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PABLO2
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Posté - 08 mars 2005 : 11:57:21
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L’arrêt « La Costa » : exonération fiscale des revenus d’immeubles situés en France
Stéphan LE GOUEFF et Eric JUNGBLUT
Luxembourg Introduction
Le 23 avril 2002, la Cour administrative Luxembourgeoise a rendu un arrêt, dans une affaire dite « La Costa S.à.r.l » qui ne manquera pas de retenir l’attention des particuliers ou professionnels qui détiennent des immeubles en France.
Dans cette affaire, en effet, la plus haute juridiction administrative luxembourgeoise a jugé, en substance, que les revenus de biens immobiliers situés en France revenant à une société de capitaux Luxembourgeoise ne peuvent pas être imposés au Luxembourg.
Or, cette position des juges Luxembourgeois est particulièrement remarquable en ce qu’elle prend l’exact contre-pied de la position arrêtée par les juridictions françaises qui, il y a déjà plusieurs années, avaient décidé que dans cette hypothèse particulière, seules les autorités fiscales Luxembourgeoises étaient compétentes pour imposer les revenus immobiliers de la société Luxembourgeoise.
Le résultat de cette divergence de jurisprudence est que les plus values de cession et les revenus locatifs d’un immeuble situé en France et perçus par une société Luxembourgeoise ne sont, pour le moment, imposables ni enFrance et ni au Grand-Duché de Luxembourg.
Une exonération consacrée par la jurisprudence
Au vu de la situation actuelle, le Luxembourg pourrait donc offrir un cadre attrayant pour la réalisation d’opérations de planification fiscale.
L’avantage fiscal dont bénéficie actuellement les sociétés de capitaux Luxembourgeoises s’explique pour l’essentiel par une interprétation divergente des tribunaux luxembourgeois et français de la convention fiscale franco-Luxembourgeoise du 1er avril 1958 (la « Convention »).
Ainsi, le Conseil d’Etat Français a été le premier à donner son interprétation de la Convention, en 1994, dans une affaire dite « Société d’investissement agricole forestier ».
Dans cette affaire, qui avait trait à la question de l’imposition d’une société luxembourgeoise détenant des terrains en France, le Conseil d’Etat français est parti du constat, somme toute exact, que la Convention ne prévoit pas actuellement de règles particulières pour l’imposition des revenus immobiliers des entreprises industrielles et commerciales. C’est pourquoi, devant le silence du texte conventionnel, les hauts magistrats français ont arrêté le principe que, dans un tel cas de figure, il était nécessaire de se référer aux dispositions du droit interne français qui rangent dans la catégorie des recettes commerciales les revenus immobiliers.
Or, comme la Convention prévoit, dans son article 4, que les revenus de telles entreprises ne sont imposables que dans l’Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable et que, par ailleurs, la seule possession d’un immeuble n’est pas suffisante en soi pour caractériser l’existence d’un établissement stable, les juges français ne pouvaient, en toute logique, aboutir qu’à une seule conclusion.
Leur conclusion a ainsi été que les revenus tirés de biens immobiliers situés en France par des sociétés qui ont leur domicile fiscal au Luxembourg sont considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux qui ne sont pas imposables en France à l’impôt sur les sociétés (à moins que ces biens immobiliers ne se rattachent effectivement à un établissement stable situé en France) mais plutôt au siège (luxembourgeois) de la société qui détient l’immeuble.
Cette solution, a été confirmée par l’administration fiscale française qui, dans une instruction du 4 août 2000 , qui indiquait que non seulement la solution retenue par le Conseil d’Etat n’était pas critiquée, mais qu’en outre, il était nécessaire d’en tirer toutes les conséquences en appliquant, notamment, la solution retenue aux plus values de cessions d’immeubles.
Cela étant précisé, il est vrai qu’au moment où l’administration fiscale française renonçait, sur invitation de son conseil d’Etat, à son pourvoir d’imposition, les juridictions Luxembourgeoises n’avaient, pour leur part, pas eu encore à se prononcer sur cette question.
Ce n’est, en effet, que très récemment que les juridictions Luxembourgeoises ont eu à connaître de cette question, d’abord en première instance, puis en appel, dans le cadre de l’affaire « La Costa » qui s’est déroulée entre 2001 et 2002.
Ainsi, dans cette affaire, la société de droit Luxembourgeois La Costa S.à.r.l était propriétaire de trois immeubles acquis en 1991 et situés sur la Côte d’Azur.
De 1991 à 1994 les revenus avait été imposés en France et exonérés au Luxembourg.
Toutefois, par la suite, les autorités fiscales Luxembourgeoises, soucieuses d’éviter que l’application de la convention n’aboutisse en une double exonération fiscale, avaient cru pouvoir se baser sur la position française, pour décider d’imposer la société La Costa Sàrl, et ce, alors que la pratique fiscale luxembourgeoise avait toujours été de considérer que seules les autorités du lieu de situation de l’immeuble, soit la France, étaient compétentes pour imposer.
Or, le tribunal administratif Luxembourgeois, dont la position a été confirmée par la suite en appel, a jugé que l’interprétation des juges français ne pouvait en aucun cas s’imposer à l’administration ou au juge Luxembourgeois.
Les juges Luxembourgeois ont ainsi rappelé que la répartition des compétences fiscales entre les deux Etats contractants étaient en principe définitive et que l’Etat contractant qui avait renoncé par l’effet de la Convention à exercer son pouvoir d’imposition (i.e. le Luxembourg), ne pouvait pas le récupérer au motif que l’autre Etat qui est normalement compétent (i.e. la France) n’exerçait pas son droit.
L’argument de la renonciation d’un Etat à son droit d’imposition ayant été écarté, il restait tout de même aux magistrats à trouver un fondement pour asseoir leur solution.
Ce fondement a été trouvé dans l’article 3 de la Convention, lequel dispose que :
« Les revenus des biens immobiliers et de leurs accessoires, y compris des exploitations agricoles et forestières ne sont imposables que dans l’Etat où les biens sont situés. Cette disposition s’applique également aux bénéfices provenant de l’aliénation de ces biens ».
Le tribunal, suivi dans son raisonnement par la Cour administrative, a estimé que l’article 3 de la Convention posait une règle spéciale qui, à ce titre, devait déroger à la règle générale de l’article 4 de la Convention, règle sur laquelle, pourtant, les magistrats français s’étaient pour partie fondés pour établir leur jurisprudence.
L’article 3 de la Convention ne présentant pas de difficulté d’interprétation particulière, il n’y avait pas lieu de se référer aux dispositions de droit interne Luxembourgeois.
On le voit donc bien, les juridictions luxembourgeoises dans ce cette affaire ont choisi de suivre un raisonnement diamétralement différent de celui suivi par les juridictions françaises.
Dès lors, les conclusions respectives des deux juridictions ne pouvaient, sans doute, que diverger.
C’est ainsi, que conformément à l’article 3 de la Convention, les tribunaux luxembourgeois ont arrêté le principe selon lequel le Luxembourg ne peut en en aucun cas imposer les immeubles situés en France détenus par une société luxembourgeoise.
Une exonération limitée dans le temps
Il découle des jurisprudences actuelles Françaises et Luxembourgeoises, que les revenus locatifs d’un immeuble situé en France et perçus par une société Luxembourgeoise de capitaux ne sont imposables, pour l’heure, dans aucun des deux Etats.
Cette exonération devrait, en toute hypothèse, également jouer pour les plus values de cessions sur immeuble, ainsi que pour l’impôt sur la fortune (luxembourgeois) et ce, conformément aux articles 3 et 20 de la Convention.
Cela étant, on peut s’interroger sur la pérennité d’un tel avantage. Il serait, en effet, peu judicieux de constituer une société Luxembourgeoise et de transférer un ou plusieurs immeubles dans cette société si l’exonération en question ne devait durer que quelques mois.
Les coûts engendrés par la mise en place d’une telle structure supposent, en effet, que cet avantage soit maintenu suffisamment longtemps pour être rentabilisé.
A cet égard, il est difficile de penser que cet avantage sera maintenu indéfiniment. Un jour viendra certainement où la Convention sera modifiée, sans doute sur le modèle de la convention OCDE, et dans ce cas de figure, la France se verra alors reconnaître un droit d’imposition.
Ceci dit, la pratique prouve que la renégociation d’une convention et la ratification subséquente est un processus relativement long.
On notera, à cet égard, que dans le cadre de la renégociation de la convention entre le Luxembourg et les Pays-Bas, dans un cas similaire de double exonération fiscale entre la Hollande et le Luxembourg, près de six années se sont écoulées avant que la convention ne soit effectivement modifiée.
On peut également citer le cas de convention conclue entre le Luxembourg et les Etats-Unis où près de quatre ans s’étaient écoulés entre la conclusion de la nouvelle convention et sa ratification par les deux Etats.
Dès lors, il semble que si la Convention devrait être modifiée pour mettre un terme à l’exonération existante, les patriciens auraient certainement le temps de se retourner pour trouver des solutions adaptées.
Une exonération subordonnée à certaines précautions
Au vu de ce qui précède, certains propriétaires pourraient donc être amenés à réfléchir à l’intérêt de créer une structure luxembourgeoise pour détenir de l’immobilier en France et ce, même s’il est probable, qu’à terme, le vide juridique qui existe aujourd’hui sera comblé.25.03.03
Les propriétaires qui décideront de recourir à ce type de structure devront toutefois s’entourer d’un certain nombre de précautions.
De manière générale, deux précautions devront plus particulièrement être prises pour s’assurer de l’obtention de cette exonération.
Ainsi, la première précaution qui devra être prise à trait à ce que les praticiens désignent généralement sous le vocable de la « taxe de 3% ».
Cette taxe, qui découle de l’article 990 du Code général des impôts français (le « CGI »), vise, en effet, essentiellement à pénaliser, dans certains cas, les personnes qui sous le couvert d'une société étrangère, détiennent un immeuble en France.
En principe, cette taxe est due chaque année et est calculée sur la valeur vénale de l’immeuble. Toutefois, il est possible d’échapper à cette taxe, moyennant le respect de certaines conditions. Ainsi, la taxe n’est pas due, selon le CGI, si la personne morale détenant l’immeuble a son siège dans un Etat lié à la France par une convention fiscale visant notamment à lutter contre la fraude fiscale et qui comporte une clause d’échange de renseignements (ce qui est le cas dans la Convention).
Dans ce cas, le CGI prévoit que la société pourra être exonérée de cette taxe de 3% sous la condition toutefois de déclarer chaque année, auprès des autorités fiscales françaises, l’identité de ses actionnaires et la consistance de son patrimoine.
Quant à la seconde précaution qui devra être prise afin de s’assurer de l’exonération, elle vise à éviter que la société ne puisse être considérée comme étant une société française ou comme ayant un établissement stable en France.
Ainsi, pour éviter d’être qualifiée de société française par le fisc français, la société devra avoir son siège effectif au Grand-duché, ce qui implique notamment que les organes sociaux se réunissent de manière effective au Luxembourg.
De la même manière, la société devra s’assurer que l’immeuble ou les immeubles détenus ne puissent être qualifiés d’établissement stable. Dans cette perspective, la société ne devra alors pas occuper l’immeuble pour ses besoins professionnels et devra sans doute se limiter à une location nue et non à une location meublée. Conclusion
La divergence de jurisprudence qui existe entre les juridictions françaises et luxembourgeoises ouvre des perspectives intéressantes dans la mesure où les plus values de cession et les revenus locatifs d’un immeuble situé en France bénéficient d’une double exonération fiscale et ne sont actuellement imposables ni en France et ni au Grand-Duché de Luxembourg.
Aussi, tant que la Convention ne sera pas modifiée, il devrait être avantageux d’utiliser des structures luxembourgeoises pour l’acquisition ou la détention d’immeubles situés en France.
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