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 Convocation irrégulière : 2 mois ou 10 ans ?
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JPM
Pilier de forums

13591 réponses

Posté - 21 nov. 2003 :  11:56:05  Voir le profil  Voir la page de JPM
La Cour de cassation semble prendre conscience des difficultés générées par la non application du délai de l'article L 42 alinéa 2 (deux mois à compter de la réception de la notification) aux demandes d'annulation des décisions prises par une assemblée irrégulièrement convoquée.

Le revirement marqué par l'arrêt du 13 novembre 2003 est limité mais on ne peut le négliger.

En l'espèce il s'agissait de l'omission dans la convocation envoyée du projet de résolution imposé quand l'assemblée doit délibérer sur une autorisation à donner au syndic pour agir en justice (art. D 55).

Le copropriétaire assigné demandait l'annulation de la décision de l'assemblée autorisant le syndic à l'assigner en invoquant cette omission. Il n'avait pas contesté la décision dans le délai de deux mois mais l'invoquait par voie d'exception (= comme moyen de défense) dans le cours de l'instance engagée pour obtenir la démolition d'une construction irrègulière.

La Cour de cassation juge qu'il aurait du agir en nullité dans le délai de deux mois et qu'il ne pouvait invoquer la possibilité d'agir dans le délai de 10 ans, même par voie d'exception.

Raisonnement de la Cour de cassation : l'omission du document à joindre ne rend pas la convocation irrégulière. Elle empêche seulement la décision d'être valablement adoptée !

Les juristes se régaleront de cette fine distinction. L'arrêt laisse subsister le délai de dix ans pour contester une assemblée irrégulièrement convoquée. Mais elle vide partiellement la notion d'irrégularité de son contenu.

Les militaires disent dans ce cas qu'on "fait tourner le ratissage".

Rappel : C'est par un arrêt du 8 mars 2000 que la Cour de cassation avait écarté l'effet couperet de l'article L 42 al. 2 dans le cas d'une irrégularité de convocation.

Attendons la suite.



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gaudin_antoine
Pilier de forums

633 réponses

Posté - 21 nov. 2003 :  17:29:26  Voir le profil
JPM,
Tout d'abord, un grand merci pour votre message très instructif.
A l'attention des participants aux présents forums, je me permets de faire valoir les observations qui suivent, à propos de la jurisprudence, en général.
Tout d'abord, on peut indiquer que l'on discute la question de savoir si la jurisprudence est une véritable source de droit.
Ensuite, lorsqu'il s'agit d'apprécier la valeur d'une décision judiciaire, il faut se pencher sur l'identification de la formation qui a rendu la décision dans la hiérarchie des juridictions. Seuls sont susceptibles de constituer des "arrêts de principes", dans l'ordre judiciaire, les arrêts qui émanent de la cour de cassation. En encore, pas tous.
Les arrêts de cassation peuvent être des arrêts de principe. Les arrêts de rejet peuvent revêtir - exceptionnellement - ce caractère, lorsqu'ils procèdent par substitution de motifs. Il en est de même de l'emploi par la cour de formule comme " a pu à bon droit" ou "a pu justement" (en référence avec les motifs donnés par la cour d'appel).
Lorsqu'il s'agit d'arrêt de cassation, il faut s'interroger sur la cause de la cassation. La cassation doit répondre à un cas d'ouverture tiré du fond du droit (pour violation de la loi). Si la raison de la cassation est d'ordre technique (défaut de réponse à conclusions), il ne s'agira pas d'un arrêt de principe.
Enfin, seuls les arrêts publiés au bulletins sont susceptibles d'être des arrêts de principe. En effet, tous les arrêts sont loin de faire l'objet d'une publication et c'est la cour qui choisit quels sont ses arrêts qui méritent publication.
L'arrêt du 13 novembre 2003, mentionné par JPM, au regard de celui du 8 mars 2000, semble dicté par des raisons pratiques. Il conviendrait en effet de ne pas laisser dans l'incertitude la légitimité des décisions de l'assemblée.
Il semble qu'il faille distinguer le vice qui atteint le cadre formel que constitue l'assemblée elle-même (sans égard pour son contenu, par exemple une convocation qui n'est pas faite à l'un des copropriétaires) et le vice qui atteint spécifiquement, en propre, la substance de l'assemblée, c'est à dire les différents points de l'ordre du jour.
Force est alors de reconnaître que, dans le premier cas, l'impossibilité de décider est radicale, alors que, dans le second cas, un simple retranchement de la résolution en cause demeure possible.
Aussi, à un vice important, doit correspondre un délai de prescription long et, à un vice moins grave, doit correspondre un délai plus court.
Une critique cependant : la nature des délais n'est pas la même. Le délai de dix ans est un délai de prescription et le délai de deux mois est un délai de forclusion (effets rigoureux).
En outre, la portée du nouvel arrêt n'est pas aisée à déterminier. En effet, on peut s'interroger sur le point de savoir si le délai de forclusion de deux mois s'appliquera indistinctement à toutes les décisions de l'assemblée, ou s'il convient de réserver un sort particulier aux décisions les plus graves ou les plus importantes. Ces dernières devant alors être redevables de la prescription de dix années, lorsqu'elles auront été prises sur la base d'une convocation affectée d'un vice, au sens le plus large.
De toute manière, il est exceptionnel que la cour de cassation fixe d'emblée toutes les modalités du principe dont elle énonce une première fois la teneur.
En raison de ses règles de fonctionnement, qui veulent qu'elle se limite au cadre du mémoire dont elle est saisie, la cour de cassation procède par touches successives.
Bien cordialement.
Antoine GAUDIN

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JPM
Pilier de forums

13591 réponses

Posté - 21 nov. 2003 :  23:50:06  Voir le profil  Voir la page de JPM
Gaudin a raison de recommander la prudence dans l'exploitation des arrêts de jurisprudence, seraient-ils de la Cour de cassation. Notre Haute juridiction est liée par les moyens de cassation qui lui sont proposés, et auxquels les Magistrats sont tenus de répondre.

Cela explique l'apparente contradiction des solutions apportées à deux litiges identiques ayant fait l'objet de décisions concordantes émanant de deux Cours d'appel différentes. C'es tout simplement que dans l'un des dossier l'auteur du pourvoi a présenté un moyen qui n'a pas été soulevé dans l'autre affaire.

Pour notre affaire de délai de contestation de l'assemblée, il est certain que le législateur a voulu donner un effet ' couperet " au texte qui prévoit un délai prefix, c'est à dire très rigoureux.

Dans ce cas où il y a concordance parfaite entre la lettre et l'esprit du texte, le Juge viole la loi s'il tente d'en restreindre les effets sans pouvoir invoquer un principe juridique encore supérieur.

Le seul motif permettant d'écarter l'application de l'article 42 al. 2 est le défaut (ou l'irrégularité) de convocation du copropriétaire accompagné d'un défaut de notification du procès verbal. En effet :

> le défaut de convocation (ou l'irrégularité) rend l'assemblée inexistante, en en tout cas annulable.
> le défaut de notification fait que le délai de l'article 42 alinéa 2 n'a jamais couru.

On pourrait seulement admettre, et ce serait une bonne chose, que le délai court à partir du jour ou le copropriétaire a incontestablement connaissance des décisions lui faisant grief par une tentative d'exécution de ces décisions. C'est une solution admise dans d'autres domaines du droit.

> Si le copriétaire n'a pas été convoqué mais a bien reçu la notification du procès verbal, il devrait être tenu d'agir dans le délai de deux mois. La loi pourrait prévoir dans ce cas particulier un délai doublé ou, mieux encore, une procédure rapide permettant de faire reconnaître le défaut de convocation et la nullité de l'assemblée (la procédure existe : assignation à jour fixe). En général ces affaires sont simples. Le syndic peut ou ne peut pas justifier la convocation (et éventuellement la notification). S'il peut : le copropriétaire est débouté. S'il ne peut pas l'assemblée est annulée.

Une solution identique pourrait concerner :
> une atteinte manifeste aux droits fondamentaux d'un copropriétaire
> une décision prise sur une question ne figurant pas à l'ordre du jour
> un excès de pouvoir manifeste de l'assemblée

Mais permettre la contestation d'une décision d'assemblée, ou de toutes les décisions d'une assemblée, pendant dix ans c'est juridiquement illégal et pratiquement absurde.

Ce qui ne m'empêche pas de manifester aux décisions de Justice et aux Magistrats qui les rendent le respect qui leur est du.

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gaudin_antoine
Pilier de forums

633 réponses

Posté - 22 nov. 2003 :  02:22:15  Voir le profil
JPM,
Je profite de votre dernier message pour rebondir.
Sur le plan pratique, et celui de l'efficacité, je ne suis pas loin de partager votre point de vue.
Toutefois, sur un plan plus thérorique, je serais un plus nuancé.
S'agissant du délai de deux mois, il s'agit d'un délai de forclusion, ou préfix.
A un tel caractère sont attachés des conséquences rigoureuses : pas d'interruption, pas de suspension, pas de possibilité d'invoquer la nullité par voie d'exception.
ces délais constituent ainsi une exception au principe selon lequel les délais sont normalement des délais simplement de prescription.
Et les dispositions d'exception sont d'interprétation stricte.
De telle sorte que, techniquement, on peut comprendre que les dispositions de l'al. 2 de l'art. 42 soient strictement entendues.
Par ailleurs, vous semblez lier l'exception à l'application de l'al. 2 de l'art. 42 aux conditions cumulatives tenant, d'une part, au défaut ou à l'irrégularité de la convocation et, d'autre part, à l'absence de notification. En outre vous analysez la connaissance manifeste et incontestable de la décision en une confirmation de l'irrégularité tenant à la notification.
Si c'est bien ce qu'il faut comprendre, je ne puis vous suivre, toujours pour des raisons strictement techniques.
De la sorte, en effet, vous demeurez toujours sur le terrain de l'al. 2 de l'art. 42.
Et je ne le pense pas pour des raison exégétiques. Cette disposition concerne les copropriétaires opposants ou défaillants. Sans solliciter abusivement le texte, on peut néanmoins en déduire que le demandeur en nullité doit au moins avoir été en mesure de pouvoir, matériellement, émettre un vote (s'agissant des opposants), ou d'avoir consciemment choisi de ne pas déférer à la convocation (pour les défaillants). Il en va ici des principes fondamentaux du régime de la copropriété, envisagés en tant qu'universalité, et non comme la simple addition des intérêts individuels de chacun des copropriétaires.
L'application de l'al. 2 de l'art. 42 suppose donc que le cadre formel de l'assemblée, c'est à dire la convocation, existe et soit régulier.
A défaut, en cette matière, on ne peut que remonter à l'alinea précédent. Le délai de prescription est de dix ans et son point de départ correspond au moment de la cristallisation de l'irrégularité, soit le jour de l'assemblée frappée d'illicite.
Il s'agit bien d'une action personnelle entre un copropriétaire et le syndicat, née de l'application de la loi de 1965.
En outre, il n'est pas inutile d'observer que cette disposition de l'al. 1 de la loi, qui renferme le principe, se trouve avant l'al. 2 qui se rapporte aux décisions des assemblées (assemblées supposées ici régulières).
Quant à la notion d'inexistence, comme vous l'indiquez, elle est très suspecte.
Au fond, c'est comme s'il fallait distinguer la légalité externe de l'assemblée, de la légalité interne des décisions qui y sont adoptées.
Ceci étant, la majorité de la doctrine approuve une vision intégrale des dispositions de l'al. 2 (Bouyeure, Giverdon et Souleau - contra, Guillot).
Bien cordialement.
Antoine GAUDIN

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JPM
Pilier de forums

13591 réponses

Posté - 22 nov. 2003 :  11:21:45  Voir le profil  Voir la page de JPM
Merci Gaudin pour vos observations.

Je n'ai peut être pas été assez clair au sujet de l'exception à l'application de l'article L. 42 al. 2 en cas de non convocation ou de l'irrégularité de la convocation.

Il faut protéger les droits de la victime, en particulier quand le PV ne lui a pas été notifié. Elle doit conserver le droit de contester mais, à défaut de notification régulière, certains actes peuvent " valoir notification ". Voila ce que je veux dire.

Voyez par exemple l'article 1416 du NCPC en matière d'injonction de payer. Le débiteur a le droit de faire opposition. Encore faut-il qu'il sache qu'une injonction a été délivrée à son encontre. Il peut n'avoir pas connaissance de la signification de l'ordonnance si elle n'a pas été faire à sa personne.

Citation :
Article 1416 NCPC

L'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance.
Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.


Dans ce cas rien n'est perdu pour lui : le délai d'opposition court à nouveau
> après le premier acte signifié à personne
> et encore après la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie ses biens

De même, s'agissant d'une décision d'exécuter des travaux qu'il est susceptible de contester, un premier appel de fonds est effectué. Le copropriétaire ne bouge pas. Ce premier appel a peut être été envoyé, comme la convocation, à une adresse erronée. Le syndic effectue le recouvrement judiciaire et on aboutit à une saisie attribution des loyers dus par le locataire. Le débiteur bailleur en est alors informé d'une manière ou d'une autre.

Si la saisie attribution fait suite à une injonction de payer, le délai d'opposition court à nouveau.

Je dis que pareillement le délai de contestation de la décision peut courir à nouveau. Le débiteur s'informe du motif de cette saisie attribution et apprend qu'une assemblée a eu lieu, dont il n'a pas été informé. Il s'insurge à juste titre.

C'est, d'une part, une mesure de protection à son profit.

C'est d'autre part une mesure l'obligeant à contester, s'il le juge opportun, la décision de l'assemblée sans attendre que le temps passe.

Ce mécanisme liant à une mesure d'exécution la réouverture d'un délai de contestation existe dans d'autres domaines et je pense qu'il faudrait en faire application au cas que nous traitons.

Mais il est vrai qu'il faudrait un texte. Je vois mal la jurisprudence prendre l'initiative d'une extension de ce mécanisme au cas de la contestation d'une décision d'assemblée.

Je n'ai pas souvenir d'une disposition d'ordre générale qui permettrait une telle extension par le Juge. C'est pourtant à vérifier.

Le principal est en l'état de proclamer que la possibilité de faire annuler une décision d'assemblée pendant 10 ans est gravement néfaste. Or les auteurs ne semblent pas choqués par une telle possibilité. C'est étonnant.

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gaudin_antoine
Pilier de forums

633 réponses

Posté - 23 nov. 2003 :  16:43:31  Voir le profil
JPM,
Allez, pour le plaisir, quelques éléments pour rebondir sur votre dernier message !
De lege ferenda, votre système emporterait volontiers mon adhésion. Je n'ai jamais été un adepte des complications pour les complications.
Je suis même preneur de solutions simples, fondées sur des dispositions plutôt génériques et souples qui permettent l'adaptation du texte au gré des circonstances de fait et des situations nouvelles susceptibles d'apparaître (cf. les dispositions du code civil encore en vigueur depuis 1804).
Ceci étant, de lege lata, votre système n'est sans doute pas applicable.
Si je le résume (sous réserve de contresens), vous considérez que tout ce qui rapporte à l'assemblée (cadre formel et résolutions) sont justiciables des dispositions de l'al. 2 de l'art. 42. Toutes les autres actions personnelles relèvent de l'al. 1.
Dans le cadre de l'al. 2, vous considérez que le délai de deux mois court à compter de la notification. A défaut de notification, vous voulez faire courir le délai à compter de la connaissance effective de la décision faisant grief à un copropriétaire, ladite connaissance, assimilable à la notification, pouvant résulter de la mise en oeuvre d'une voie d'exécution, d'un acte de procédure, d'une mise en demeure, etc. (je suppose, au moins, pouvant s'illustrer, officiellement, par un exploit d'huissier pouvant toucher, effectivement, l'intéressé).
Oui, mais comme vous l'indiquez vous-même, la question des délais concernent les droits fondamentaux des justiciables. Les dispositions, sur ce plan, sont de droit strict. A défaut de disposition expresse prévoyant des dérogations particulières, et entendues restrictivement, il faut s'en tenir aux textes, sans qu'il soit légitimement possible de tenir telle ou telle circonstance comme équivalente à la notification prévue par l'al. 2 de l'art. 42. C'est la rigueur de ce délai qui a conduit la jurisprudence à tenir l'irrégularité de la convocation pour redevable du délai de prescription de dix ans.
Rappelons, également, que le délai de deux mois est un délai de forclusion, ou préfix. Techniquement, il est insusceptible d'un report.
Il suffirait, à vrai dire, de seulement modifier ce caractère, pour en faire un délai de prescription, et non de forclusion, pour que votre système fonctionne. La jurisprudence pourrait alors, éventuellement, en adapter la mise en oeuvre dans le sens que vous préconisez et en fonction des circonstances équivalentes que vous relevez.
Bien cordialement.
Antoine GAUDIN

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JPM
Pilier de forums

13591 réponses

Posté - 24 nov. 2003 :  11:20:31  Voir le profil  Voir la page de JPM
Nous sommes parfaitement d'accord.



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