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Charges de copropriété (2ème partie) : des travaux de plus en plus lourds à prévoir Le 21/12/2004
UI - Actus - 21/12/2004 - Charges de copropriété (2ème partie) : des travaux de plus en plus lourds à prévoir
L'envolée actuelle des charges courantes des copropriétés, en grande partie encore liée à des facteurs conjoncturels comme la hausse des coûts des combustibles, est déjà et sera encore plus dans les années à venir relayée par des augmentations de coûts plus structurelles, comme celle des tarifs d'assurance, du coût de l'eau, des frais de personnel, du coût d'entretien des équipements et surtout des travaux d'entretien lourd, ou de mise en conformité par rapport à des réglementations de plus en plus contraignantes, visant à protéger la sécurité et la santé des occupants - ascenseurs, réseaux internes de distribution d'eau - sans compter l'extension envisagée aux bâtiments existants de contraintes liées à la réglementation thermique ou à l'accessibilité aux handicapés...

(Suite de la 1ère partie : Les charges de copropriété s'envolent, et ce n'est pas fini...)

Un parc vieillissant, à l'entretien de plus en plus coûteux

Si le parc des copropriétés est alimenté régulièrement de constructions neuves, une grande partie des immeubles appartient à deux catégories dont le coût d'entretien va aller en croissant :

- les immeubles d'avant les années 50 : anciens immeubles de rapport mis en copropriété pour être vendus par appartements, le plus souvent à l'occasion des successions, ils commencent avec l'âge à présenter des pathologies d'autant plus délicates à traiter qu'elles affectent leurs structures ou équipements les plus cachés : ossatures verticales et planchers en bois ou métalliques, canalisations encastrées, fondations... La plupart du temps ces pathologies apparaissent à l'occasion de travaux : ravalement, reprise de fissures, ou rénovation de parties communes ; leur découverte fait parfois tomber le ciel sur la tête des copropriétaires, car les reprises de structure ou de fondations leur incombent et les factures se chiffrent en dizaines voire en centaines de milliers d'euros ! Quand il ne s'y ajoutent pas des frais de procédure le plus souvent en pure perte quand les copropriétaires succombent à la tentation de faire porter le chapeau à quelqu'un : le syndic (l'actuel ou les anciens) pour "défaut d'entretien", ou un copropriétaire auteur de travaux censés avoir entraîné les désordres...

- les immeubles des années 70-90 : constituant le gros de la construction en copropriété, longtemps considérés comme neufs ou récents, ils arrivent au stade de leurs premiers entretiens lourds : reprise de revêtement de façade ex-"modernes" aujourd'hui ruinés (pâtes de verre, parements pierre de taille mal traités, etc.), menuiseries extérieures à bout de souffle, charpentes industrialisées déformées, canalisations enterrées à refaire, chaufferies et réseaux à rénover lourdement, piscines et tennis à refaire, etc.


Application des nouvelles réglementations : un programme chargé

Aux contraintes de l'entretien normal des bâtiments vont s'ajouter dans les années à venir deux grands postes de dépenses rendus obligatoires pour un grand nombre d'immeubles concernés par l'adoption de réglementations sévères : la mise en sécurité des ascenseurs, et la suppression ou le traitement des canalisations en plomb pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine, deux domaines où une partie au moins des prescriptions réglementaires est largement justifiée par l'ancienneté des installations :

1. la mise en sécurité des ascenseurs

L'obligation, résultant d'une loi, d'un décret et de trois arrêtés d'application (1), concerne tous les ascenseurs installés avant le 27 août 2000, dont il faut rappeler que deux tiers ont plus de vingt ans d'âge ! Elle comporte trois volets : une obligation de contrôle technique tous les 5 ans, la première fois devant intervenir avant le 3 juillet 2009, une nouvelle définition du contrat d'entretien minimal à laquelle il faudra convertir les contrats en cours d'ici le 30 septembre 2005, ou pour ceux arrivant à échéance après cette date lors de leur échéance de renouvellement, et enfin une liste de travaux de sécurisation censés palier les 17 risques sélectionnés début 2002 par un groupe de travail auprès de l'AFNOR, composé d'experts, de représentants des ascensoristes, des consommateurs et de bailleurs, chargé d'identifier les causes d'accidents et de proposer des solutions techniques chiffrées pour sécuriser les ascenseurs existants.

Ceux-ci, qui peuvent se monter de 5 à 20.000 euros, voire plus, par ascenseur suivant l'âge et les caractéristiques de l'installation, mais aussi en fonction du niveau de sécurité souhaité, devront être réalisés d'ici trois échéances successives :

- avant le 3 juillet 2008 : les dispositifs concernant la sécurité des portes palières, la protection des cages semi-ouverte des anciens ascenseurs, les dispositifs de "parachute" et limiteurs de vitesse, la protection contre les chutes en gaine lors d'une désincarcération, et des dispositifs de protection du personnel intervenant sur l'installation ;

- avant le 3 juillet 2013 : dans les ascenseurs installés avant le 1er janvier 1983, un dispositif de précision d'arrêt de la cabine (2cm), et pour toutes les installations qui n'en sont pas pourvues un dispositif de téléalarme en cabine et divers dispositifs de protection des personnels intervenants ;

- avant le 3 juillet 2018 : dans les ascenseurs installés après le 31 décembre 1982, un système de contrôle de l'arrêt et du maintien à niveau de la cabine pour assurer, à tous les niveaux desservis, un accès sans danger ainsi que l'accessibilité aux handicapés, et dans les ascenseurs électriques à adhérence, un système de protection contre la survitesse en montée...


Il sera bien entendu dans l'intérêt des copropriétés d'aborder les trois aspects de façon coordonnée, en commençant, pour ceux en tous cas qui ne l'ont jamais fait ou ne l'on pas fait depuis longtemps, par le contrôle technique : celui-ci mettra en évidence les points de non respect de l'installation actuelle par rapport à la nouvelle réglementation, mais aussi les manquements éventuels de l'ascensoriste par rapport à ses obligations d'entretien en application de son contrat passé.

La mission du contrôleur pourra ensuite être étendue - ou relayée par une mission d'assistance et de conseil - à la détermination des travaux réellement nécessaires du double point de vue du souci de sécurité et de celui du respect de la réglementation, ainsi qu'à la définition du contrat d'entretien le plus approprié, et notamment du "plan d'entretien" strictement nécessaire à mettre au point avec l'ascensoriste en fonction du type d'installation et des risques liés à son usage dans le contexte précis de l'immeuble (voir l'arrêté relatif à l'entretien)...


2. la suppression ou le traitement des canalisations en plomb

L'obligation résulte de la transposition dans le droit français d'une directive européenne (2), aux termes de laquelle en particulier la teneur maximale en plomb dans l'eau arrivant au robinet des consommateurs ne doit pas, depuis le 25 décembre 2003, dépasser 25 microgrammes par litre, contre 50 auparavant. Cette transposition a été effectuée par un décret publié en 2001 (3).

La suppression des canalisations et branchements en plomb des réseaux publics de distribution, depuis plusieurs années, permet en général d'après le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) de respecter cette nouvelle réglementation. En revanche, les spécialistes s'accordent pour considérer que la deuxième étape, qui impliquera l'abaissement le 25 décembre 2013 à 10 microgrammes par litre, constitue un véritable défi. Pour atteindre ce seuil, il faudra impérativement intervenir sur les réseaux de distribution de l'eau à l'intérieur des immeubles, voire même sur celui à l'intérieur des logements ! Plus du tiers des canalisations des logements français et des branchements publics sont encore en plomb, selon les estimations.

Ce qui n'implique pas forcément leur remplacement : des techniques apparaissent permettant un traitement de l'intérieur des canalisations, supprimant le contact direct de l'eau avec le métal incriminé !

La difficulté réside dans la détermination du taux de plomb dans l'eau délivrée aux utilisateurs : la directive européenne de 1998 a en effet introduit une nouveauté de taille en faisant porter la réglementation sur l'eau délivrée au point de puisage et non plus à l'entrée du bâtiment ! Du coup, la nouvelle réglementation rend les propriétaires et gestionnaires d'immeubles responsables de la qualité de l'eau fournie, et non les seuls distributeurs !

Les méthodes de mesure en sont également rendues complexes (prélèvements à heures et endroits multiples), et il a fallu attendre une norme de l’AFNOR (Agence Française de Normalisation) parue début 2004 (n°P 41-021) pour disposer d'un protocole fiable et reconnu. Cette même norme définit les méthodes de repérage, notamment dans les réseaux mixtes des canalisations et des facteurs favorisant la dissolution du plomb du l’eau.


3. autres programmes en vue

La sollicitude des pouvoirs publics pourrait ne pas s'arrêter là ! En effet, d'ores et déjà, des lois-programmes - c'est la mode du moment - laissent poindre de nouveaux postes de dépenses éventuels dans les prochaines années :

- l'extension aux bâtiments existants de contraintes liées à la réglementation thermique et à la lutte pour les économies d'énergie et contre les l'effet de serre : elle s'appliquera non seulement aux propriétaires de bâtiments qui réalisent des travaux de rénovation importants, mais aussi à ceux qui mettent en place de nouvelles installations comme la chaudière, changent le mode de chauffage ou de production d'eau chaude, ou qui changent les fenêtres ou modifient la ventilation ou des murs en contact avec l'extérieur, et qui seront tenus de respecter les exigences portant sur leurs caractéristiques thermiques ; par ailleurs, le bon fonctionnement des systèmes de chauffage et de climatisation devra être contrôlé (4)...

- l'amélioration de l'accessibilité des bâtiments d'habitation aux handicapés, prévue dans le cadre de la réforme de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 (5) : des décrets devront fixer "les modalités relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées que doivent respecter les bâtiments ou parties de bâtiments d'habitation existants lorsqu'ils font l'objet de travaux, notamment en fonction de la nature des bâtiments et parties de bâtiments concernés, du type de travaux entrepris ainsi que du rapport entre le coût de ces travaux et la valeur du bâtiment au-delà duquel ces modalités s'appliquent"... Le texte dans son état actuel prévoit tout de même que ces décrets devront fixer "dans quelles conditions des dérogations motivées peuvent être autorisées en cas d'impossibilité technique ou de contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural, ou lorsqu'il y a disproportion entre les améliorations apportées et le coût de la mise en accessibilité ou lorsqu'il y a disproportion entre cette mise en accessibilité et les conséquences, notamment sociales, qui pourraient en résulter"...


Entretien lourd ou mises en conformité : s'adjoindre les compétences nécessaires...

Petits et gros travaux sont le plus souvent engagés sans programmation ni vision d'ensemble, mais aussi très fréquemment sans connaissance intime de l'immeuble, de la nature et de l'état ses composants, et de ceux de ses équipements. Chacun de ces éléments exige en fait des connaissances et une technicité supérieure à ce qu'on croit dans les copropriétés ! Des compétences qui dépassent en tous cas celles normalement requises des syndics, qui - il faut le rappeler - doivent surtout être de bons administrateurs et non des experts en bâtiment !

La nécessité de s'adjoindre les compétence et l'assistance technique nécessaire existe donc dès lors que des travaux importants sont envisagés - ravalement dès lors que la qualité du support ne garantit pas l'absence de complications, travaux sur le chauffage collectif ou les réseaux, etc. - et il ne peut être question de se fier uniquement aux prestataires, qui ne disposent pas de l'indépendance ni toujours des compétences nécessaires...

La sécurisation des ascenseurs, coordonnée avec la nécessaire modernisation des installations les plus anciennes, ne peut aussi s'envisager sans le recours tout au long du processus - évaluation de l'installation et de son état d'entretien, fixation du plan de travaux de mise en conformité, et négociation du nouveau contrat d'entretien - à l'assistance d'un bureau d'études spécialisé (tous les grands "bureaux de contrôle" s'organisent en conséquence, sans compter les cabinets de consultants et les "experts" indépendants), le risque étant pour ceux qui ne se fieraient qu'à leur ascensoriste, de se faire prescrire, au motif que la sécurité n'a pas de prix, des travaux coûteux et un plan d'entretien sans utilité réelle pour leurs installations et l'usage qui en est fait...

Pire : le risque est aussi pour les copropriétés de se voir incitées à financer des équipements de caractéristiques plus performantes venant en remplacement d'anciens qui auraient dû être remplacés dans le cadre du contrat complet : par exemple installer aux frais de la copropriété un moteur à variateur de fréquence à la place de l'ancien moteur qui aurait été à remplacer dans le cadre du contrat, avec de surcroît l'avantage pour l'ascensoriste de ne plus avoir à procéder aux réglages périodiques...

Dans un tel cas, mieux vaut être averti, et disposer d'arguments solides pour résister à l'argumentaire commercial de l'ascensoriste, ou, si l'on souhaite néanmoins bénéficier de l'amélioration de confort et de l'économie d'énergie apportée par ce type d'équipement, pour faire prendre en charge une bonne partie du coût par celui-ci !


La programmation pluriannuelle et le provisionnement des travaux : plus que jamais une nécessité !

L'ampleur des travaux qui doivent être envisagés dans un grand nombre de copropriétés dans les cinq à dix années à venir exige une anticipation et une programmation rigoureuses ! Il ne peut plus être question ni de lancer les consultations au coup par coup, à quelques semaines de l'assemblée annuelle où les travaux seront présentés, ni d'attendre le dernier moment pour appeler les fonds, quelques semaines avant l'arrivée des factures ! Les copropriétaires actuels comme les acquéreurs potentiels en cas de mise en vente de lots doivent savoir à quelles dépenses ils vont avoir à faire face, et pouvoir s'y préparer ; comme rares sont ceux qui peuvent régler d'un coup et sous quinze jours des demandes de paiement équivalant à plusieurs années de charges, le provisionnement par appels progressifs sur plusieurs années pour les uns, le recours systématique au crédit proposé par la copropriété pour les autres, deviennent nécessaires et incontournables !

Les rédacteurs du décret d'application de la loi "SRU", auteurs également de toutes les réglementations génératrices d'une bonne partie des dépenses futures, l'ont en tous cas bien anticipé en insérant dans le décret du 17 mars 1967 une disposition autorisant le syndic à exiger le versement d' "avances correspondant à l'échéancier prévu dans le plan pluriannuel de travaux adopté par l'assemblée générale" (article 35 modifié), alors que jusque là l'assemblée ne pouvait décider que la constitution de "provisions spéciales en vue de faire face aux travaux d'entretien ou de conservation des parties communes et des éléments d'équipement commun, susceptibles d'être nécessaires dans les trois années à échoir"...

Si le provisionnement des travaux futurs n'est pas encore retenu comme obligatoire dans les règles comptables en préparation pour les syndicats de copropriétaires, et dont le décret est à présent imminent, l'administration donne néanmoins ainsi un signal en faveur de pratiques encore loin de l'état d'esprit des copropriétaires, et pourtant de droit dans la moindre des sociétés immobilières !


(1) loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 "Urbanisme et habitat"

Textes d'application :

- décret n° 2004-964 du 9 septembre 2004 relatif à la sécurité des ascenseurs et modifiant le code de la construction et de l'habitation

- arrêté du 18 novembre 2004 relatif aux contrôles techniques à réaliser dans les installations d'ascenseurs

- arrêté du 18 novembre 2004 relatif à l'entretien des installations d'ascenseurs

- arrêté du 18 novembre 2004 relatif aux travaux de sécurité à réaliser dans les installations d'ascenseurs

Voir aussi :

- notre fiche technique sur les ascenseurs, ainsi qu'une récapitulation de tout ce qui est en ligne sur notre site sur le sujet...

- un dossier-guide très complet en ligne sur le site du ministère du logement


(2) directive du Conseil de l'Union européenne n°98/83/CE du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine

(3) décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine, à l'exclusion des eaux minérales naturelles

(4) article 6 du projet de loi d’orientation sur l’énergie - voir le dossier législatif et notre brève

(5) article 21 du projet de loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées - voir le dossier législatif

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