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Immeubles neufs (suite) : pourquoi les copropriétés naissent-elles dans la douleur ? Le 23/4/2003
UI - Actus - 23/4/2003 - Immeubles neufs (suite) : pourquoi les copropriétés naissent-elles dans la douleur ?
Si la vie et le fonctionnement des copropriétés ne sont pas simples en temps normal, le contexte particulier de l'immeuble neuf en multiplie les difficultés ! Démarrage d'une copropriété nouvelle, où tout est à faire, programme souvent loin d'être terminé, inévitables défauts de construction et manquements du promoteur, tout concourt à plonger les copropriétaires, alors même qu'ils vivent souvent leur première expérience de copropriété, dans un chaos juridico-relationnel dont ils mettent parfois plusieurs années à sortir, après avoir dépensé beaucoup d'énergie et d'argent ! Malheureusement souvent pour pas grand chose...

Le démarrage de la copropriété

La copropriété d'un immeuble ou ensemble neuf, même si elle est codifiée sur le papier dès avant le premier coup de pelleteuse, ne naît réellement qu'à la première signature de vente s'il s'agit de vente d'immeuble "achevé", et à la première livraison s'il s'agit de vente en "VEFA" (Vente en état futur d'achèvement).

Le promoteur en est le premier syndic en tant que syndic provisoire, ou bien un syndic professionnel est désigné dans le règlement de copropriété. En tout état de cause, cette désignation doit être "soumise à la ratification de cette première assemblée générale" (article 17 de la loi du 10 juillet 1965), ce qui laisse un peu plus d'un an au syndic professionnel pour se faire accepter des copropriétaires et obtenir le renouvellement de son mandat ; si par contre le premier syndic est le promoteur, son délai est plus court car son mandat initial ne peut excéder un an jour pour jour (article 28 du décret du 17 mars 1967) et il doit convoquer les copropriétaires pour élire un syndic dans ce délai...

Les premiers litiges naissent rapidement entre les copropriétaires et le promoteur, qui porte pendant un temps une double voire triple casquette : celle du constructeur, celle de copropriétaire et, losque c'est le cas, celle de syndic ! Ils portent sur les dépenses de l'immeuble juste avant les premières livraisons (électricité, eau, assurance, voire gardiennage, entretien) que le promoteur est souvent tenté de faire prendre en charge par la copropriété - il en supporte ainsi une moindre quote-part, il n'y a pas de petites économies - et aussi sur les contrats que le promoteur souscrit alors qu'il est le seul propriétaire, et qui ne sont pas forcément négociés au mieux, du moins pas dans l'intérêt des copropriétaires...

Souvent aussi, des contrats de location sont souscrits - c'est le cas fréquemment pour les containers - pour des équipements qui auraient du être livrés avec l'immeuble !

Mais les plus gros litiges se cristallisent rapidement à propos des finitions et des défauts de construction et apparaissent lors de la livraison des parties communes...


Les parties communes : réception ou livraison ?

C'est une confusion fréquente : la "réception" des ouvrages construits, que ce soit pour les parties communes ou pour les parties privatives, point de départ des garanties légales, ne relève ni du syndic ni des copropriétaires, mais du seul promoteur, qui a passé les marchés de construction avec les entreprises ! Ensuite, le promoteur "livre" les parties privatives - et les parties communes : voir notre article précédent - aux acquéreurs, et il livre également les parties communes au syndicat des copropriétaires, donc au syndic, et par conséquent à lui-même s'il s'est adjugé cette fonction, mais uniquement pour transfert de responsabilité concernant la garde et l'entretien : le syndicat des copropriétaires n'étant pas partie aux contrats de vente, et notamment des "VEFA", il n'a aucun titre pour bénéficier de la garantie des vices apparents, et encore moins des garanties contractuelles sur les prestations promises aux acquéreurs !


Les malfaçons et les prestations non réalisées

Les acquéreurs de logements neufs ont tendance à amalgamer les défauts de construction (les "malfaçons") et les prestations non réalisées ou pas réalisées comme elles étaient promises dans le descriptif contractuel (les "non-façons"). Pourtant, elles relèvent de régimes totalement différents :

- les malfaçons sont couvertes par les garanties légales, et la police d'assurance "dommages-ouvrage" attachées à la chose vendue, et donc transmises à l'acquéreur, pour les parties privatives mais aussi pour les parties communes dont il devient propriétaire indivis, ainsi qu'au syndicat des copropriétaire pour les parties communes dont il devient dépositaire...

Ces garanties légales sont dues d'abord par les entreprises couvertes chacune par une assurance responsabilité - y compris le maître d'oeuvre pour tout ce qui relève de la conception ou de la surveillance d'exécution, et même les bureaux de contrôle et cabinets d'ingénieurs, chacun pour sa part d'intervention dans l'ouvrage - mais le promoteur est garant de leur mise en oeuvre en application de l'article L261-6 et suivants du Code de la construction et de l’habitation : "Le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus, en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du Code civil"...

- par contre, les non-façons - ouvrages non réalisés, revêtements de qualité inférieure à celle promise, etc. - ne sont quasiment jamais du fait des entreprises (elles réalisent ce que le promoteur leur commandé) et ne sont garanties que par le constructeur ; et surtout, les recours ne peuvent être exercés que par les acquéreurs, même lorsqu'il s'agit de parties communes, car seuls eux sont signataires d'un descriptif engageant le promoteur !

La situation est au demeurant cocasse quand les acquéreurs découvrent qu'ils n'ont pas signé le même descriptif, le projet ayant évolué au fur et à mesure des ventes, ce qui n'est pas rare...

La difficulté pour des non juristes de réaliser cette subtile nuance, qui échappe en général autant au syndic qu'aux copropriétaires, fait perdre beaucoup de temps, d'énergie et aussi d'honoraires dans des actions sans issue parce qu'engagées par un syndicat qui n'a pas qualité pour le faire !


La conformité

En théorie, les acquéreurs sont au moins protégés, notamment sur le plan du respect de la réglementation en matière de sécurité, par la vérification qui doit intervenir de la part des autorités locales de l'urbanisme et de la DDE après la déclaration d'achèvement de l'immeuble de la conformité des ouvrages construits au permis de construire !

Ce n'est malheureusement qu'une protection théorique, par insuffisance de réglementation et aussi par laxisme des notaires : aucun délai n'est imposé au promoteur pour obtenir le certificat de conformité (c'est une obligation qui pourtant lui incombe), et si l'on comprend que les notaires acceptent de signer les premières ventes sans qu'il soit délivré, on comprend moins qu'ils fassent si peu de cas de son absence lors des reventes ultérieures, alors qu'un défaut grave de conformité d'un immeuble, non levé par un promoteur défaillant ou parti dans la nature, peut se traduire par une charge énorme pour les copropriétaires qui devront alors prendre à leur charge les travaux nécessaires pour se conformer à la réglementation !

Une plus grande rigueur n'éviterait pas les abus de confiance, mais une plus forte pression pour obtenir la conformité rapidement rendrait nécessairement les promoteurs, et en particulier les semi-professionnels, moins désinvoltes sur le sujet, et les acquéreurs plus prudents !

Le problème est surtout que les non-conformités ne sont pas toujours des malfaçons mais souvent des non-façons, donc ne relevant pas du syndicat des copropriétaires, et couverts par aucune garantie autre que celle, contractuelle, du vendeur d'immeuble construit ou à construire...


A suivre...
La semaine prochaine (fin) : aller en justice ou pas, et comment ?

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