La FFB (Fédération française du bâtiment) organisait le 6 mars les premières Rencontres du Bâtiment sur ce thème, souhaitant contrer l'idée que l'immobilier et le bâtiment seraient responsables des principaux problèmes de la France ! Et d'essayer avec force argumentations de "rétablir la vérité" en prenant le contrepied des "dix idées reçues les plus répandues" :
- il n'existe pas de bulle immobilière en France : si entre 1998 et 2012, l'évolution des prix des logements dépasse celle des revenus des ménages de 88%, cet écart a été compensé en grande partie par l'amélioration des conditions de crédit ! Soit, mais cela ne concerne que les accédants, pas les locataires qui ont vu, dans les secteurs les plus inflationnistes, le poids du logement dans leur budget augmenter dans les proportions importantes, au détriment d'autres consommations...
- les prix de l'immobilier sont élevés parce que les prix de la construction sont élevés : le surcoût lié à l'accumulation des normes juridiques et environnementales pourrait atteindre 15%... Mais la FFB se contredit car elle admet en même temps que les prix des logements neufs ont crû deux fois plus vite que les coûts de construction sur 2000/2011, que ces derniers représentent moins de 50% du prix d'un logement neuf, et que de plus, la France, selon Eurostat, construit moins cher que l'Allemagne ; d'autres facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer la hausse des prix, notamment la hausse du foncier, ce qui est bien dommage ! En fait, contrairement à ce qu'avance la FFB, ce ne sont pas les prix du neuf qui tirent les prix de l'ancien mais le contraire, le prix du foncier ne venant que prélever la marge rendue disponible : on sait en effet que le prix des tarrains s'établit au plus haut de ce que peut payer un promoteur par rapport au prix auquel il peut écouler sa production, moins le coût de construction, les frais financiers et une marge raisonnable eu regard des risques encourus...
- le marché de l'immobilier n'est pas fermé aux primo-accédants : malgré les fortes hausses de prix, le nombre de primo-accédants depuis 2001 est resté supérieur à 400.000 par an, progressant de 2003 à 2007 puis de 2009 à 2011. L'accession sociale a connu la même tendance. Par ailleurs, le taux de propriétaires occupants progresse sans interruption depuis 1995 ; ce n'est évidemment pas faux, mais il faut préciser où ces primo-accédants ont pu exprimer leur désir d'accession : de plus en plus loin des centres, dans les zones péri-urbaines, au détriment de l'écologie et étranglés par les frais de transport !
- la France, qui n'a pas connu de baisse des prix de l'immobilier depuis la crise de 2009, n'est pas une exception : le Canada, qui a connu un doublement des prix de l'immobilier entre 2000 et 2011, et le Royaume-Uni sont exactement dans la même situation que l'Hexagone, de même que la Belgique et la Suède ; soit, mais ce n'est pas une consolation et cela ne résout pas le déséquilibre structurel de pouvoir d'achat avec l'Allemagne...
- l'immobilier ne draine pas l'épargne des français au détriment de l'industrie : les études montrent au contraire que l'épargne financière des ménages a augmenté, du fait des apports en plus-value tirés de l'immobilier ; curieux raisonnement car une plus-value est bien payée par quelqu'un, qui aurait pu faire autre chose de son argent...
- la hausse des prix de l'immobilier ne freine pas la compétitivité de l'industrie française : si le lien est réel, reconnait la FFB, il s'agit selon elle d'un "facteur à l'évidence marginal, comparé par exemple à l'impact des 35 heures" ; c'est une affirmation gratuite et convenue : les 35 heures ont sur la durée imposé une modération salariale qui a permis d'absorber largement le surcoût ; le fait que les ménages aient leur budget alourdi par le logement a certainement freiné cette absorption... Il faut concéder par contre à la FFB que ce n'est évidemment pas le seul facteur de perte de compétitivité de l'industrie française, et que le manque de dynamisme, de créativité et d'innovation, d'investissement dans la qualité et le service y ont également contribué...
- l'immobilier crée de la valeur : le bâtiment représente 5% du PIB et 7% de l'emploi marchand, l'ensemble des activités immobilières 12% du PIB (hors loyers imputés) et 8% de l'emploi marchand... dont acte !
- les aides au logement ne sont pas responsables de la hausse des prix de l'immobilier : en ce qui concerne l'investissement locatif, l'Inspection générale des finances estime que le dispositif Scellier aurait eu un impact faible sur les prix du mètre carré : 3 euros en 2008 et 6 euros sur 2009 et 2010. Pour le foncier, l'aide publique serait responsable d'une hausse de 7% ; on pourra dire que c'est déjà cela, et par ailleurs quid du prêt à taux zéro, et des aides à la personne, qui manifestement ont été loin d'être neutres, à la fois sur les prix et les loyers...
- la crise du logement n'est pas le fait de la hausse des prix de l'immobilier : si elle a contribué à la crise, il faut rappeler que l'on parle de crise du logement depuis au moins 30 ans. Il semble plutôt que la réponse à la crise du logement repose, plus que sur une baisse massive des prix, sur une refonte des politiques basée sur le développement de l'offre en libérant le foncier (débat sur l'artificialisation des sols et la densification notamment), l'allégement des normes et du code de l'urbanisme, la réduction des droits de mutation, ou des mécanismes empêchant que les aides ne soient captées par la rente foncière...
- la construction ne connait pas de délocalisation : construire, rénover, réhabiliter des bâtiments en France, sont des actes productifs qui, par nature, sont exécutés sur le territoire national. Ils ne peuvent pas être produits à l'étranger puis réimportés ; c'est vrai et rassurant mais seulement partiellement, car l'industrie française est loin de produire tous les équipements de second oeuvre ; et avec la technicité des bâtiments BBC et bientôt BEPOS, cela n'ira pas en s'arrangeant...
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