La condamnation pénale d'un particulier parisien, auteur de plus de 70 recours abusifs sur des projets immobiliers franciliens, est doublement exemplaire : d'une part parce qu'elle prouve que la voie pénale, crainte par les promoteurs, est efficace, et parce qu'elle peut par sa sévérité inciter désormais les amateurs de recours pour de l'argent à réfléchir à deux fois : Pierre-Alain Wanten, fondateur il y a quelques années d'Apure (Association pour un urbanisme responsable et écologique), vient en effet d'être condamné pour escroquerie à trente mois de prison avec sursis, en sus d'une lourde sanction financière. Son association servait à déposer des recours qu'il ne retirait que moyennant finance.
Tout est parti d'une plainte de la Société foncière lyonnaise (SFL), à qui Pierre-Alain Wanten réclamait 600.000 euros. La justice déroule alors la pelote et découvre que « Apure ou son fondateur en direct avaient déposé au total 58 recours gracieux et 23 recours contentieux en 734 jours ! », a confié l'avocat de SFL, Alexandre de Konn, du cabinet LPA-CGR, au quotidien Les Echos.
Les banques ne financent pas un projet objet d'un recours, beaucoup ont payé pour éviter le blocage. Ainsi selon Les Echos, Immo Invest, propriétaire du 114 avenue des Champs-Elysées, a versé 250.000 euros pour éviter un retard qui aurait rendu caduque le bail avec Apple si son Apple Store ne pouvait pas ouvrir comme prévu à la fin 2018. Le groupe Lagardère a, lui, payé pour des travaux au siège d'Europe 1, etc. Le réassureur SCOR récolte la palme de la transaction la plus élevée, à 296.000 euros, rapporte le magazine Society. Au total, Pierre-Alain Wanten aura touché 1,6 million d'euros.
Les faits étant établis, le jugement a été rendu en un an, soit un délai plutôt court. Le fondateur d'Apure, qui a fait appel, devra rembourser les sommes perçues et les dommages financiers causés. La condamnation est hors de proportion avec ce qui aurait pu être obtenu devant le tribunal administratif, même si depuis 2013 il est possible de demander des indemnités pour recours abusif ; en fait les juges administratifs hésitent à qualifier un recours d'abusif : sur plus de 400 demandes d'indemnités faites à ce jour, seules trois ont été accordées, de 2.000 à 4.000 euros sauf une qui est montée à 82.000 euros il y a trois ans, indique l'avocate de SFL, citée par Les Echos...
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