; les vendeurs résistent en effet autant qu'ils peuvent à la pression à la baisse, et par ailleurs les acquéreurs peuvent aussi être limités par leurs moyens financiers, ce qu'on appelle leur "solvabilité" (apport personnel, capacité d'emprunt et de remboursement). Mais tôt ou tard, le marché finit par céder à la pression (voir les baisses de 1991-1994 et 2008-2009).

Le marché du neuf est imperméable à l'offre et à la demande : dès qu'un programme commercialisé est mis en construction - aujourd'hui à 60-70% de logements pré-vendus -, une mévente du stock restant n'agit que marginalement sur les prix. Tout au plus le promoteur peut consentir quelques cadeaux commerciaux, mais pas question de bouger les prix affichés ! En 2013-2014, en pleine période de gonflement record des "stocks" de logements proposés à la vente (composés il est vrai de 44% de logements en projet dont la construction n'a pas encore commencé), les prix de vente diminuent à peine, (-1,5% sur un an France entière). Et ce principalement parce que les programmes les plus proches des centres sont abandonnés avant le premier coup de pioche au profit de programmes plus éloignés en périphérie, donc moins chers...

Pourtant, ces deux marchés si indépendants en principe ont un liant très puissant : /b>le mécanisme de la formation du prix des terrains !


Qui fait le prix du foncier ?



Le marché des terrains est lui-même au premier abord un marché de l'offre et de la demande, même s'il est aujourd'hui au moins aux deux tiers dominé par les collectivités, établissements publics et l'Etat. D'un côté les vendeurs - y compris ces derniers - cherchent à obtenir le meilleur prix, et de l'autre les acquéreurs entrent en compétition pour être ceux qui les "décrocheront" afin de réaliser leur projet. Il y a en réalité deux marchés des terrains : celui des terrains à bâtir pour de la construction de maisons individuelles, marché de petits terrains, et celui des terrains éligibles à la réalisation de programmes immobiliers, de la part de propriétaires immobiliers - en fait aujourd'hui quasi exclusivement des bailleurs sociaux - ou de promoteurs pour la réalisation d'immeubles ou de lotissements (ce qu'on appelle "l'individuel groupé") Ce qui distingue ces marchés de celui de l'ancien, est que l'acquéreur a un projet de construction qui doit à la sortie lui fournir un produit pour un coût compatible avec le marché de l'ancien dans lequel le bien réalisé va venir s'insérer. Il va donc limiter le prix qu'il va consacrer au terrain de manière à "sortir", après coût de la construction et un objectif de marge éventuel - qui est aussi une prime de risque - à un prix compatible avec le marché immobilier global.

Ce principe s'applique à tous les acquéreurs quelle que soit leur nature : le promoteur sera tributaire du prix de vente de ses produits sur un marché dont il ne pourra s'écarter qu'en fonction de leurs qualités distinctives (qui déterminent par ailleurs par la nature des prestations le coût de construction), le bailleur sera tributaire des loyers qu'il pourra proposer et du rendement locatif qu'ils devront lui assurer pour rembourser ses emprunts, et l'acquéreur d'un terrain à bâtir ne voudra pas que le coût total de la maison qu'il va faire construire dépasse le prix des maisons qu'il peut trouver toutes faites, en tous cas pas de manière disproportionnée par rapport au plaisir que lui procure le fait d'être plus ou moins créateur de sa maison...

Le prix du foncier agit donc comme une variable d'ajustement entre le marché du neuf et de l'ancien. Le prix des terrains se fixe "à l'envers", partant d'un objectif de prix du produit final, et en déduisant coût de construction et marge/prime de risque...

Du coup, une augmentation des coûts de construction, par l'effet des "normes" - règlementation thermique, isolation phonique, accessibilité aux handicapés, places de stationnement - ne peut avoir plus d'effet sur les prix que celui du surcroît de qualité qu'elles apportent : économies d'énergie, confort, etc. L'augmentation du coût de construction fait en réalité baisser le prix des terrains, et non monter les prix de vente, sauf peut-être à court terme pour des promoteurs qui se trouveraient piégés par une réservation de terrains antérieure aux changements de règlementation. Comme ceux-ci interviennent avec un délai d'entrée en vigueur de plusieurs années, l'effet est marginal.

Quand Alain Dinin, président de Nexity, propose au gouvernement, comme il l'a fait le 19 février, un "pacte de constructibilité" en laissant croire que permettre de créer une place de stationnement au lieu de 1,5 à 2 dans les normes actuelles "représenterait déjà 7 à 8% d'économie", et que modifier la législation pour passer à 10-15% de logements habitables en normes handicapés, au lieu des 100% actuels, "ferait baisser les prix d'encore 7 à 8%", il nous raconte un conte pour enfants : l'effet serait une augmentation en conséquence du prix des terrains ! C'est la même critique qui avait été faite au plan que Nicolas Sarkozy avait sorti début 2012 d'un chapeau pour relancer la construction et faire baisser les prix des logements, par l'augmentation temporaire de 30% des droits de construire : pouvoir construire plus de logements sur le même terrain allait mécaniquement conduire à l'augmentation de son prix ! Ce qui explique que cette mesure, en réalité inflationniste, ait été abandonnée dès le lendemain des élections...


Comment peser sur le prix du foncier ?



Même si c'est toujours bon à prendre, une baisse des coûts de construction n'est donc pas le moyen de faire baisser les prix des logements construits, le différentiel étant absorbé par le prix du foncier. C'est par contre sur ce dernier qu'il faut agir ! Le même Alain Dinin donnait aussi la piste le 19 février : il faut cesser la mise aux enchères des terrains publics par les municipalités "en échange de l'engagement d'un plafonnement des prix par les opérateurs" des logements produits, a-t-il avancé. "Il faut que les projets sélectionnés le soient en fonction de caractéristiques, en fixant le prix du terrain à l'avance selon les besoin des municipalités, pas au mieux disant. Aujourd'hui, l'achat du terrain et la TVA représentent près de 50 % du prix total d'un logement".

C'est effectivement la voie. Offrir les terrains au plus offrant des promoteurs a par exemple à Paris pour résultat la production de logements à 20 à 25.000 euros le m2 comme sur les terrains de l'ancien hôpital Laennec ou ceux de la SNCF aux Batignolles. Il y a un marché pour ce type de produits, donc des promoteurs pour mettre ce qu'il faut pour s'adjuger le terrain ! Non seulement la pratique de l'appel d'offres empêche toute mixité sociale, et même tout projet de logement intermédiaire, mais elle alimenta l'inflation des prix : les immeubles construits vont encore valoriser le quartier et faire monter les prix de l'ancien alentour. Et si France Domaines est appelée à estimer la valeur d'un terrain dans le secteur, la transaction sera prise en compte !

La solution proposée par le président de Nexity est la bonne, mais suffit-elle ? C'est très peu probable : on demande à des municipalités confrontées à une baisse de leurs ressources (droits de mutation, dotations de l'Etat), de se couper un bras et de consentir des manques à gagner pour des projets que les électeurs risquent de surcroît de leur reprocher ! Au delà, on demande à des entreprises publiques en pleine restructuration comme la SNCF, ou encore à l'Etat, à la recherche de dizaines de milliards pour financer le pacte de compétitivité, de vendre à bas prix leurs terrains, voir les donner gratuitement pour la construction de logement social, comme la première loi "Duflot" de 2013 le permet. Irréaliste ! Certaines opérations se feront, avec caméras et journalistes. Mais il est à parier que les administrations traîneront les pieds, ou tenteront de contourner. De surcroît, il reste les propriétaires privés, sur qui ne pèse aucune contrainte.

Au même titre que pour les ressources naturelles, dont l'Etat s'arroge le monopole d'exploitation, il faut dans les zones tendues une mainmise de l'Etat sur le foncier disponible, privé comme public. Ressource rare, elle doit être considérée comme un bien national. Bien entendu, il ne s'agit pas d'exproprier les propriétaires, mais d'appliquer la méthode Dinin de façon autoritaire : fixer d'avance par secteur, dans le cadre des PLU, un taux minimum de logement très social, social, intermédiaire et libre, bureaux, commerces, etc., le prix du terrain se fixant alors mécaniquement en fonction de ce qui va être construit.

La loi du 18 janvier 2012 relative à la mobilisation du foncier public, première loi "Duflot", a fait une partie du chemin : les communes en constat de carence à atteindre le taux minimal de logements sociaux (20 ou 25% selon le cas pour les communes assujetties à un minimum) doivent imposer, sauf dérogation préfectorale sur demande motivée, dans toutes les opérations de construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher, au moins 30% des logements locatifs sociaux hors logements PLS.

Dans ces mêmes communes, le droit de préemption est exercé par le préfet lorsque l'aliénation porte sur un terrain, bâti ou non bâti, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet d’une convention entre le préfet et un organisme. Le préfet peut déléguer ce droit à un établissement public foncier (EPF) de l'État, à une société d'économie mixte (SEM) ou à un organisme HLM. Désormais, la possibilité de délégation du droit de préemption est étendue aux EPCI à fiscalité propre délégataires des aides à la pierre et aux établissements publics fonciers locaux.

Mais cette mesure reste encore trop limitée. Le taux de 30% de logements sociaux est insuffisant pour rattraper les retards et le logement intermédiaire n'est pas pris en compte. Mieux vaudrait fixer 20% de logements très sociaux, 10 à 15% de logements sociaux autres, et encore 20% de logements intermédiaires, ces taux étant lissés sur plusieurs programmes pour ne pas trop "saucissonner" les petites opérations. Par ailleurs, les délais pour arriver au constat de carence sont longs et la capacité de résistance des communes, sous la pression de leur électorat, est plus forte qu'on ne croit. L'administration peut aussi facilement accorder des dérogations. La mesure doit être instaurée partout où le taux de mixité sociale est insuffisant, et sans délai, et avec une plus grande diversification des types de logements qu'on veut développer.

Révolution, mise en cause du droit de propriété, spoliation, dira-t-on ! Mais avons-nous vraiment le choix. Rappelons nous : la situation actuelle n'est plus soutenable, l'immobilisme est impossible et le libre jeu du marché est justement ce qui nous y a conduits !


Lire la suite :
3ème partie : "Peser sur les loyers"


Rappel 1ère partie : "Une situation devenue non soutenable"

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