Alors que la Fondation Abbé Pierre a rendu son rapport annuel, Martin Hirsch, ex président d'Emmaüs France, ancien Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, au sein du gouvernement Fillon, et actuellement président de l'Agence du Service Civique, propose son analyse de "la lancinante problématique du logement qui illustre de manière spectaculaire des décennies d'échec d'une politique publique". "Tout se passe comme si personne n'avait anticipé les évolutions démographiques, pourtant plus prévisible qu'un tsunami ou une tempête ! La France est passé de 50 à 62 millions d'habitants et la construction n'a pas suivi", explique-t-il de manière difficilement contestable...
Aux côtés de la Fondation Abbé Pierre, il a pu plus qu'un autre observer les racines du mal. "Dans les années 60, on lance les villes nouvelles pour loger 1 million de personnes et Giscard les freine dans les années 70, en réduisant l'ambition de moitié, sous la pression des élus de ces territoires craignant d'être débordés par la gauche. Dans les années 80, la décentralisation ralentit la construction : pour de nombreux maires, mieux vaut satisfaire ceux qui habitent déjà dans leur commune que de prendre des terrains pour loger de nouveaux habitants, de surcroît ceux qui sont pauvres ! Et souvent, on sature le foncier par du pavillonnaire au détriment de l'habitat collectif à taille humaine."
Dans le même temps, les aides à la pierre ont été en grande partie substituées par des aides personnelles, avec un effet inflationniste sur les loyers. Le propriétaire intègre l'aide au logement dans le montant du loyer qu'il va demander. "Depuis, on court derrière avec quelques millions de logement en retard, nécessaires pour tenir compte de l'augmentation de la population, de son vieillissement, et des nouvelles configurations familiales"...
Et de constater qu'alors que la crise du logement atteint d'abord les plus modestes, "il faut attendre que les catégories plus aisées (les décideurs) constatent les difficultés de leurs propres enfants pour qu'ils percutent sur la réalité du problème"...
La solution est bien entendu de construire davantage, dans les zones tendues et à des prix abordables pour les ménages modestes. Mais pour construire plus et plus vite, il ne faut pas seulement davantage d'argent, mais aussi des procédures plus contraignantes : "il ne faut pas esquiver cette question : faut-il que l'État reprenne la main dans certaines zones (comme il l'avait fait pour les villes nouvelles) pour lancer des opérations d'ampleur ? Ne faut-il pas relancer quelques opérations d'intérêt national en matière de logement ?" demande-t-il.
Et en tout état de cause, même si on accélère, construire prend du temps. Et tant qu'il y a un déséquilibre entre l'offre et la demande, les prix des loyers resteront élevés, si seul le marché les régule. D'où la question de l'encadrement des loyers pour les dix ans qui viennent, qui ne doit pas être taboue.
Il existe cependant une une alternative : une assurance obligatoire couvrant les impayés de loyers, payés par tous les propriétaires et ne jouant que lorsqu'ils se sont tenus à des loyers plus modérés. Le principe serait simple : si on reste dans le marché libre, on paye l'assurance mais sans bénéficier de sa couverture ! Et une partie du produit de cette assurance pourrait être utilisée pour financer la résorption de l'habitat indigne.
Enfin, concernant les aides au logement, Martin Hirsch préconise de changer leur mode de calcul pour éviter qu'elles baissent en fonction des revenus obtenus deux ans auparavant. "Aujourd'hui, un chômeur qui travaillait en 2010, qui perd son emploi début 2011 et qui en reprend un aujourd'hui voit ses aides coupées ! Qui va enfin s'occuper de ce problème, qui annule une partie des effets du RSA" demande-t-il...
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