Le doute n'est plus permis : le président de la République comme le gouvernement ont pris la mesure de la crise qui atteint la construction et derrière elle toute la filière immobilière. Le plan d'urgence annoncé, intitulé "Plan d'investissement pour le logement" comporte pas moins de 20 mesures dont 5 "phares" visant à débloquer la construction neuve, de logement social et intermédiaire, mais aussi la rénovation énergétique des logements existants. Il a été présenté à l'occasion d'un déplacement présidentiel à Alfortville, à la suite d'une réunion de dernier cadrage avec les ministres concernés.
A noter que le recul de l'activité et le marasme des ventes avaient commencé bien avant l'arrivée du gouvernement actuel, et sont imputables davantage à une crise européenne aggravée par l'austérité commencée sous l'ancienne majorité, qu'aux mesures fiscales - elles-mêmes partagées entre l'ancienne et la nouvelle majorité - que les acteurs économiques ont beau jeu de dénoncer comme la cause de tous les maux.
Les concertations organisées dans le cadre de l'élaboration du projet de loi "Logement et urbanisme", qu'il est toujours prévu de présenter en conseil des ministres avant l'été, ont mis en évidence un certain nombre de freins à l'aboutissement des projets de construction de logements. Des mesures techniques, susceptibles de lever rapidement ces obstacles, ont été collectivement identifiées. Le gouvernement va donc utiliser la voie des ordonnances, procédure adaptée à la situation d'urgence que connaît le secteur. D'ici la fin du mois d'avril, il déposera au Parlement un projet de loi d'habilitation. Ces mesures d'urgence viseront à diviser par 3 les délais de procédure des autorisations d'urbanisme - l'outil de la déclaration de projet va être renforcé pour faciliter la réalisation d'opérations d'aménagement et de construction, et la concertation des citoyens et l'évaluation environnementale seront améliorées en amont - et par 2 la durée de traitement des contentieux du permis de construire et notamment les recours des tiers ; là encore il sera procédé par voie d'ordonnance et les sanctions pour recours abusifs seront alourdies.
Les autres mesures "phares" viseront à :
- construire là où sont les besoins, en particulier en Ile-de-France, en y permettant plusieurs dérogations aux règles d'urbanisme : elles auront pour but de densifier la ville et lutter contre l'étalement urbain, en facilitant la construction sur les "dents creuses", ces immeubles qui ne comportent qu'un ou deux étages et sont insérés entre des bâtiments plus hauts, la surélévation des immeubles de logements, et la transformation des immeubles de bureaux en logements ; les obligations de stationnement fixées aux constructeurs ne pourront pas être supérieures à une place de parking par logement dès lors que leur projet de construction est prévu à proximité d'une gare ou d'une station de transport collectif ;
- conclure un pacte avec le monde HLM, afin de sécuriser la production de 150.000 logements sociaux par an ; l' État s'engage à abaisser la TVA à 5% dès 2014, pour la construction et tous les travaux de rénovation de logements sociaux ; cette mesure devrait selon le ministère du logement d'augmenter de 22.500 logements sociaux la production prévue pour l'année prochaine ;
- simplifier les "normes" pour donner aux acteurs la stabilité juridique dont ils ont besoin pour construire plus vite ; le gouvernement promet un moratoire de deux ans sur l'instauration de nouvelles normes techniques et affirme mener parallèlement une évaluation globale des normes existantes de construction. "Il ne s'agira pas de déréglementer mais de se passer des normes présentant le rapport coût/efficacité le moins probant", indique le communiqué du ministère du logement, et de "réformer certaines réglementations aujourd'hui rédigées avec des objectifs de moyens et non avec des objectifs de résultats, ce qui limite les possibilités de créativité et d'innovation des acteurs du bâtiment" ; sur ce point il faudra juger le gouvernement aux actes, des promesses de simplification des "normes" ayant été souvent faites sans que l'on sache jamais avec précision celles qui étaient visées...
- lancer à grande échelle la rénovation énergétique de l'habitat, en mettant en place sur tout le territoire d'ici à l'été 2013 un véritable service public de la rénovation énergétique, réseau de guichets uniques permettant de simplifier les démarches des particuliers et à chaque ménage de bénéficier des aides auxquelles il peut prétendre ; 1.000 ambassadeurs de la rénovation énergétique iront à la rencontre des ménages en situation de précarité énergétique, et des financements renforcés et incitatifs seront mis en place, pour les ménages modestes comme pour les classes moyennes ; une prime exceptionnelle de 1.350 euros sera attribuée en plus des autres aides pendant 2 ans aux ménages qui en ont le plus besoin (revenus annuels maximum : 35.000 euros pour un couple) ; une fois le plan amorcé sur 2013 et 2014, un dispositif de tiers-financement viendra suppléer les subventions publiques à compter de 2015 pour atteindre, en vitesse de croisière, 380.000 rénovations lourdes chaque année dans l'habitat privé.
En plus, 120.000 logements sociaux supplémentaires pourront être rénovés grâce à la diminution du taux de l'Eco-PLS, qui sera fixé à 1%, et son ouverture à la rénovation des logements de classe D.
Il a été annoncé également la création d'un "géo-portail de l'urbanisme" accessible à tous, la suppression de la garantie "intrinsèque" pour sécuriser les ventes en état futur d'achèvement" (VEFA), la création d'un mode de vente sur plan d'appartements "prêts à aménager" pour les acquéreurs qui souhaitent finir eux-mêmes le second oeuvre, et la mise en place de tiers instructeurs techniquespour assister les banques dans l'instruction des éco-PTZ...
Par ailleurs, un effort particulier sera fait pour relancer le secteur du logement intermédiaire : un statut de ce type de logements va être défini (respect d'un plafond de loyer de niveau intermédiaire, ainsi que de plafonds de ressources du locataire), afin qu'il puisse être prescrit par les collectivités dans les zones tendues, où il existe un écart important entre les loyers pratiqués dans le parc social et les loyers de marché. Il serait réservé aux logements neufs, afin d'encourager à la construction. Afin d'enclencher cette mobilisation pour le logement intermédiaire, la Caisse des dépôts, au travers de sa filiale, la SNI, lancera cette année la construction de 10.000 logements intermédiaires.
Enfin, afin de lutter efficacement contre la rétention foncière, il est annoncé la suppression de tout avantage pour durée de détention des terrains constructibles. C'est la reprise de l'idée de créer un "choc d'offre", stoppée net en fin d'année dernière par le Conseil constitutionnel ; la mesure s'appliquerait à toutes les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2014 (les plus-values sur des cessions résultant de promesses de vente enregistrées jusqu'au 31 décembre 2013 conserveraient le bénéfice du régime actuel d'abattement). L'objectif est bien d'encourager les personnes propriétaires de terrains constructibles depuis de nombreuses années à bénéficier, en cas de vente intervenant avant cette date, du dispositif actuel qui leur ouvre droit à un abattement significatif (voire à une exonération) sur leur plus-value.
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