La flambée des coûts de l'énergie remet au goût du jour des mesures datant du premier choc pétrolier dans les années 70, et tombées quelque peu dans l'oubli pendant la période d'énergie bon marché qui y a succédé : tels les répartiteurs de frais de chauffage rendus obligatoires sous certaines conditions dans les immeubles collectifs pourvus d'un chauffage collectif, et ce par une loi du 29 octobre 1974 et un décret du 31 décembre 1979 dont les dispositions sont codifiées aux articles R131-1 et suivants du Code de la construction et de l'habitation (CCH) ! Cette obligation avait toutefois été limitée aux immeubles collectifs ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire avant le 31 décembre 1988, et dont les frais annuels de combustible ou d'énergie nécessaire au chauffage dépassaient un seuil qu'un arrêté du 30 septembre 1991 avait fixé à 40 F/m² : dans ce cas, la mise en service du dispositif devait intervenir avant le 1er octobre 1991. Pour les immeubles plus récents, l'obligation de respect de la réglementation thermique de 1988 était considérée comme conduisant à une consommation d'énergie dont le prix au mètre carré était situé en dessous du seuil fixé.
Le problème est que l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), qui devait fournir les éléments de calcul nécessaires pour l'actualisation de ce seuil n'a pas poursuivi ce travail au-delà de 1993 : du coup, dans une réponse ministérielle de l'an dernier, le ministère du logement a dû reconnaître que les coefficients correctifs actuellement disponibles n'étaient donc plus adaptés à une utilisation en 2006...
C'est pourtant la même ADEME qui relance aujourd'hui les compteurs individuels d'énergie, s'appuyant sur une étude menée de 2004 à 2006 par le COSTIC (Centre d'études et de formation pour le génie climatique et l'équipement technique du bâtiment), montrant que l'installation de compteurs individuels de chaleur dans les immeubles chauffés collectivement permettrait d'économiser jusqu'à 20% sur les consommations, et si l'ensemble du parc concerné était équipé en France, d'économiser 2 millions de tonnes de CO2, soit l'équivalent de la consommation d'énergie de la ville de Lyon !
Or, sur les 12,7 millions de logements collectifs français, 5 millions sont équipés d'un chauffage central collectif, et 10% d'entre eux seulement (500.000 logements) sont équipés de compteurs individuels. Contrairement à d'autres pays européens où ce taux monte à 70% au Bénélux, à 80% en Autriche, et même à 95% en Allemagne, championne toutes catégories…
Une étude menée pour la France par le Syndicat de la mesure sur 4200 logements arrive à un chiffre d'économie d'énergie escomptée de 22% en moyenne, se ventilant entre 33% dans le parc non-HLM, plus dispendieux au départ, et 14% dans le parc social. Il estime donc que les habitants dont le coût annuel d'énergie dépasse les 3 euros/m2/an ont intérêt à s'équiper de compteurs individuels.
De son côté, le COSTIC observe des résultats différents selon le type de bâti, la population abritée, l'implication des gestionnaires, etc. Une copropriété dans le 16è arrondissement de Paris, datant de 1962, voit par exemple sa consommation remonter dès le troisième semestre d'individualisation. A l'inverse, un immeuble de l'OPHLM de Pantin – un bailleur concerné par ces questions - construit en 2002 affiche une économie de 21%.
L'autre problème est la fiabilité et le coût de l'appareillage nécessaire, ainsi que le coût du relevé et du traitement comptable des mesures effectuées dans les logements. Chaque radiateur doit être équipé d'un compteur individuel, de type électronique. Les anciens évaporateurs sont à présent remisés, en raison de leur faible fiabilité. Le prix de la prestation est estimé à 30 euros par an et par logement !
Du coup, ARC (Association des responsables de copropriété) en tête, les associations de consommateurs ne sont pas chaudes, tout comme les syndics de copropriété, pour qui un comptage et une individualisation de consommation de plus - ils font déjà dans de très nombreux immeubles l'individualisation de l'eau froide et de l'eau chaude au moyens de compteurs - représente une charge supplémentaire importante qu'ils craignent de ne pas pouvoir facturer à son juste coût...
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