Moins de sept ans après sa création, le site de réservation en ligne de logements meublés pour des locations de courte durée, Airbnb, a "levé" entre 450 et 500 millions de dollars, ce qui suppose une valorisation à 10 milliards de dollars. Pour un site Internet cela représente plus que la capitalisation boursière d'un groupe hôtelier comme Hyatt ! La société basée à San Francisco avait déjà levé 326 millions de dollars auprès d'investisseurs prestigieux, comme les fonds de capital-risque Andreessen Horowitz, Sequoia Capital et SV Angel. En octobre 2012, le chiffre de 2,5 milliards de dollars de valorisation avait circulé. En moins de deux ans, celle-ci a donc quadruplé...
Elle reflète le succès commercial d'Airbnb : en 2013, 6 millions de personnes, originaires de 175 pays différents, ont utilisé le site pour une location. C'est deux fois plus qu'en 2012. La plate-forme propose désormais plus de 600.000 appartements, maisons et autres propriétés, à des prix inférieurs en principe à ceux des hôtels.
Mais le site se heurte de plus en plus à la résistance des milieux de l'hôtellerie, qui lui reprochent de leur faire concurrence sans supporter les mêmes contraintes, par exemple de normes de sécurité, et des autorités municipales des grandes métropoles. Par ailleurs, certains propriétaires découvrent que leurs locataires proposent leurs appartements sur la plate-forme sans leur accord. "C'est de la responsabilité de chaque loueur de s'assurer qu'il respecte son bail", affirme pour sa défense Airbnb.
Mais surtout, l'engouement suscité pour la location meublée de courte durée, effectuée grâce au site en toute facilité et discrétion, notamment fiscale, détourne le parc locatif vers cette utilisation et a un effet inflationniste sur les loyers. Aux Etats-Unis, de puissantes associations de locataires comme celle de San Francisco ont commencé à réagir.
La société essaie désormais de trouver des accords avec les autorités, notamment pour le prélèvement de taxes de séjour. A San Francisco, elle vient d'accepter de prélever une taxe de 14% sur toutes les locations. Le choc le plus important s'est produit avec la ville de New York, où un particulier a été condamné en mai 2012 à 2.400 dollars d'amende pour avoir enfreint la réglementation municipale sur les hôtels illégaux en louant une partie de son logement sur la plate-forme. Cette condamnation a finalement été annulée fin septembre. Mais seulement par ce que ce propriétaire ne louait qu'une partie de son appartement en étant présent pendant la location. L'Etat de New York a mis en effet en place plusieurs dispositifs de contrôle, le plus important étant une loi, en vigueur depuis 2010, qui interdit de proposer à la location une chambre ou un appartement pour moins de trente jours consécutifs, à moins que le propriétaire ne soit présent.
Airbnb a annoncé le 21 avril avoir supprimé pas moins de 2.000 annonces new-yorkaises de sa plateforme. Le site a anticipé une action du procureur général de New York, selon qui 64 % des annonces dans la ville concernent en fait un appartement entier.
A Paris, le meublé touristique est également dans le viseur. La loi "ALUR" du 24 mars 2014 a confirmé que la mise en location d'un logement pour de courtes durées à des clientèles de passage constitue un changement d'affectation qui doit être autorisé, au moyen d'une compensation (retour au logement "normal" d'une surface équivalente ou d'une fois et demie supérieure...). La lutte contre cette pratique, lancée sous Bertrand Delanoë, a des chances de s'intensifier sous la nouvelle mandature, comme l'a confirmé Ian Brossat, adjoint PCF au maire de Paris en charge du logement. Pour lui, les meublés touristiques "entretiennent (...) la spéculation immobilière car ils se louent deux, trois voire quatre fois plus cher par rapport à la location traditionnelle", a-t-il expliqué au au quotidien Le Parisien. Les locations illégales à Paris concerneraient entre 20.000 et 30.000 biens, selon les chiffres de la mairie. En 2013, pas moins de 420 contrôles été effectués, et 44 ont fait l'objet d'un signalement au procureur. Le propriétaire de cinq meublés touristiques a été condamné à 25.000 euros d'amende pour chacun d'eux. Une astreinte pouvant atteindre jusqu'à 1.000 euros par jour et par m² peut aussi être appliquée !
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