Alors que les médias entonnent d'une même voix le "Duflot bashing" des lobbies de l'immobilier, sa loi "ALUR" étant censée avoir avant même son entrée en application bloqué la construction et l'immobilier, le cabinet Deloitte et une professeur-chercheur à l'ESSEC, Ingrid Nappi-Choulet jettent un pavé dans la mare : la France est l'un des pays européens où l'on construit le plus de nouveaux logements ! Par contre, c'est aussi le pays où il est le plus difficile d'acheter des biens immobiliers et où les prix immobiliers sont les plus élevés... C'est ce qui ressort de la troisième édition Deloitte du Property Index qui vient d'être publiée et qui dresse un état des lieux du parc immobilier européen en 2013.
Alors que l'on assiste à un très fort recul des mises en chantier de nouveaux logements, la France, avec ses 330.000 logements mis en chantier en 2013, apparaît néanmoins comme le pays européen le plus dynamique en matière de développements immobiliers et de constructions de logements : l'intensité du développement immobilier - exprimant le nombre de nouvelles constructions pour 1.000 habitants – est de 5 pour 1.000, l‘un des plus hauts ratios en Europe, bien loin devant l'Allemagne (avec un ratio de 3).
Mais autre conclusion du rapport : la France et le Royaume-Uni sont les deux pays où l'immobilier coûte le plus cher (avec respectivement un prix au m² de 10.000 euros dans le centre de Londres et de 8.100 euros dans Paris). Dans ces deux pays, le pouvoir d'achat des ménages y est également le plus faible : il faut en moyenne 7,9 années de salaire brut pour acquérir un logement neuf de 70 m² en France. Seuls les Britanniques font pire, avec 8,5 années de salaire brut, tandis que les Danois n'ont besoin que de 2,1 années !
Il est grand temps de se demander si les chiffres de construction que la France a connus avant et même pendant la crise n'ont pas été artificiellement élevés, dopés par des avantages fiscaux accordés sans compter - creusant des déficits que l'on doit éponger aujourd'hui -, des taux historiquement faibles et l'appât de plus-values faciles, qui plus est faiblement taxées.
Il est en effet probable que si on ne construit pas plus aujourd'hui, c'est parce que l'Etat providence a du être mis aux abonnés absents, et que la demande de ce fait a fléchi, notamment pour la maison individuelle. Il n'est point besoin d'aller chercher la loi ALUR, d'autant qu'avec des prix au plafond, sans plus-values rapides, et des ratios bâlois renforcés, les banques sont plus restrictives. Selon François Payelle, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), malgré des taux d'intérêt très favorables, le taux de désistement des acheteurs a bondi de 10 à 20 % depuis l'automne en raison du durcissement des conditions de crédit. A ajouter dans les zones tendues l'effet des alternances municipales : des projets immobiliers représentant 5.000 logements dans la seule Ile-de-France seraient "ajournés" depuis celles-ci et des changements de majorité, s'est inquiété le président de la région, Jean-Paul Huchon. La peur de l'encadrement des loyers ou la fable des "kilos de papier" qui freinerait les transactions, colportée par nos confrères, paraissent à cet éclairage bien dérisoires...
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