La décision annoncée le 22 juillet de baisser uniformément de 5 euros par mois toutes les aides personnelles au logement (APL et allocations de logement) à compter du 1er octobre est unanimement critiquée : relevant de la logique du rabot, manié sous la pression des déficits, elle s'attaque à une dépense publique tout aussi unanimement jugée inefficace, mais en ignorant les raisons pour lesquelles elle a atteint de tels sommets (18 milliards par an en 2017 !). Même si le montant de la réduction peut paraître minime, elle concerne une dépense contrainte qui absorbe une part importante du budget des ménages, et elle bénéficie aux plus modestes d'entre eux : 6,5 millions de ménages dont 60% sont sous le seuil de pauvreté ! Et la mesure passe d'autant plus mal qu'elle est annoncée quelques jours après l'annonce du maintien, malgré les déficits, de la suppression de l'ISF sur les patrimoines non immobiliers...
Pris de court, le nouveau ministre en charge du logement promet maintenant que la loi logement annoncée pour l'automne comportera une réforme des aides au logement, mais en réalité, s'agissant des aides personnelles, il n'en a aucune idée !
Certes, les économistes comme la Cour des comptes s'accordent sur l'effet inflationniste de ces aides, particulièrement flagrant pour le logement étudiant (environ 800.000 locataires). Pour ce type de logements, les propriétaires s'adressent à une clientèle qui n'a pas d'antériorité de ressources et qui a donc droit au maximum en fonction du loyer. Ils fixent ce dernier en conséquence, et s'offre le luxe d'annoncer des prix APL déduite ! C'est également vrai dans le reste du logement privé dans les zones tendues, là où la demande excède l'offre : ayant le choix entre une pléthore de candidats, les propriétaires ont beau jeu de fixer le loyer au maximum soutenable compte tenu des ressources des locataires. Si ceux-ci sont aidés, cette aide va donc directement dans la poche de propriétaires !
C'est moins vrai dans les zones non tendues où les loyers du logement privé se calent sur ceux du logement social, et c'est encore moins vrai pour le logement social dont les loyers sont plafonnés réglementairement. Cela représente plus de la moitié des allocataires. Et c'est là que se situent les populations les plus fragiles.
Impossible donc socialement de réduire uniformément les APL sans ponctionner le pouvoir d'achat des catégories de ménages qui en ont le moins ! Le marché locatif s'est ajusté aux aides et les loyers ont pu croître autant que le permettaient les APL. Pour le marché privé, l'ajustement a pu être direct. Pour le logement social, il s'est effectué sur la durée par les prix des terrains sur lesquels ont été réalisés les logements. Pour réduire les aides, il faudrait réduire les loyers en conséquence, ce qui n'est politiquement pas simple !
Côté logement social, c'est quasi-impossible, à un moment où les bailleurs sont sollicités pour construire et doivent parallèlement faire face à des investissements gigantesques de réhabilitation, de désamiantage et de rénovation énergétique ! Seule une action long terme est envisageable, sur le prix des terrains pour les constructions nouvelles, mais cela suppose, dans les zones tendues, une quasi-nationalisation des terrains disponibles. On entend d'ici les hurlements des propriétaires, et surtout des collectivités qui font du contrôle du foncier une source appréciable de revenus ! Côté logement privé, une réduction serait possible, dans les zones tendues, au prix d'un encadrement, voire d'une réduction autoritaire des loyers. Quel gouvernement en serait capable ?
Tout porte donc à croire que le statu quo perdurera et que ces transferts des contribuables aux propriétaires - pour moitié aux bailleurs sociaux et pour moitié aux bailleurs privés - continueront à grossir, du moins au rythme de la hausse des loyers, qui il est vrai aujourd'hui plafonne, mais aussi à celui de la paupérisation et de la précarisation des locataires, qui ne cesse de croître...
|