C'est la thèse qu'a essayé de défendre l'institut COE-Rexecode, dans une étude commandée il est vrai par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), visant à contrer l'argument largement diffusé ces derniers mois, selon lequel les prix de l'immobilier et en conséquence le coût du logement, représentaient un frein à la compétitivité des entreprises et donc à la croissance du pays. Et comme prévu, l'institut conclut - conformément à sa commande - qu' "il n'y a pas de corrélation sérieuse entre les prix du logement et la compétitivité d'un pays"...
L'institut COE-Rexecode, dont le rapport sera publié en septembre mais dont la trame a été révélée par le quotidien Le Monde, a étudié les quatre mécanismes par lesquels pouvait s'exercer un lien.
Le premier est l'influence du coût du logement sur les salaires qui pourraient avoir grimpé du fait des revendications salariales plus soutenues en réponse à une hausse des prix du logement. Or l'institut avance que le salaire horaire moyen dans l'industrie manufacturière a cru de 3,3 % par an entre 1991 et 1997 (pendant la phase de baisse des prix de l'immobilier) et de 3,3 % entre 2003 et 2009, pendant une partie de la phase de hausse débutant en 1998. "La relation immobilier-salaire n'est donc pas immédiate", conclut l'étude, se gardant bien de se référer à d'autres phénomènes qui pourraient avoir évolué sur l'évolution des salaires dans l'industrie, dont on sait qu'elle ne loge pas ses salariés dans le coeur des agglomérations, ou de prendre en compte les salaires dans d'autres secteurs économiques comme les services...
Second lien possible attaqué : l'effet d'éviction bancaire qui ferait que les banques auraient favorisé la distribution de crédits immobiliers au détriment des crédits aux entreprises. Là encore, constate COE-Rexecode : "Entre 1998 et 2007, durant la période la plus forte de hausse des prix de l'immobilier, les encours de crédit habitation ont progressé de 148% tandis que les crédits aux institutions non financières progressaient de 126%. De plus, entre 1999 et 2007, les émissions d'actions étaient supérieures aux flux de crédits qu'elles ont obtenus. Ce qui veut dire que les entreprises avaient un autre mode de financement." Soit, mais l'épargne drainée par l'immobilier n'aurait-elle pas encore plus bénéficié aux entreprises ?
Troisième canal possible : la hausse de l'immobilier résidentiel pourrait entraîner une hausse des prix des bureaux et par conséquent des charges immobilières des entreprises. Là encore rien de concluant selon l'étude : "Entre 1999 et 2010, le poids des charges immobilières dans la valeur ajoutée des entreprises n'a augmenté que d'un point, alors que celui des rémunérations salariales a augmenté de 7 points". Et alors pourrait-on demander ? On sait que le poids des charges immobilières a été contenu dans les entreprises par des efforts de rationalisation, par la réduction des surfaces occupées, et par la maîtrise des dépenses énergétiques. Une moindre augmentation du coût des loyers au m2 n'aurait-il pas profité encore plus aux entreprises ?
Enfin, quatrième hypothèse : un coût de la construction handicapant en France par rapport à d'autres pays européens et notamment l'Allemagne. Or dit COE-Rexecode, ce coût "a progressé de 3,3% par an en France entre 1998 et 2010, alors qu'il a reculé en Allemagne, mais c'est aussi dû à une dérive des coûts salariaux qui ont progressé de 3,1 % en France contre 1,5 % en Allemagne, et à une augmentation des prix du foncier et à des effets de renchérissement liés aux normes en France." Curieux argumentaire : on dit bien que le coût de l'immobilier a freiné la maîtrise des salaires en France, et par ailleurs la progression du coût du foncier est elle-même une conséquence de la hausse des prix de vente du m2 : les promoteurs savent bien que le prix du foncier se fixe "à rebours" en partant du prix de vente final des produits construits, eux-mêmes fortement influencés par le marché de l'ancien !
Craignant de ne pas avoir convaincu, COE-Rexecode tente une derniere idée : l'Allemagne ne serait pas le bon modèle, ou plus exactement il ne faudrait comparer par rapport à Francfort ou Hambourg que les loyers et coûts du m2 de Marseille ou Lille. l'Ile-de-France abrite une capitale mondiale, politique, économique et culturelle, au même titre que New York, Londres, Shanghaï ou Tokyo", alors qu'"en Allemagne, il y a plus d'émiettement du territoire". "Il ne faut donc pas comparer Paris à Berlin, mais à Londres."
Mais l'étude FPI-Rexecode se pose auns autre question : une baisse des prix redonnerait-elle du pouvoir d'achat aux ménages et par conséquence de la croissance ? Là encore la réponse est négative : "s'il y a une baisse des prix de l'immobilier, on constate que c'est l'investissement des ménages dans l'immobilier qui décroche et in fine la croissance qui s'amenuise."
L'institut a trouvé que sur vingt-deux pays qui ont connu la baisse des prix "dans treize pays la consommation recule pendant la baisse des prix, et dans neuf, la progression est deux fois moindre que pendant la période précédente". Là encore la démonstration se garde bien de se référer à d'autres causes possibles de la baisse de la consommation, induisant par un syllogisme que la baisse des prix de l'immobilier serait une cause de la baisse du pouvoir d'achat des ménages et du recul de la croissance. L'idée ne semble pas avoir effleuré ses auteurs que le lien de causalité pourrait être en sens inverse ?
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