Malgré leur poids sur les finances publiques, les aides au logement en faveur des ménages modestes ne suffisent pas à leur permettre de tous se loger dans des conditions acceptables. Pire, la situation se dégrade. Or, selon le Centre d'analyse stratégique (CAS) qui a publié le 15 février une note d'analyse sur le sujet, l'ensemble des avantages conférés par les différentes aides au logement est évalué aujourd'hui à 37 milliards d'euros par an, dont 16 en aides à la personne. Une des raisons est que le parc qui leur est financièrement accessible s'est réduit depuis la fin des années 1980, particulièrement entre 1988 et 1996.
En fait, il apparaît que la puissance publique dispose de trop peu d'outils permettant de connaître le retour sur investissement réel des politiques qu'elle finance, faute d'indicateur adéquat, notamment parce que les critères d'éligibilité, les plafonds de loyers et autres paramètres sont définis trop largement, sans prise en compte suffisante de la diversité des marchés locaux du logement. Il en résulte une allocation imparfaite du parc et des bénéficiaires.
En conséquence, le CAS recommande :
- d'affiner les zonages relatifs aux plafonds de loyer afin de permettre une meilleure indexation de ces plafonds sur les loyers de marché constatés localement,
- pour les nouveaux projets de logements sociaux, d'indiquer explicitement dans les plans de financement la valeur actualisée des aides publiques perçues ainsi que la valeur actualisée des réductions anticipées de loyer par rapport aux loyers de marché ; ces deux indicateurs devront faire l'objet d'un suivi en fonction de l'occupation effective du parc ; cette démarche permettrait ainsi de comparer entre elles les opérations de construction de logements sociaux, de comparer le rapport coût-efficacité d'une opération de construction neuve vis-à-vis d'une opération d'acquisition/réhabilitation, de prendre des décisions concernant la localisation des logements sociaux que l'on souhaite construire, etc. ; cela permettrait aussi de faciliter la mise en oeuvre du conventionnement global car on pourrait évaluer simplement les compensations faites par un bailleur au sein de son parc...
- de fixer les plafonds de revenu pour chaque logement social à cinq fois le loyer (hors aides) du logement, sous réserve du respect de la norme d'occupation ; ainsi, le taux d'effort avant aide ne serait pas inférieur à 20%, ce qui correspond à peu près au taux d'effort médian, quelle que soit la taille de la famille ;
- et à titre expérimental, de proposer à certains bailleurs sociaux un nouveau mode de financement, optionnel, substituant aux aides de l'État une hausse des loyers plafonds associée à une prime d'allocation logement (pour garantir un reste à charge constant pour les locataires modestes).
Avec le mécanisme proposé, on remplace une série d'aides de l'Etat (subventions, prêts aidés, avantages fiscaux), indépendantes de l'évolution des revenus de l'occupant du logement social, par une subvention qui en dépend directement. Le reste à charge des ménages modestes demeurerait inchangé, tandis que les ménages qui ne seraient pas ou plus éligibles aux APL paieraient un loyer plus proche des loyers de marché. De plus, la charge budgétaire totale pour l'État resterait constante, voire diminuerait...
L'Union sociale pour l'habitat (USH - ex Union des HLM) se démarque très fortement de ces propositions : ajuster les plafonds de loyers Hlm "pour mieux les indexer sur les loyers du marché constatés localement", fait prendre le risque selon elle de ne plus offrir de loyers bas en zones tendues, où se regroupent pourtant, en raison de la densité de la population et de l'existence d'offres d'emplois, de nombreux travailleurs pauvres ou titulaires de minima sociaux, ou inversement de constituer des "ghettos de pauvres" là où les prix sont apparemment les plus bas. Egalement, abaisser fortement les plafonds de ressources pour l'accès aux HLM, sans prendre en compte la capacité des catégories évincées à se loger sur le marché, consisterait à mettre en place une nouvelle forme d'exclusion pour des ménages à revenus modestes.
L'USH dénonce aussi la proposition de passer à une aide exclusive à la personne : ce dispositif est très coûteux pour l'Etat, notamment en période de crise, et elle fait judicieusement remarquer que l'aide personnalisée au logement est actuellement le seul poste qui augmente dans le budget du logement. L'Union regrette que le CAS s'abstienne d'analyser plus avant l'une des causes majeures de cette situation, qui réside dans l'accroissement de la demande de logement (démographie, décohabitation des familles, précarisation et paupérisation de la population, vieillissement qui entraîne une rigidification des occupations des logements quels qu'ils soient). Elle trouve également très regrettable qu'il concentre ses propositions sur le seul logement social, omettant de signaler que ce secteur ne recueille que le tiers des aides, soit environ 12 milliards d'euros - y compris les "aides fiscales" et les aides à la personne -, tandis que le secteur locatif privé et les propriétaires occupants, se partagent les 25 milliards d'euros restants. Le CAS semble ce faisant renoncer à tout critère d'efficacité pour les deux tiers des aides publiques, celles qui concernent les propriétaires occupants et les bailleurs privés, et à supprimer les aides dont l'impact est le plus aisément contrôlable et le moins coûteux en termes de dépenses publiques, notamment en période de crise et de baisse des revenus des populations les plus fragiles...
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