C'est la question que s'est posée l'Union financière de France (UFF), une des principales sociétés de conseil en gestion de patrimoine, en organisant le 5 novembre un débat entre plusieurs professionnels de l'immobilier, afin de confronter leurs points de vue sur le dispositif d'incitation fiscale à l'investissement locatif "Duflot". Résultat : la différence de popularité serait liée à plusieurs "freins", empêchant de convaincre les investisseurs. Il semble en effet que l'objectif fixé par la ministre de 40.000 logements acquis sous ce régime en 2013 ne sera pas atteint, et de loin.
En attendant les chiffres, une étude Ifop-UFF à la mi-octobre auprès des "Français patrimoniaux" (i.e. les particuliers suffisamment aisés pour investir) montrait que l'attrait du "Duflot" avait baissé entre 2012 et 2013. Avant l'entrée en vigueur du dispositif, 55% de ces investisseurs potentiels choisissaient le Duflot parmi plusieurs modes d'investissement dans l'immobilier. En 2013, ils ne sont plus que 32%.
La synthèse des échanges du débat organisé par l'UFF par l'UFF fournit quelques clés pour expliquer cette désaffection. Ainsi, le premier frein au choix du Duflot serait le plafonnement des loyers. Ces plafonds ont en effet été abaissés par rapport au dispositif Scellier, le prédécesseur du Duflot, afin de donner une portée sociale au dispositif. A cet élément s'ajoute l'incertitude pesant sur ce plafonnement. Des modulations de plafonds doivent être publiées, sans qu'on sache quand. La même incertitude plane autour de la liste des communes éligibles au Duflot, qui reste provisoire, en attendant le démarrage opérationnel des Observatoires des loyers.
Mais une autre cause importante de ce désamour est la méconnaissance des investisseurs. Le sondage Ifop-UFF pointait déjà le fait que 68% des sondés connaissaient mal le dispositif. Et 56% estimaient d'emblée qu'il était moins intéressant que son prédécesseur, le Scellier. Or la réduction fiscale de ce dernier était de 13% du montant de l'investissement en 2012. Elle est de 18% dans le cadre du Duflot en 2013. Et deux acquisitions sont possibles avec le Duflot quand une seule l'était avec le Scellier. Mais selon les intervenants du débat, les particuliers se rappellent que le Scellier offrait 25% à l'heure de sa mise en œuvre en 2009. Le nouveau dispositif semble souffrir de cette comparaison.
Autre argument, plus subjectif, mais non négligeable dans les catégories sociologiques des investisseurs potentiels : le nom ou l'image de la ministre associée au dispositif fiscal, créant un a priori négatif, d'autant que le nom de Cécile Duflot a aussi été accolé à la loi "ALUR", dont deux des mesures phares sont l'encadrement des loyers et la garantie universelle des loyers (GUL), violemment rejetées par les milieux des propriétaires et des professionnels...
Dernier frein cité par l'UFF : le plafonnement des niches fiscales à 10.000 euros en 2013 (contre 18.000 euros auparavant), défavorable aux "investisseurs les plus argentés", alors que pour un investisseur moyen, un investissement de 180.000 à 200.000 euros dans le cadre du Duflot laisse la place à un second placement à visée de défiscalisation.
Reste un facteur non avancé pour expliquer le manque d'appétence actuel pour l'investissement locatif en général : la disparition de perspectives de valorisation rapide des biens acquis en cette période, et même le risque de perte de valeur à la revente s'il advenait une baisse prolongée des prix comme le prédisent certains organismes d'études économiques. Or l'hypothèse d'une plus-value quasi-certaine à la revente n'avait-elle pas été un des moteurs les plus puissants de l'investissement immobilier pendant les années fastes. De fait, dans son baromètre de novembre, le courtier en crédit Cafpi a par exemple fait part de la diminution de la proportion d'investisseurs locatifs dans son panel d'emprunteurs, passant de 16% en mars à 11%. L'incitation fiscale n'a peut-être simplement pas donné un nouveau souffle à marché de l'investissement locatif déprimé à l'image du marché immobilier global...
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