Professionnels et analystes économiques font pour une fois des prévisions concordantes : après une année 2011 de folie dans l'ancien, où tous les records de volume de transactions et de hausse des prix ont été battus, 2012 et 2013 seront des années de ralentissement de l'activité et d'un recul des prix, même s'il ne faut pas s'attendre à un effondrement. Le neuf, qui avait commencé à décrocher dès 2011 ne sera pas en reste et atteindra aussi un étiage, y compris sur les prix, les promoteurs ayant des programmes à écouler. Pour les nouvelles opérations, ils iront chercher plus loin, où les prix du foncier leur permettront de proposer des produits abordables.
Le ralentissement s'est déjà traduit de manière spectaculaire sur la distribution du crédit immobilier, comme on peut le lire dans les chiffres de l'Observatoire Crédit-logement/CSA pour le mois de mars (1) : la production de crédits immobiliers de mars 2012 est en recul de 48,4 % par rapport à mars 2011, c'est-à-dire de moitié, du jamais vu !
En glissement annuel, le recul de la production a été de 36,7% sur le 1er trimestre 2012 (et de 40,7 % par rapport au 4ème trimestre 2011, fin du "boom" de 2011) ! Et ce dans un contexte où les taux ont encore baissé : 3,83 % en moyenne (hors assurance et coût des sûretés), en fait 3,92% pour l'accession dans le neuf et 3,79% pour l'accession dans l'ancien. Mais les durées ont également chuté fortement en moyenne, ce qui n'a pas permis aux emprunteurs de voir les mensualités baisser : si la réduction des durées est très modérée dans le neuf (228 mois en mars 2012 contre 231 mois en février et 237 mois en juillet 2011), elle est en revanche rapide dans l'ancien (211 mois en mars 2012 contre 222 mois en février et 226 mois en juillet 2011).
Une grande part du recul de la distribution est imputée à l'attentisme sur l'issue électorale, et la restriction des dispositifs fiscaux, comme le prêt à taux zéro ou le "Scellier". Mais les banques semblent être aussi responsables de ce recul par une sélectivité de plus en plus rigoureuse sous la pression des autorités de régulation : limitation des taux d'endettement, demande d'apport personnel et réduction des durées qui limite encore plus la capacité d'endettement...
Le ralentissement s'est aussi apparemment traduit dans les prix : présentant ses résultats trimestriels le 11 avril, la FNAIM met en évidence une baisse de 0,6% au 1er trimestre 2012 dont 0,9% pour les maisons et 0,2% pour les appartements. Ce qui ramène les prix depuis octobre 2011 à un quasi-équilibre. Le ralentissement de la hausse des prix est le plus net à Paris et en Ile-de-France où, il est vrai, les prix avaient connu une véritable flambée depuis fin 2010. Mais les prix des appartements ont tout de même résisté : après avoir connu un repli de -2.4% au 4ème trimestre 2011, ils se sont en effet légèrement redressés de +0.4% à fin mars 2012.
La FNAIM fait globalement une prévision de baisse des prix de 5% pour 2012 et n'attend pas de rebond de l'activité avant la présidentielle ; après tout dépend des aides qui seront décidées... Evitant l'excès de pessimisme, elle estime que la globale de l'activité en 2012 ne sera pas de plus 20%...
Même chose pour les notaires de France : ils ne se prononcent pas sur des chiffres mais tablent sur une baisse moins tranchée qu'en 2008-2009. Quant au président de Century 21 France, Laurent Vimont parie même sur un maintien des prix en 2012 au même niveau qu'en 2011. "On sort de la frénésie et on revient à la raison. Mais la baisse n'est pas durable car la demande de logement est forte", a-t-il affirmé à l'AFP.
D'autres sont plus pessimistes : l'agence de notation Standard & Poor's, dont les mauvaises langues ne manquent pas de rappeler qu'elle n'a pas vu venir la crise des subprime, anticipe une baisse des prix de 15% d'ici fin 2013. Elle fait en effet remarquer qu'en France, quand les capacités d'emprunt diminuent, les prix de l'immobilier baissent. Ainsi, entre septembre 2007 et mars 2009, les capacités d'emprunt ont reflué de 7%, avec à la clé une baisse des prix de 10% entre mars 2008 et juin 2009. "Dans les dix-huit prochains mois, nous attendons une chute de la capacité d'emprunt de même ampleur, indique la note de S & P, publiée hier. Et nous anticipons aussi en 2012 une réduction de 20 % du nombre de prêts immobiliers".
Autre indicateur qui plaide pour un repli des prix : le pouvoir d'achat réel risque de baisser en France : selon Standard & Poor's, au premier semestre, l'inflation atteindrait 1,3%, alors que le revenu disponible n'augmenterait que de 1% et ne connaîtrait pas d'évolution au second semestre. Quant aux taux d'intérêt, ils pourraient grimper à 5% d'ici la fin de l'année, notamment sous l'effet d'une nouvelle dégradation de la France, quelle que soit l'issue de l'élection présidentielle. Le marché immobilier français est le seul en Europe à connaître une poursuite de la hausse des prix pendant près de 5 ans, malgré une brève correction suite à la crise financière de 2007-2008, rappelle l'organisme.
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