FICHES PRATIQUES LOCATAIRES
Colocation - le cautionnement, la solidarité entre colocataires, le départ ...
Colocation - le cautionnement, la solidarité entre colocataires, le départ ...
Aussi curieux que cela paraisse, aucun texte ne prévoit explicitement la pluralité de locataires en dehors de ceux concernant le logement familial des époux !
Les contraintes nées de cette pluralité doivent être déduites des dispositions plus générales du droit des contrats et des obligations conventionnelles, régi par le Code civil, dont l’application dans le domaine de la location est complexe, y compris pour la grande majorité des professionnels, et qui est rarement abordée dans les analyses destinées au grand public, ou alors avec prudence ou de façon très allusive…

La colocation une spécificité non-prise en compte


Cette non-prise en compte de situations qui, ne serait-ce qu’avec le développement du concubinage, deviennent de plus en plus fréquentes au point de faire des bons pères de famille d’antan une catégorie sociologiquement minoritaire, se traduit par des difficultés notamment dans trois contextes :

- à la signature du bail, s’il faut apporter des cautionnements ;
- en cas de volonté de départ d’un ou plusieurs des colocataires
- en cas de non paiement de leur quote-part du loyer et des charges par un ou plusieurs des colocataires ;

Dans ces trois cas, les règles légales et accessoirement les clauses du bail ne prévoient pas du tout les choses comme l’imaginent en général les colocataires ou candidats colocataires, d’où des déconvenues cuisantes !
En réalité pour une raison simple : les baux consentis par les propriétaires ne comportent pas une spécialisation par colocataire des obligations des preneurs (paiement du loyer et des charges, entretien du logement, voire respect des parties communes et de la tranquillité de l’immeuble), ce qui crée une solidarité de fait, renforcée en général par une clause de solidarité explicite présente dans une grande majorité des formules utilisées…

La non-spécialisation des obligations


On peut le regretter mais les propriétaires, et a fortiori leurs mandataires professionnels quand ils y ont recours, n’entendent pas « diviser » les obligations du bail entre les co-preneurs : ce ne serait au demeurant pas simple sur le plan contractuel, car une telle approche équivaudrait pour le propriétaire à louer des chambres avec usage de locaux communs qu’il faudrait définir avec précision ; par ailleurs, il serait immanquablement amené à intervenir dans les relations entre colocataires ce qui n’est certainement pas une perspective attrayante pour un bailleur, si tant est qu’elle le soit pour les colocataires…
Dans les formules classiques de bail utilisées, les obligations au paiement du loyer et des charges, ainsi qu’au respect des autres conditions de la location sont souscrites conjointement par tous les colocataires ; non « spécialisées », elles sont alors réputées « indivisibles », ce qui implique qu’elles sont dues, du moins tant qu’elles n’ont pas été dénoncées, en totalité par chacun des colocataires ! L’article 1222 du Code civil est très précis : « chacun de ceux qui ont contracté conjointement une dette indivisible, en est tenu pour le total, encore que l'obligation n'ait pas été contractée solidairement »)…
L’indivisibilité crée donc une solidarité de fait, une sorte d’indivision informelle, qui vaut même en l’absence d’une clause de solidarité explicite ; elle vaut pour le loyer, et a fortiori pour les autres obligations !

Une conséquence : le délicat problème des cautionnements



Du fait de l’indivisibilité des obligations, un cautionnement proposé par un des colocataires ne peut porter que sur leur totalité, et donc couvrir en particulier la totalité du loyer et des charges ! Impossible en effet, si le bailleur n’accepte pas – ce qui est le cas général – de diviser le paiement entre les colocataires, de limiter, comme le voudraient souvent les candidats à la colocation, la caution d’un parent à leur seule quote-part ! Or on comprend les réticences d’un père, d’une mère ou d’un oncle à s’engager pour le loyer total et les charges d’un 5 pièces dans un beau quartier pour des amis qu’il ne connaît pas forcément, voire des colocataires recrutés pour l’occasion !

La solidarité entre les preneurs


Elle est dans tous les cas la conséquence de la non-spécialisation des obligations des preneurs, et donc de leur indivisibilité.
Mais comme deux précautions valent mieux qu’une, les bailleurs avisés ou leurs mandataires ne manquent en général pas d’y ajouter une clause de solidarité contractuelle, ce qui a surtout pour effet, outre de mettre noir sur blanc les effets implicites d’un aspect du droit des contrats que tous les praticiens ne maîtrisent pas forcément, d’en garantir l’application jusqu’à la fin du bail…

Exemple de clause de solidarité :
Il est expressément stipulé que les co-preneurs et toutes personnes pouvant se prévaloir de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 seront tenus solidairement et indivisément de l’exécution des obligations du présent bail.

La solidarité est définie par l’article 1200 du Code Civil : « Il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier ».
La solidarité implicite ou explicite entre les preneurs joue en faveur du propriétaire, qui peut, par exemple en cas d’impayé, poursuivre chaque colocataire pour la totalité de la dette, mais aussi en réalité en faveur des colocataires eux-mêmes car, en cas de défaillance de l’un d’eux dans l’exécution de ses obligations, ceux qui auront suppléé à sa défaillance pour ne pas créer d’incident avec le bailleur peuvent agir à son encontre : cela s’appelle une action en répétition que l’article 1214 du Code Civil encadre avec précision : « le codébiteur d'une dette solidaire, qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les part et portion de chacun d'eux. Si l'un d'eux se trouve insolvable, la perte qu'occasionne son insolvabilité se répartit, par contribution, entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a fait le paiement ».

Le départ d’un ou plusieurs des colocataires


Nul ne peut empêcher un ou plusieurs des colocataires de donner congé du bail et quitter la location sans être suivis par les autres ! La question est alors de savoir quel est le sort du bail pour ces derniers, et les choses sont loin d’être simples !

le sort du bail

La première question-clé est en fait de savoir si le congé de l’un des colocataires met fin ou non au bail pour les autres colocataires.
La jurisprudence semble avoir lié la poursuite du bail avec les colocataires restants à l’existence ou non d’une solidarité de droit – celle des époux, que l’article 1751 du Code Civil rend co-titulaires du bail qui leur sert d'habitation, même s'il a été signé que par l'un des deux, ou celle des partenaires d'un « PACS » (pacte civil de solidarité – article 515-4) – ou souscrite par une clause explicite dans le bail.
Cette position est logique : puisque celui qui donne congé continue à être engagé aux obligations du bail comme s'il ne quittait pas les lieux, pourquoi le bailleur trouverait-il à y redire ? On objectera peut-être que le co-preneur partant aura d'autres charges de logement à supporter et que ses revenus, qui suffisaient pour une location, ne suffiront peut-être pas pour deux, mais la jurisprudence n'a pas semblé s'en soucier à ce jour...
Cela implique-t-il dans les autres cas (co-preneurs ni mariés ni "PACSés" sans clause expresse de solidarité dans le bail) que le congé donné par l'un des colocataires suffise à mettre fin à la location pour le ou les autres co-titulaires ?
C’est possible, mais néanmoins hasardeux pour un propriétaire qui voudrait adopter cette position, car il n’y a pratiquement pas de jurisprudence dans ce cas de figure, il est vrai assez rare vu la présence quasi-systématique dans les baux de la clause de solidarité explicite…
On peut aussi s’interroger sur la validité de clauses vues dans certains baux, qui stipulent qu’en cas de congé délivré par l’un d’eux, les colocataires s’engagent à donner congé dans un délai spécifié ! Là encore la jurisprudence n’est d’aucun secours, mais le propriétaire qui compterait dessus serait bien imprudent : une telle clause équivaut à un congé conditionnel donné d’avance par les colocataires ; une telle clause, acceptée par des colocataires désireux d’obtenir à tous prix la location convoitée serait probablement considérée comme léonine, et de ce fait réputée « non écrite »…

la solidarité jusqu’à quand ? Incertitude à l’échéance du bail

La seconde question-clé est de savoir si la solidarité entre les colocataires d’origine, et par conséquent la pérennité du droit au bail des colocataires restants pouvait-elle être limitée dans le temps ?
En l’absence de clause de solidarité explicite, on conçoit assez bien que la solidarité du partant cesse à la date d’effet de son congé. Par contre, celle résultant d’une clause explicite, sauf rédaction particulière de la clause, s’exerce nécessairement jusqu’à la fin du bail. Mais s’arrête-t-elle à son échéance ?
D’aucuns soutenaient que non, et que cette solidarité continuait notamment après le renouvellement tacite du bail à son échéance.
Une jurisprudence récente a mis les choses au point : dans un arrêt de la 3ème chambre civile du 12 juillet 2000, la Cour de cassation a considéré que la solidarité de co-preneur cessait lors de la tacite reconduction du bail, sa lettre de congé pouvant valoir implicitement opposition à la reconduction du bail à son égard...
A contrario, il faut par contre en conclure qu’en l’absence de congé explicite, la solidarité du partant continue avec le bail renouvelé…
Mais cette clarification pose une autre question : la conséquence induite de cet arrêt serait-elle que le bailleur, dès lors que la solidarité du partant s’arrête, serait en droit de refuser la tacite reconduction du bail avec le ou les co-preneurs restants à l'issue de la période de bail en cours dès lors qu'il ne bénéficie plus de la solidarité de tous les co-preneurs initiaux ? Ce serait logique, car pour le coup la sécurité de sa location pourrait être sérieusement compromise ! Mais là encore, rien n’est moins sûr :il faudrait qu’il donne congé aux colocataires restants pour la fin du bail pour motif légitime et sérieux, et rien ne permet de garantir qu’en l’absence d’incidents de règlement du loyer et des charges (constituant en eux-même un motif légitime et sérieux), il serait suivi par un tribunal…
Reste enfin le cas où le co-locataire partant présente un remplaçant : sans le secours de la jurisprudence, on peut néanmoins penser que l'acceptation du remplaçant par le bailleur vaut cessation de la solidarité du sortant, à moins que son maintien ne soit expressément stipulée dans l'avenant constatant la substitution…

L’état des lieux et le dépôt de garantie

Le départ d’un des preneurs, lorsqu’il ne met pas fin au bail, ne donne pas lieu à établir un état des lieux avec le bailleur, ni un quelconque droit du partant à récupérer sa quote-part du dépôt de garantie versé par lui lors de leur entrée dans les lieux ! C’est encore une conséquence de la non-spécialisation des obligations vis à vis de chaque colocataire.
Pour le propriétaire, le bail se poursuit en effet comme si de rien n’était avec les colocataires restants, jusqu’à ce qu’il y soit mis un terme, soit par congé simultané de ces derniers, soit par congé donné par le bailleur « justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux » (article 15 de la loi du 6 juillet 1989).
Ce n’est qu’alors que le propriétaire est tenu d’établir l’état des lieux et de rembourser le dépôt de garantie aux locataires sortants, soit globalement à l’un d’eux, soit selon la clé de répartition que ceux-ci conviennent de lui indiquer.
L’état des lieux lors du départ d’un colocataire et la récupération de sa quote-part du dépôt de garantie global est donc l’affaire des colocataires entre eux, le propriétaire n’ayant pas lieu d’être concerné en quoi que ce soit…

le remplacement du colocataire partant

Lorsque le départ d’un colocataire n’entraîne pas les autres à mettre fin à la location, ceux-ci peuvent souhaiter lui chercher un remplaçant. Ce remplacement est cependant tout sauf automatique : d’une part la substitution d’un colocataire par un autre doit faire l’objet d’un avenant au bail signé avec le propriétaire par les colocataires restants.
Le propriétaire a parfaitement le droit de refuser, ou celui de poser ses conditions, en termes de garanties à apporter par le nouveau colocataire, de maintien de la solidarité du colocataire partant, et aussi, fréquemment, d’augmentation de loyer…


En cas de mésentente…


Toujours en conséquence du même principe de non-spécialisation des obligations par colocataire, les colocataires ne peuvent, en cas de mésentente, prétendre traiter chacun séparément avec le propriétaire les questions relatives à la location : loyer, charges, réparations, etc. En tous cas, le propriétaire a tout intérêt à refuser de se laisser entraîner imprudemment dans un tel processus, et exiger de traiter avec la collectivité des colocataires, ou un représentant dûment mandaté et doté du pouvoir d’engager les autres.
Les colocataires sont par conséquent condamnés à s’entendre ou se séparer, à moins qu’ils ne trouvent et arrivent à mettre en œuvre un processus élaboré leur permettant de surmonter leurs conflits et de prendre des décisions au moyen de règles de majorité acceptées par tous…


A lire également : Qu’est-ce que la colocation ?

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Des réponses à vos questions !!!

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