Est-ce bien raisonnable ? L'annonce qu'une disposition de la prochaine loi de finances rectificative pour 2014 autoriserait les communes situées dans les zones "tendues" à majorer jusqu'à 20% la taxe d'habitation des résidences secondaires insuffisamment occupées et non louées, a suscité dans les milieux des propriétaires et des professionnels de l'immobilier une avalanche de communiqués et d'éditoriaux de protestations ! Tous s'y sont mis : l'UNPI, la FNAIM, l'UNIS, même le SNPI d'ordinaire plus mesuré, les grands réseaux d'agents immobiliers. Surtaxe "inéquitable", "contre-productive", risquant de crisper encore plus le marché de l’immobilier au lieu de le libérer, et aggraver donc la crise du logement, "incohérente" alors que le gouvernement veut relancer la construction, etc.
Qu'en est-il réellement ? Tout d'abord, c'est une faculté qui est proposée aux communes, pas une obligation. La ville de Paris a annoncé qu'elle l'appliquera, mais c'est elle qui est à l'origine de l'amendement : elle cherche par tous les moyens de restreindre la multiplication des résidences secondaires qui atteignent le tiers des achats actuellement, ou à défaut de les décourager de se faire quelques recettes... Car qui peut croire qu'une majoration de 20% d'une taxe d'habitation la moins chère de France peut décourager un instant un acheteur qui est prêt à mettre entre 8 et 15.000 euros le m2 ? Sa taxe d'habitation représente annuellement entre le dixième et le tiers du prix d'un seul m2 ! Ailleurs, les maires auront le choix de l'appliquer ou non, et ce sont eux qui assumeront les effets sur le marché immobilier...
Concrètement, ce sont les 28 unités urbaines englobant quelque 1.100 communes soumises à la taxe sur les logements vacants qui seront concernées. Seront donc notamment visées, outre Paris, les agglomérations des grandes villes (Bordeaux, Lyon, Marseille, Nice…), mais aussi des spots touristiques tels que Annecy, Ajaccio, ou Biarritz...
Curieusement, l'immobilier a plutôt été épargné par l'actuelle majorité, au moins quant à la fiscalité nationale : les grandes hausses de la fiscalité des plus-values et des revenus fonciers datent de la précédente majorité et celle des plus-values, après avoir été augmentée en 2013 a été ensuite réduite en 2014. Les droits de mutation sur les achats immobiliers ont été majorés de 0,7 point de taux en 2014, pour le porter de 3,80 à 4,50%, mais c'est une fois de plus au profit des collectivités territoriales. Certaines parmi celles-ci avaient augmenté leurs taux en début de la précédente mandature, mais s'étaient fortement modérées à l'approche des élections municipales. Et les nouveaux élus ont tous promis de ne pas alourdir la fiscalité locale ! Enfin, la nouvelle majorité a alourdi l'ISF mais seulement pour les grands patrimoines. L'hypersensibilité révélée par l'annonce de cette surtaxe paraît donc pour le moins disproportionnée, même si toute nouvelle aggravation d'imposition est une mauvaise nouvelle : le marché de la résidence secondaire est actuellement sinistré pour des raisons économiques générales qui n'ont que peu à voir avec la fiscalité, et les effets de cette mesure ne peuvent donc être qu'infinitésimales !
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