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Ventes en copropriété et loi ALUR : qui est responsable du désordre créé ? Le 7/10/2014
UI - Actus - 7/10/2014 - Ventes en copropriété et loi ALUR : qui est responsable du désordre créé ?
Les mesures de la loi "ALUR" du 24 mars 2014 visant à mieux sécuriser l'information de l'acquéreur en copropriété auraient "plombé", si ce n'est "cassé" le marché des appartements anciens, rien que cela ! Des réseaux d'agences immobilières lui attribuent le recul des ventes ! Pourtant, elles n'auraient jamais dû créer un tel émoi : réclamées de longue date, recommandées par le rapport "Braye" de 2012, elles coulaient de source. Mais la communauté de l'immobilier - notaires, agents immobiliers, syndics de copropriété - ne les a pourtant pas vu venir ! Réagissant de manière désordonnée, elle a amplifié le désordre et la confusion, dont certains - les notaires - tirent leur épingle du jeu mieux que les autres. Et ce ne sont pas les mesures de simplification annoncées qui changeront fondamentalement la donne ; et en tout état de cause, elles n'arriveront que dans plusieurs mois !
Entre "info" et "intox", il est temps aujourd'hui de se demander quelles sont les vraies causes de ce gâchis...

La loi ALUR responsable du marasme du marché immobilier ?



Un grand réseau d'agences immobilières, Century 21, mène actuellement campagne sur le thème "ALUR plombe le marché des appartements anciens". selon les statistiques de son réseau de près de 800 agences, si le nombre de ventes recule globalement de 6% sur un an, c'est à cause de la forte baisse d'activité observée sur le segment des appartements (-8,4% entre le 3ème trimestre 2013 et le 3ème trimestre 2014), alors que celui des maisons n'accuse un retrait que de 3%. Pour ce réseau, cet écart de dynamisme entre les deux types de logements tient à l'une des mesures contenues dans la loi "ALUR" du 24 mars 2014 (accès au logement et à un urbanisme rénové) qui exige qu'un nombre important de documents soient désormais annexés à la promesse de vente d'un logement en copropriété - entre 800 et 1200 pages - affirme ce réseau. Ce qui est très exagéré comme on le verra ci-après. Pour Laurent Vimont, Président de Century 21 France, "cette nouvelle exigence retarde les ventes d'appartements quand elle ne les casse pas, pesant ainsi lourdement sur la santé du secteur". Et de citer aussi la forte augmentation des délais de vente pour le segment des appartements. France entière, ils s'allongent de 11 jours (pour atteindre 96 jours), quand ceux des maisons ne prennent qu'un jour de plus pour se situer en moyenne à 92 jours.

Ces chiffres ne sont a priori pas contestables : faute de mieux de la part des statistiques publiques, ce réseau publie régulièrement des données parmi les plus fiables sur le marché récent. Mais l'interprétation est tendancieuse car elle fait bon marché d'autres facteurs profonds aussi susceptibles d'expliquer la tendance de fond à un ralentissement du marché, que l'on retrouve également sur le marché locatif : la baisse spectaculaire de la mobilité liée à la crise économique, les restrictions dans l'octroi des prêts immobiliers aux emprunteurs ne présentant pas de solides garanties de situation professionnelle et ne disposant pas d'apport personnel conséquent, etc.


Information de l'acquéreur : ce qui n'aurait jamais dû être un problème



Que dit au juste la loi ALUR ? Qu'en cas de vente d'un ou plusieurs lots dans un immeuble en copropriété, il faut communiquer à l'acquéreur potentiel, dès la négociation des biens concernés, des informations essentielles sur la copropriété sans lesquelles il ne peut être en mesure de convenir d'un prix en toute connaissance de cause. Et non pas lors de la signature de l'acte authentique alors qu'il a déjà le déménagement dans le camion...

La loi ALUR a prévu ces dispositions dès le projet initial en droite ligne des recommandations du rapport "Braye" de janvier 2012 (1) ! Il s'agissait de l'avis de tous les spécialistes de combler une lacune sérieuse dans les obligations d'information incombant aux vendeurs, fixées de manière très pointilleuse concernant les diagnostics, et inexistantes quant à la nature et au périmètre de la copropriété, à sa gestion, ou à sa situation juridique et financière, tous aspects recelant pour les acheteurs bien davantage de risques que celui par exemple des termites... Compter pour cela sur la bonne volonté des vendeurs et de leurs conseillers immobiliers est bien, mais l'expérience a largement montré que l'acquéreur non averti, nettement majoritaire, ne découvrait les problèmes qu'à l'occasion de la première assemblée générale !

De quoi s'agit-il ? En fait d'éléments qui étaient pour la plupart auparavant fournis lors de la signature de l'acte authentique : le règlement de copropriété et l'état descriptif de division ainsi que leurs modificatifs, le carnet d'entretien, le diagnostic technique global préalable à la mise en copropriété d'immeubles de plus de 10 ans, et des informations qui étaient - et continuent à être - fournies dans le cadre de l'état daté demandé par le notaire au syndic en vue de la signature définitive : le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par le copropriétaire vendeur au titre des deux exercices comptables précédant la vente, les sommes pouvant rester dues par le copropriétaire vendeur au syndicat des copropriétaires et les sommes qui seront dues au syndicat par l'acquéreur. Les seules nouveautés immédiates sont les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, "si le copropriétaire vendeur en dispose", et "l'état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs". Plus tard s'ajouteront une fiche synthétique de la copropriété lorsque les syndics devront l'établir (en 2016, 2017 et 2018), le montant du fonds de travaux obligatoire lorsqu'il commencera à être alimenté (à partir du 1er janvier 2017), et une "notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété", dont le contenu sera fixé par arrêté. Et les vendeurs de lots dans les copropriétés de moins de 10 lots et ayant un budget de charges courantes inférieur à 15.000 euros sont dispensés de certains de ces éléments...

Disons-le tout net : le mythe des promesses de vente de 30 kilos à transporter avec une brouette est une imposture qui a été gobée toute crue ! Il n'a jamais été question de dupliquer les règlements de copropriété et leurs modificatifs pour les annexer à la promesse de vente : ils doivent simplement être remis à l'acquéreur contre récépissé, comme cela se passait avant devant le notaire lors de l'acte authentique. Les autres documents nouveaux requis à dupliquer et annexer à la promesse tiennent en quelques pages, une ou deux dizaines au maximum, presque moins que les diagnostics !


Le grand désordre des règlements de copropriété



Alors pourquoi avoir monté un tel procès contre une mesure qui aurait dû être consensuelle ? Le problème vient de l'obligation de communiquer ces documents aux acquéreurs tant que ceux-ci peuvent encore se rétracter. Les rédacteurs de la loi ont en effet prévu que le délai de rétractation de 7 jours à compter de la signature de l'avant-contrat ne court pas tant que ces documents n'ont pas été communiqués. On ne peut que les comprendre : quiconque connait les techniques de "closing" des professionnels pour arracher la signature de l'avant-contrat, sait qu'il n'y avait aucun espoir autrement qu'ils le soient en temps utile !

Ce qu'ils n'ont en revanche pas prévu, c'est le désordre existant dans de très nombreux immeubles dans la gestion des règlements de copropriété et des modificatifs, notamment à l'état descriptif de division. En effet, si dans la grande majorité des copropriétés les modificatifs se comptent au maximum sur les doigts d'une seule main, et que ces modificatifs, s'il y en a, sont à la fois en la possession du syndic et de tous les copropriétaires, il y a aussi de nombreuses copropriétés anciennes où ils se comptent par dizaines : création de lots par vente de WC communs d'étage, de remises, de combles, de morceaux de couloir, ou encore division d'appartements pour en faire deux ou plusieurs plus petits, ou au contraire pour réunir de petits appartements en plus grands... Autre source de modificatifs en cascade : les ventes de lots globaux comprenant comme cela se faisait jusque dans les années 60 un appartement sa cave et sa "chambre de bonne" : depuis 1975, aucune vente de ce type ne peut être effectuée sans que le lot soit divisé en trois lots distincts ! Or très peu de règlements de copropriété ont été refaits pour tenir compte de ces changements et dans certains immeubles, personne, pas même le syndic - ce qui en soit est un problème - ne dispose de la collection complète des modificatifs...

Il faudrait évidemment s'interroger sur les raisons de ce grand désordre, alors que la mission des notaires est de communiquer sans exception les modificatifs qu'ils établissent, et que celle des syndics est de les diffuser à tous les copropriétaires et de les archiver rigoureusement, même quand il s'agit de caves, de remises ou de greniers... Comment autrement faire la part des modificatifs importants et des autres qui le sont moins ?

Ceci étant, dans les immeubles où ces modificatifs se sont multipliés, il eût été de la responsabilité des syndics de proposer de temps à autre des refontes des documents de la copropriété de manière à disposer de documents "consolidés", intégrant toutes les modifications intervenues. Il n'est cependant pas exclu qu'elles soient rendues obligatoires. Un amendement gouvernemental au projet de loi sur la simplification de la vie des entreprises, adopté par les députés en séance publique le 22 juillet, l'habilite à "prendre par ordonnance des mesures législatives d'ajustement d'effets pervers de la loi se traduisant par des délais anormaux et des coûts inutiles pour les vendeurs de biens en copropriété dans certaines circonstances". Il suggère l'entrée en vigueur progressive de l'obligation de fournir les modificatifs des règlements de copropriété, et donner le temps aux professionnels (syndics, notaires, responsables de copropriété) d'inciter les syndicats de copropriétaires à refaire des règlements de copropriété à jour. La possibilité existe pourtant depuis 2000, mais est loin d'avoir été utilisée autant qu'il l'aurait fallu !

Une adaptation du champ d'application de l'obligation d'information est également souhaitée pour les transactions concernant uniquement les lots secondaires des immeubles bâtis à usage total ou partiel d'habitation (caves, garages, places de parking), selon l'exposé de l'amendement.

Problème : la loi dans laquelle est inséré l'amendement n'a pour le moment été adoptée que par une Chambre et en 1ère lecture. Il faudra attendre son adoption définitive et sa publication pour que l'ordonnance puisse être présentée. Autant dire pas avant plusieurs mois !


Comment les notaires ont pris la main sur les promesses de vente



En attendant, les notaires se sont engouffrés dans la brèche ainsi béante, et fait valoir qu'ils étaient les seuls à pouvoir assurer la sécurité juridique des promesses de vente, en requérant les règlements originaux et l'intégralité des modificatifs auprès des services de publicité foncière (les ex-conservations des hypothèques) où ils sont conservés. Moyennant honoraires pour chaque document obtenu... Les agents immobiliers, qui établissaient une grande partie des promesses de vente, se sont vus déposséder de cette tâche, les notaires récupérant cette part de marché à bon compte, et là aussi contre honoraires, alors que les premiers effectuaient la rédaction d'acte dans le cadre de leurs honoraires globaux !

Et ce n'est pas tout ! Les notaires ont aussi fait croire que pour établir la promesse de vente, il leur fallait de la part du syndic de la copropriété un "pré-état daté", du même type que celui qui est requis pour l'acte authentique, et qu'eux seuls étaient en position de l'obtenir des syndics ! Pris au dépourvu, les syndics de copropriété ont été brusquement harcelés de demandes, sans secours de la part des organisations professionnelles qui sont dans un premier temps restées sans voix, quand elles n'ont pas semblé acquiescer à la demande. Or c'était pure invention ! Une réponse ministérielle (2) est venue rappeler que la loi "ALUR" n’avait jamais eu pour objet de créer de nouveaux documents comptables, mais de rendre obligatoire l'annexion à la promesse de vente, ou, à défaut, à l'acte authentique de vente, d'un certain nombre d'informations de nature à éclairer l'acquéreur sur son choix. Ces informations peuvent être obtenues à partir de documents dont l'établissement est déjà rendu obligatoire par la règlementation en vigueur, tels que la comptabilité du syndicat et les annexes comptables prévues par le décret du 14 mars 2005, l'état financier, le compte de gestion général, le budget prévisionnel, etc.

Il faut juste préciser la date d'établissement du document comptable de référence dont l'information est issue. Et contrairement à ce qu'ont prétendu les notaires, les informations sur la situation financière de la copropriété devront être à jour à la date de clôture du dernier exercice comptable précédant la vente.

Mais le mal est fait : les notaires ont imposé leur rythme et les promesses de vente demandent à présent, même lorsque les vendeurs ont anticipé la constitution de leur dossier de vente, deux à trois semaines avant d'être signées, quand ce n'est pas plus !



(1) Universimmo - 1/3/2012 Faut-il obliger les copropriétés à mieux se gérer ? - v. le lien vers le rapport
(2) rép. min. n°57834, JOAN 16 septembre 2014

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