Nous ne savions pas que l'UNPI avait autant l'oreille du président de la République. Refonder la politique du logement en remédiant à l'occupation indue du parc de logements sociaux : voilà la solution à laquelle personne ne pensait ! "Il faut refonder notre politique du logement, ça ne va pas !" a-t-il indiqué, selon des propos rapportés par Le Monde devant des responsables des "Restos du Coeur à Vitry sur Seine le 22 décembre. "Le côté assez désespérant c'est que la production de logements sociaux est de 130.000 par an, soit trois fois plus qu'il y a dix ans et, malgré tout, ce n'est pas suffisant". a-t-il expliqué.
Le président voit deux explications à ce problème. En premier lieu, certains ne devraient pas occuper ce type de logement, et d'autre part, le turnover y existe trop peu dans ce parc. "On ne peut pas passer toute sa vie dans un logement qu'on a obtenu à l'âge de 30 ans", a-t-il expliqué. Il a en outre déploré l'embolie "totale" du système de logements sociaux, expliquant que "40 milliards" d'euros par an étaient consacrés au logement social, alors même qu'il existe 1,2 million de demandeurs de logements sociaux. "A cela s'ajoute le problème de l'immigration", a-t-il glissé sans en dire plus...
Ces affirmations d'un président qui prétend nous dire la vérité, qui plus est faites devant des personnes au contact quotidien avec la détresse des plus démunis, relèvent de la provocation ! Sur les chiffres de la construction d'abord : le chiffre de 130.000 logements sociaux est celui des logements financés en 2010, et qui ne sortiront de terre que dans quelques années. C'est un chiffre exceptionnel du au plan de relance de 2008-2009, le gouvernement lui-même se fixant un objectif inférieur pour 2011 et 2012. Par ailleurs, il ne tient pas compte des démolitions, ni des ventes que le gouvernement encourage : en 2011 selon l'INSEE, le parc social ne compte que 71.200 unités de plus qu'un an auparavant, et tout ne résulte pas de la construction. En effet, si 97.400 logements ont été mis en service, seuls 79% d'entre eux sont neufs. Parallèlement, 26.200 logements sont sortis du parc, 12.300 ont été démolis et 11.000 ont été vendus.
Sur les 40 milliards ensuite : c'est un chiffre global de ce qui est consacré au logement et non pas seulement au logement social, et par tous les acteurs (Caisse des dépôts, le 1% logement, Caisse d'allocations familiales, etc.) et pas seulement par l'Etat. Il inclut le coût des aides au logement (une bagatelle de 16 milliards), des défiscalisations, de la TVA à taux réduit pour les travaux... La part de l'Etat pour la production de logements n'est même pas du dixième de cette somme.
Enfin sur l'occupation du logement social, laisser croire que les HLM ne sont habités que par des "nantis" est une imposture que démentent toutes les statistiques, et qui n'abusent que les milieux réactionnaires, où les pauvres sont vus comme des assistés et des profiteurs. A moins que le président n'ait fait référence à ces logements sociaux que les mairies, la plupart du temps de droite, ont accordé généreusement à des parlementaires, hauts fonctionnaires et autres supporters et qui alimentent régulièrement la chronique...
L'Union sociale pour l'habitat (USH), citée par Le Monde, et qui regroupe les 773 organismes HLM, rappelle que seuls 11% des ménages logés dans leur parc dépasseraient les plafonds d'accès au logement social. Au regard des 4,3 millions de ménages vivant en HLM, 440.000 seraient hors des barèmes d'attribution.
Sur le plan national et toujours selon les chiffres de l'USH, 5% des locataires dépasseraient le plafond de 20% et seulement 0,3% serait au-delà de 100%. Le logement social n'est pas non plus un eldorado pour les chômeurs et les bénéficiaires de minima sociaux : la majorité des 4,2 millions de HLM sont occupés par des salariés d'entreprises privées ou publiques ou par des fonctionnaires d'Etat. Toujours selon l'USH, 58% des chefs de famille des occupants du parc HLM sont en activité, 17% au chômage ou bénéficient d'allocations et 25% sont retraités ou préretraités.
Enfin, depuis mars 2009, tous les locataires dont les ressources dépassent de plus de 20% les plafonds sont assujettis à un surloyer - le "supplément de loyer de solidarité" - excepté dans les zones sensibles. Par ailleurs, les locataires dépassant de plus de deux fois les plafonds de ressources dans les zones tendues devront quitter le parc social après une période intermédiaire de trois ans, soit à partir de 2012...
Mais à défaut d'être vrai, ce discours plait dans les milieux populaires et le président candidat aurait tort de s'en priver, du moins tant qu'il n'aura pas fait de l'honnêteté un principe conducteur...
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