Les mises en chantier de logements continuent sur leur pente descendante en juin selon les chiffres publiés par le ministère du logement : -14% sur les 3 derniers mois (avril-mai-juin) par rapport aux 3 mois précédents, portant le total sur les 12 derniers mois à 354.804 unités en construction neuve, auxquels il faut ajouter 44.181 réhabilitations ou aménagements de logements sur bâtiments existants. Ces chiffres sont proches de leur plus bas niveau depuis 10 ans, et très loin de l'objectif de 500.000 par an qui a fait consensus entre les candidats à la présidentielle de 2012 ! Sur ce total, la maison individuelle pure représente 134.588 logements, l'individuel groupé (lotissements) 52.018, le collectif classique 188.455, incluant le logement social, et les logements en résidence 23.924 unités.
Les autorisations de construire baissent aussi mais se maintiennent à un niveau élevé (463.937 unités) ; c'est toutefois un chiffre en trompe l'oeil : de nombreux permis de construire de maisons individuelles sont abandonnés par les demandeurs particuliers qui n'arrivent pas à boucler leur opération, ou dans le collectif par les promoteurs avant même la mise en vente, ou lorsque la commercialisation n'atteint pas un seuil minimum.
Les perspectives ne sont pas encourageantes : aux termes de l'enquête trimestrielle de conjoncture dans la promotion immobilière (juillet 2012), les promoteurs immobiliers voient la demande de logements neufs diminuer. Les entrepreneurs prévoient également un repli des mises en chantier de logements. Ce repli concerne toutefois essentiellement les mises en chantier destinées à la location.
Dans ce contexte, les stocks de logements invendus vont continuer à s'alourdir, ce qui devrait inciter les promoteurs à consentir des baisses de prix. Petite embellie dans ce tableau : selon la même enquête, l'apport personnel des candidats à l'acquisition d'un logement neuf s'améliorerait quelque peu, par rapport au trimestre précédent. Les promoteurs sont également moins nombreux à indiquer une baisse des moyens de financement consacrés aux achats de logements neufs.
Ce n'est cependant pas suffisant pour redonner le moral aux promoteurs. La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), qui représente 82% du marché de la promotion privée et qui a publié le 2 août le bilan du deuxième trimestre, estime que les ventes de logements neufs aux particuliers se sont effondrées de 29% sur la période après un repli de 25% au premier trimestre. Du coup, les promoteurs se dépêchent de réduire la nouvelle production : les mises en ventes ont reculé de 21% au deuxième trimestre et de 16% au premier semestre 2012 par rapport aux mêmes périodes de l'année 2011. Enfin, le volume commercial de logements achevés ou en cours de construction, est limité aux alentours de 35.000 logements, toujours selon la FPI. Dans un contexte de crise, les professionnels du logement préfèrent en effet minimiser leurs stocks.
L'effondrement des ventes s'explique par la forte réduction de l'avantage fiscal accordé à l'investissement locatif - arrêt du dispositif Scellier fin 2012 - mais aussi par la diminution des aides pour l'accession à la propriété (PTZ+). La FPI évoque également le durcissement des conditions exigées par les banques pour obtenir un prêt immobilier.
Pour Michel Mouillart, professeur d'économie et spécialiste de l'immobilier, il ne fait aucun doute que sans crédit bancaire, l'objectif des 500.000 constructions de nouveaux logements par an que s'est fixé le gouvernement ne pourra pas être atteint. La panne de la construction sera durable, puisque 350 à 360.000 logements devraient être mis en chantier cette année (310 à 320.000 si on se limite à la seule construction neuve), en baisse de 15% par rapport à 2011, et vraisemblablement moins encore l'année prochaine... "L'appareil de production est touché et ce sera très dur de le relancer", indique-t-il dans un entretien à La Vie Immo. "Et cela signifie que pour atteindre l'objectif des 2.500.000 logements construits durant le quinquennat, il faudra d'ores et déjà mettre en chantier 600.000 logements à partir de 2014 ! Impossible à tenir, eu égard à la dérive actuelle de l'appareil de production".
Et si la panne du neuf était aussi liée à la panne de l'ancien ? Pour Michel Mouillart, avec 550.000 logements anciens achetés par les ménages en 2012, "c'est un autre appareil de production qui s'écroule : celui de la transaction, avec des conséquences sur l'emploi et sur les perspectives de redémarrage durable des marchés ! En situation normale, pour trois logements anciens revendus par les ménages, ces derniers achètent un logement neuf (dans la moitié des cas, à un promoteur) : en dévissant de l'ordre de 22% en 2012, le marché de l'ancien est aussi au cœur de ce que devrait être la réflexion des pouvoirs publics sur la crise des marchés qui renforce celle du logement", conclut-il, ajoutant que "le dévissage de ce marché devrait rappeler que l'activité et les conséquences qu'elle imprime sur l'emploi sont nettement plus importantes que les prédictions sur une éventuelle baisse des prix"...
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