Alors que la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale doit examiner dans les prochains jours (les 17, 18 et 19 décembre) le projet de loi "Duflot" pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ("ALUR"), et que l'examen en séance publique en 2ème lecture par les députés est prévu pour le 14 janvier 2014, un groupe de travail constitué de membres de la commission des affaires économiques du Sénat qui a travaillé spécifiquement sur la "garantie universelle des loyers" (GUL) après le vote en 1ère lecture vient de déposer ses conclusions.
Alors que le dispositif envisagé soulève de nombreuses critiques, de la part des assureurs qui délivrent aujourd'hui des garanties loyers impayés (GLI) ou la garantie des risques locatifs (GRL), des milieux professionnels, mais aussi de parlementaires et pas seulement de l'opposition, comme l'a montré un récent colloque co-organisé par l'Institut du management des Services immobiliers (IMSI) et le site Universimmo.com, le groupe de travail estime qu'un dispositif de garantie universelle des loyers est indispensable pour faciliter l'accès au parc privé grâce à une plus grande sécurisation du bailleur face aux impayés, les dispositifs assurantiels existants n'ayant pas atteint leurs objectifs.
Aux yeux du groupe de travail, présidé par Daniel Raoul et composé de sénateurs de la majorité et de l'opposition, la garantie universelle doit être un dispositif obligatoire, applicable à l'ensemble des baux du parc privé, et doit s'accompagner de la suppression complète du droit pour les bailleurs de demander des cautions personnelles.
Jugeant qu'un mécanisme d'assurance obligatoire n'était pas réaliste et qu'un dispositif d'aides publiques non encadré présentait un risque de dérapage en matière de coûts, le groupe de travail recommande une "garantie socle" publique universelle et une assurance complémentaire facultative. Ainsi les assureurs privés ne seraient pas totalement évincés du marché de la garantie des loyers, ce qui était leur principale crainte...
En ce qui concerne le financement, comme la ministre du logement Cécile Duflot dans ses dernières déclarations, le groupe de travail écarte la création d'une taxe et souhaite que le dispositif soit financé par le biais de crédits budgétaires et par Action Logement (le mouvement collecteur du "1% Logement". Pour ces sénateurs, le coût pour l'État de l'ensemble des dépenses fiscales éteintes en matière d'investissement locatif (Robien et Scellier notamment) devrait diminuer de plus de 500 millions d'euros entre 2014 et 2020 ; cette somme pourrait être orientée prioritairement vers le financement de la garantie universelle.
La "garantie socle" devrait selon le groupe de travail être plafonnée au niveau du loyer médian de référence qui sera mis en place avec le nouveau dispositif d'encadrement des loyers et, dans les zones non concernées par ce dispositif, au niveau d'un loyer de référence similaire. Pour que la garantie puisse atteindre ses objectifs, l'ensemble des locataires dont le taux d'effort est inférieur ou égal à 50% doivent y être éligibles.
L'établissement public prévu par le projet de loi devrait se limiter au pilotage du dispositif. A côté d'un conseil d'administration resserré, un comité de pilotage ou d'orientation, chargé de l'évaluation du dispositif, devrait permettre la représentation de l'ensemble des acteurs concernés.
Le groupe de travail insiste sur le fait que le dispositif soit encadré afin d'éviter toute dérive : "l'institution de la GUL ne peut conduire ainsi à instaurer un droit au maintien dans les lieux d'un locataire qui ne paie pas ses loyers", indique-t-il dans un communiqué. "Les locataires (par le biais du recours au Trésor public pour assurer le recouvrement des impayés) et les bailleurs (par l'obligation de déclaration dès le premier impayé) doivent être responsabilisés".
Enfin, le groupe de travail recommande d'appliquer le dispositif progressivement, au flux des nouveaux contrats, permettant ainsi une évaluation de ses résultats. Il veillera en tous cas, prévient-il, à ce que l'article 8 du projet de loi présenté au Sénat en deuxième lecture soit fidèle à l'esprit de ses recommandations...
Ce schéma permettra-t-il à la ministre de se sortir du guêpier qu'est devenu ce projet ? La formulation du texte lui laissera du temps - à elle ou à son successeur si elle part après les élections du printemps vers d'autres aventures - pour trouver la moins mauvaise formule et allouer les ressources budgétaires nécessaires, puisque le financement public semble acquis. "Nous avons maintenant une évaluation assez précise: entre 500 et 600 millions d'euros", a déclaré le 10 décembre Cécile Duflot sur RMC et BFMTV, révisant ainsi à la baisse le coût de cette mesure. Selon l'entourage de la ministre, ce chiffrage de 500 à 600 millions d'euros représente un plafond, la somme finale pouvant s'avérer inférieure. Un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) l'avait chiffré entre 245 et 994 millions d'euros, suivant ses contours. En tous cas, les bailleurs devraient apprécier le cadeau qui leur serait fait si cette orientation se confirme.
On peut néanmoins se demander si ce nième avatar de la garantie universelle - la majorité précédente, après avoir rejeté la CLU (Couverture loyers universelle) de Noëlle Lienemann, s'était enlisée dans les versions successives de la GRL que le candidat Sarkozy en 2007 avait pourtant promise universelle - permettra d'atteindre les objectifs poursuivis, à savoir débloquer l'accès au logement des candidats aux ressources modestes ou précaires, protéger les bailleurs, et prévenir les expulsions. Les deux derniers peuvent être satisfaits. Mais si le bailleur est susceptible de ne pas être intégralement indemnisé des pertes de loyer potentielles, il restera sélectif dans le choix de ses locataires et l'accès au logement ne sera pas facilité, en tous cas dans les zones tendues, donc là où le dispositif est censé servir...
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