Bercy n'est pas chaud pour la remise à plat de la fiscalité lancée à la surprise générale par le premier ministre le 18 novembre : c'est le moins qu'on puisse dire. Deux des axes de cette remise à plat réclamés de longue date par la majorité parlementaire, la fusion de l'impôt sur le revenu (IR) et de la CSG, et la retenue à la source de l'IR, avaient fait l'objet en 2012 d'une étude non publiée, qui ressort opportunément. Réalisée à la demande du Parlement et bouclée début 2012, elle a été menée par la direction de la législation fiscale et la direction de la Sécurité sociale du ministère de l'économie et des finances.
Ses conclusions sont très négatives. Si la fusion de l'IR et de la CSG doit permettre de rendre la CSG plus progressive - le taux de cette dernière, qui rapporte 90 milliards d'euros par an est indépendant du revenu du contribuable -, elle risque aussi d'entraîner des transferts d'impôts massifs et non maîtrisés entre catégories de ménages. De plus, le premier, en plus d'être progressif, est " familialisé", alors que le second est individuel. Les assiettes sont également différentes : celle de l'impôt sur le revenu est étroite, et "mitée" par des niches fiscales, tandis que celle de la CSG est large et sans réductions ni crédits d'impôt. Enfin, la CSG est généralement prélevée à la source alors que l'IR est collecté a posteriori, avec toutefois des exceptions, notamment dans l'immobilier, où l'IR est prélevé à la source chez le notaire pour les plus-values de cessions des particuliers, et où la CSG sur les revenus fonciers est réclamée a posteriori, suite aux déclarations annuelles de revenus...
Mais le problème n'est pas que technique : créer un nouvel impôt à partir de l'IR et de la CSG nécessite de retenir une nouvelle assiette, décider d'une nouvelle façon de tenir compte de la situation matrimoniale ou de prendre en compte les enfants et les charges de famille , décider des niches fiscales conservées (emploi à domicile, dons, etc.) et de celles à abandonner, etc. "La combinaison des différentes causes de transferts (...) et la diversité inévitable des situations individuelles peuvent conduire, pour certains ménages, à des évolutions très importantes, qu'il sera difficile voire impossible d'anticiper, faute d'appréhender l'intégralité des situations", indique le rapport.
Trois scénarios ont été testés dans le rapport, selon les informations publiées par plusieurs quotidiens, plus ou moins redistributifs (les barèmes comprennent une dizaine de tranches de 0 % jusqu'à 51 % ou 55 %), tous étant à produit constant et sur la base d'une assiette intermédiaire entre la CSG et l'IR. Dans tous les cas, le nombre de contribuables perdants par rappport à la fiscalité actuelle dépasse 9 millions de foyers ; pire : 35 % à 45 % des perdants disposent de moins de 26.000 euros de revenus et près d'1 million de foyers perdants déclarent aujourd'hui moins de 14.000 euros de revenus. Les familles avec enfants apparaissent également perdantes car "une partie des sommes consacrées à la famille est dirigée vers les non-imposables". Les trois scénarios, enfin, conduisent à une légère baisse de la pression fiscale sur les salaires et une hausse "mesurée " pour les pensions.
Par ailleurs, concernant le deuxième axe de la remise à plat, les bénéfices de la mise en place d'une retenue à la source seraient modestes, puisque le taux de recouvrement actuel de l'impôt est déjà très élevé et que peu de nouvelles économies de gestion pourraient en être attendues.
A suivre...
|