Réagissant dans un entretien à l'Express à une enquête d'UFC-Que Choisir reprochant aux notaires de servir de "bureaux d'enregistrement au service des promoteurs", le président de l'Institut notarial de l'immobilier, Pierre Bazaille reconnaît "qu'il y a une différence entre les grosses études parisiennes qui ont l'habitude de travailler avec des promoteurs et d'autres notaires locaux qui n'ont pas toujours le professionnalisme que l'on pourrait attendre d'eux".
L'UFC-Que Choisir s'appuie sur plusieurs affaires récentes qui selon elle "témoignent d'une trop grande proximité de certains notaires avec des promoteurs et des défiscalisateurs, et d'une confusion des genres au détriment des acquéreurs qui ont trop tendace à leur faire confiance. Et de citer "trois notaires des Bouches-du-Rhône écroués en janvier 2010 dans l'affaire Apollonia (du nom de ce promoteur spécialisé en défiscalisation qui a ruiné des centaines d'épargnants) ; deux autres, lyonnais, mis en examen en mars dans la même affaire et laissés en liberté contre l'avis du parquet qui réclamait leur mise en détention. Un ex-notaire marseillais (reconverti depuis 2007 en conseil en patrimoine !) condamné à quatre ans de prison avec sursis en mai 2010, là encore pour des malversations liées à des transactions immobilières. Un notaire de Nice mis en examen pour escroquerie et abus de confiance en octobre, toujours sur fond d'immobilier. Un ex-notaire des Côtes-d'Armor poursuivi par un collectif d'investisseurs d'une résidence de Perros-Guirrec", etc. Tout en reconnaissant que "sur plus de 8.700 notaires enregistrant chaque année 4,5 millions d'actes, c'est peu" et n'omettant pas de rappeler "que ceux qui sont mis en examen bénéficient de la présomption d'innocence".
Principal reproche fait aux notaires par l'association de consommateurs : d'avoir laissé des dizaines de milliers de particuliers surpayer ces dernières années des biens acquis en défiscalisation. "Comment les notaires auraient-ils pu l'ignorer ?", s'interroge-t-elle alors qu'ils possèdent la meilleure base de données sur les transactions immobilières de France, baptisée "Perva"l. "A part la Direction générale des finances publiques, personne n'est aussi bien renseigné que les notaires sur les prix de l'immobilier en France", ajoutent les auteurs de l'enquête, constatant que "certains ont pourtant enregistré sans broncher des centaines d'actes de vente concernant des appartements situés dans des résidences dont les prix étaient manifestement déconnectés de la réalité locale".
Cité par Que choisir, le même Pierre Bazaille affirme : "je n'imagine pas ne pas dire à un client qu'il est hors de la fourchette de prix raisonnable". mais dans l'Express, relativise : "considérer la base Perval comme la plus performante de France est très flatteur, mais c'est aussi oublier qu'elle l'est surtout pour les prix de l'ancien", ajoutant que "la valorisation du neuf ne se fait que sur les prix du catalogue, sans élément de comparaison". "Résultat, reconnaît-il, les notaires sont dans l'incapacité de donner des indications précises sur les prix du neuf"...
Interrogé sur la déontologie, il affirme que la grande règle de sa profession, "c'est de ne pas systématiquement défendre le gros contre le petit, et de veiller à ce que les contrats soient équilibrés", ajoutant qu' "il arrive aussi que l'on soit obligé de défendre des petits promoteurs qui manquent de professionnalisme et pourraient prendre des risques sur le financement de certaines opérations. Pendant le trou d'air qu'a traversé le secteur ces derniers années, beaucoup étaient prêts à vendre n'importe quoi à n'importe quel prix. Les plus forts ne sont pas toujours les promoteurs ou les vendeurs"...
L'UFC-Que Choisir conseille aux acquéreurs de ne jamais se laisser imposer un notaire pour l'acte de vente, et de demander dans la pratique d'être représenté par son propre notaire. L'avocat Pierre Redoutey, fin connaisseur du fonctionnement du notariat, trouve ce conseil illusoire : dans nombre de plaintes actuellement instruites lors d'opérations de défiscalisation, le notaire de l'acquéreur pourtant était intervenu. Deux raisons selon lui : d'une part le notaire rédacteur de l'acte de vente et des opérations annexes comme le bail commercial suivant la vente (pour les résidences services dans les placement en "LMP") reste celui du promoteur et la possibilité du notaire de l'acquéreur de faire modifier cet acte est nulle ; d'autre part, "dans presque tous les cas l'intervention du notaire de l'acquéreur est limitée à la réception de la procuration par l'acquéreur, sur modèle émanant de l'étude du notaire rédacteur, et à la perception d'une quote-part des émoluments de la vente"...
Et de conseiller, si l'acheteur ne se sent pas en mesure ou capacité de vérifier lui-même le projet d'acte et de demander la communication des pièces du programme (permis de construire, état hypothécaire, plans, descriptif complet, etc.), de se faire assister par un ou plusieurs professionnels : architecte, géomètre, avocat et aussi agent immobilier pour connaître la valeur réelle du bien face à un risque courant de surévaluation du bien vendu et la situation locative dans la commune et le quartier de de ce bien.
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